De l’édito à la « Une » à TCT - France Catholique
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La chasteté : apprendre à aimer
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De l’édito à la « Une » à TCT

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Editorialiste en vogue d’un des plus grands journaux canadiens, le « Ottawa Citizen », pendant plus de quinze ans, David Warren y a signé le 15 juillet dernier son dernier papier 1 pour se consacrer désormais à la défense de sa foi catholique et de tout ce qui est « noble » dans le monde : il a rejoint l’équipe de « The Catholic Thing ». Il donne ci-dessous ses raisons :

Pendant plus de quinze ans, j’ai écrit trois fois par semaine des éditos qui étaient largement repris à travers tout le Canada, jusqu’à ce qu’en 2005 je parle contre le mariage homosexuel. J’étais le conservateur de service, mais encore pire, un « social-conservateur ». La plupart des journaux conservateurs sont conservateurs au plan financier : ils adoptent les préjugés de la gauche sauf qu’ils pensent que les impôts sont trop élevés et qu’il y a trop de réformes. Les autres sont juste ce qu’il faut « chiffons rouges » pour exciter le populo.

Certains journalistes épousaient mes vues à l’occasion mais s’arrangeaient pour les conserver par devers soi. Ceux qui en faisaient état n’ont pas bénéficié de ma longévité. Ma survie tint à une série d’heureux concours de circonstances à commencer par le rachat du journal par le magnat Conrad Black qui installa à la rédaction en chef le très libre Neil Reynolds.

Ottawa ressemble par certains traits à Washington mais en est aussi fort différent. La ville proprement dite, à l’intérieur du périphérique, est le siège des institutions de l’État. Mais la banlieue regroupe un bon échantillon des Canadiens les plus réactionnaires : ceux qui détestent l’administration, l’université, les média, autant et plus que les ressortissants de l’Alberta (le Texas pétrolier canadien).

Ma rédaction tint bon face aux attaques dont j’étais l’objet. Ce n’était pas tant des attaques en diffamation devant les tribunaux, destinées à faire perdre un maximum de temps aux responsables du journal. Mais le fait que, ayant à dîner en ville régulièrement, ils ne pouvaient pas éviter d’avoir à répondre à la sempiternelle question : « comment se fait-il que Warren n’ait pas encore été viré ? », ce qui était mauvais pour leur digestion.

J’évitais moi-même Ottawa et je sais pourquoi. Les Canadiens sont, d’après le stéréotype national, excessivement polis. Je ne manquais pas cependant d’être agressé verbalement par de parfaits étrangers: « Etes-vous le David Warren ? », ce à quoi je répondais : « ça dépend. Vous l’aimez ? » Ou si je percevais une lueur d’ironie : « je suis si las d’être confondu avec ce voyou fasciste ! »

Bien sûr, il y en a eu bien d’autres, plus gentils, même de gauche, des railleurs amicaux que je regretterai.

Quand j’ai commencé au « Citizen », en 1996, j’étais de confession anglicane (Haute-Église), déjà converti après mon éducation areligieuse, humaniste et laïque. A la fin de 2003, je traversais publiquement le Tibre et pus ainsi ajouter l’accusation de « papiste » à la série de mes péchés capitaux.

Mais mes lecteurs protestants évangéliques ne sourcillèrent pas et je fus bienvenu dans le camp des « traditionnalistes ». Les pires tourments me furent infligés par les catholiques « progressistes », cherchant à se dissocier par tous les moyens de l’enseignement de l’Église.

L’histoire du catholicisme au Canada, et spécialement dans la région d’Ottawa, est différente de celle des États-Unis. Sauf peut-être à Boston, les Catholiques aux États-Unis ont toujours été d’innocents « outsiders ». Au Québec, en revanche, l’Église était une institution établie jusqu’à ce que la révolution tranquille l’emporte tel un barrage emporté par un tremblement de terre. La capitale de notre province [Montréal], initialement peuplée de Français et d’Irlandais, conserve quelques vestiges archéologiques de cette ère de la Foi. Les établissements monastiques ont récemment été transformés en immeubles d’habitation. La ville est ex-catholique avec une revanche à prendre.

Le rôle d’un éditorialiste est de remuer les choses. Je m’enfonçais en donnant à mon social-conservatisme, déjà si répugnant aux Lumières, un fondement plus médiéviste et thomiste. En boxe, cela s’appelle « donner du menton ».

Maintenant que j’en suis sorti, je me demande si le jeu en valait la chandelle. Voix dissidente en faveur de la Civilisation Occidentale face au multiculturalisme, ai-je accompli quoi que ce soit au long de toutes ces années ?

La réponse est positive si j’en crois toutes les lettres que j’ai reçues de la part de lecteurs…Mais statistiquement, ce fut largement une ridicule perte de temps. Il était exclu que j’aie le loisir en quelques colonnes d’expliquer les prémisses anthropologiques et cosmologiques de mes opinions, au milieu d’un environnement semi-pornographique de nouvelles et de variétés. Ma simple conscience d’un temps historique faisait de moi un extra-terrestre.

Les plus jeunes avaient visiblement soif de quelque chose de plus profond que le prêt-à-porter à la dernière mode. Mais comment y faire face ?

Je ne crois pas que les média de masse cherchent délibérément à se débarrasser de la doctrine chrétienne per se. Mais j’en suis venu à penser, dans la lignée de McLuhan (ndt : théoricien canadien de la révolution médiatique), qu’ils sont structurellement incapables de faire sa place à une diversité d’opinions. Pas nécessairement par malveillance, mais simplement parce qu’ils répondent à d’autres notions de ce que sont la réalité et la vérité.

Les média ne sauraient offrir des « réalités alternatives » sans paraître ridicules. Il leur faut faire des choix et la voie la plus confortable est celle qui offre la moindre résistance de la part de leur génération et de leur classe sociale.

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Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/memoirs-of-a-pundit.html

Gravure : « Oh, Canada ! »

  1. Son dernier édito était consacré au déménagement de la BBC qui ferme son siège londonien historique et prestigieux et se décentralise au nord-est de l’Angleterre. Beaucoup pensent que ce geste est hautement symbolique et lourd de conséquences pour l’avenir des média. En bon canadien britannique, David Warren a toujours beaucoup réagi par rapport à la vieille Angleterre autant et plus que par rapport aux États-Unis.