Pénétrer dans l’intimité d’un poète, c’est effleurer le mystère de son âme. Ainsi en est-il de la maison de Marie Noël. Derrière la grande porte cochère bleue du numéro 1 de la rue portant son nom, se dévoile un petit jardin, où les roses sont reines et rois surtout les oiseaux, dont les chants envahissent l’espace en ce temps estival. Sur le côté gauche se dresse une grande bâtisse en pierre blanche, à deux étages, où la poète auxerroise, de son vrai nom Marie Rouget, a vécu trente-six ans, de 1941 à sa mort, en 1967. « D’abord avec sa mère et ses frères, puis seule, partageant la moitié du bâtiment avec son neveu et sa famille », précise Jean-Guy Bègue, membre de la Société des sciences historiques et naturelles de l’Yonne, dont l’épouse est la petite-nièce de Marie Noël. Celle-ci a légué à cette association son œuvre littéraire et musicale ainsi que sa maison, qui a reçu le label « Maisons des illustres » en 2019.
Un voyage intérieur et solitaire
Cachée au cœur de la vieille ville d’Auxerre, à quelques pas de sa chère cathédrale Saint-étienne – « ma plus belle, ma radieuse autre Maison » (Petit jour) –, sa demeure incarne la vie sédentaire de la poète, née à seulement 100 mètres de là, sa santé ne lui permettant que rarement de quitter Auxerre, pour de brèves excursions à Paris, chez son éditeur. Sa vie ardente fut un long voyage intérieur et solitaire. Certains poètes sont des pigeons voyageurs, quand d’autres s’enfouissent comme des moines.
En haut d’un grand escalier de bois, au premier étage, l’histoire de l’artiste est mise en scène dans ce qui fut son appartement. Dans le salon, des photos de grands écrivains de son temps – Montherlant, Guth, Aragon, Mauriac, Colette, Cocteau… – accompagnent des citations de leurs lettres adressées à Marie Noël, témoignant de leur immense admiration, et permettant au visiteur de saisir l’importance qu’elle eut de son vivant dans le monde des lettres. Elle qui reçut tous les prix de poésie, jusqu’à celui de l’Académie française. Et correspondait régulièrement avec nombre de ces intellectuels, malgré sa réclusion volontaire. Elle eut notamment des échanges épistolaires avec le philosophe Gustave Thibon, qui voyait dans sa poésie l’écho de sa quête philosophique (cf. FC n°3671).
Dévotion pour la fête de Noël
Le piano témoigne du talent de celle qui fut une excellente musicienne. Des photos la montrent à différents âges, jeune femme et puis, très vite, avec ses cheveux blancs frisottants, souvent dans son jardin, portant son humble tablier, elle qui aimait tant la nature, source intarissable d’inspiration. Sa crèche – réalisée par Fernand Py, artiste d’Auxerre également (cf. page suivante) – est toujours là, témoin de la très profonde dévotion de la poète pour la fête de Noël, liée à la Nativité et à la mort de son frère cadet survenue autour de cette date… Au point qu’elle en fit son nom de plume. Une photo la montre à 75 ans, posant devant cette humble crèche. Pauvreté et espérance, à son image.