De la nécessaire séparation des pouvoirs - France Catholique
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De la nécessaire séparation des pouvoirs

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Dans le chaos postrévolutionnaire, la moindre étincelle — en l’occurrence un match de foot, le sport préféré des Égyptiens — met le pays à feu et à sang.
La vacance du pouvoir, la montée du fondamentalisme musulman et la grande misère gé­nèrent une colère sourde, une violence diffuse, promptes à s’extérioriser. La barbarie n’est que l’envers de la civilisation, l’autre côté du miroir. Le tissu social résistera-t-il à tant de tensions, à tant de déchirures ?
La pacification de la situation passe, sans aucun doute, par la séparation des pouvoirs.

Religion et politique ne font pas bon ménage. Pour réussir en politique, il faut être rusé comme le renard, cruel et froid comme le serpent. Qui entre dans l’arène politique pour y défendre la vérité et la justice s’en fait prestement sortir. Car il ne se bat pas à armes égales avec ses adversaires, prêts à tout pour parvenir à leurs fins. Plus grave, à confondre le champ du religieux et du politique, on défigure la religion.

Au lendemain de la révolution, nous recueillons les fruits viciés de ce terrible amalgame. Les salafistes, poursuivis par Sadate, relèvent aujourd’hui la tête quand le choix, résumé avec un cynisme consommé par l’ancien président Moubarak, « moi ou les islamistes », paraît plus que jamais d’actualité.
Non, rien n’a vraiment changé sous le soleil d’Égypte, écartelée comme toujours entre les militaires et les religieux. Les premiers, qui voudraient incarner le pouvoir exécutif quand les seconds souhaitent confisquer le pouvoir législatif, sont contraints pour le moment de temporiser. Par ailleurs, frères ennemis depuis toujours, les frères musulmans et les salafistes ne devraient pas tarder à s’entre-déchirer au Parlement. Peu désireux enfin de jouer les dindons de la farce, les moujahidines auront beau jeu de faire monter les enchères. Quant aux jeunes… Ils se sont fait voler leur révolution. Le peuple, une fois de plus, fera les frais de ces multiples antagonismes.

Pour l’heure, l’inquiétude est grande et les interrogations légion.
L’arrivée au pouvoir des islamistes préoccupe d’abord les artistes et les intellectuels qui craignent, non sans raison, qu’avec eux la censure ne s’aggrave. Premier signe de ce retour à l’ordre moral, la condamnation cette semaine du grand comédien Adel Imam. Son crime ? S’être moqué dans ses films des barbus.

L’anxiété est présente aussi chez les quatre ou cinq millions de personnes qui vivent du tourisme en Égypte. Tant que l’ordre ne sera pas revenu, les touristes déserteront le pays et que feront-ils si, d’aventure, les salafistes voulaient leur imposer leurs règles ?

Comment tout ceci pourrait-il très concrètement se traduire ? Obligeront-ils les touristes à se voiler dès leur arrivée sur le territoire ou, car on n’est jamais trop prudent, dès leur montée en avion ? Les parqueront-ils dans des clubs interdits aux autochtones ? Savez-vous que certains, parmi les plus extrémistes, songent à couvrir les statues préislamiques ? Quel aveuglement les pousse à vouloir ainsi ternir la principale source de profit du pays ?
Plus largement nous redoutons tous la chape de plomb qui, avec les fondamentalistes, s’abattrait sur le pays. Car ces gens-là ne connaissent que l’interdit. Avec eux, c’en sera fini des fêtes, du cinéma, de la danse ou de la musique. Ils ont même condamné les célébrations qui commémorent la naissance du prophète (Mouled el-Nabi).

Une société dominée par les interdits secrète frustration et dissimulation. Chacun doit pouvoir décider en son âme et conscience s’il souhaite consommer ou non de l’alcool, s’il préfère se rendre à la mosquée ou au cabaret, s’il choisit de respecter ou d’ignorer les prescriptions religieuses.
L’État ne doit pas interférer dans ce domaine qui relève de la sphère privée et de la liberté imprescriptible du citoyen.

En proposant de rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu, le Christ avait posé en son temps déjà le principe de la nécessaire séparation des pouvoirs que revendiquent aujourd’hui les jeunes de Tahrir.