L’élection présidentielle française tend à coûter de plus en plus cher. Les conséquences de cette dérive sont que la propagande risque de l’emporter sur le débat d’idées et que les ingérences des plus riches, surtout si c’est de manière occulte, font peser des doutes sur l’indépendance des candidats.
C’est pourquoi une législation de plus en plus précise tente d’encadrer le financement de la vie politique en général et de l’élection « reine » en particulier. En dernier recours, c’est au Conseil constitutionnel, de valider les comptes des campagnes présidentielles. Jusqu’à présent il avait été particulièrement timoré. Lors de la présidentielle de 1995, les comptes des candidats Édouard Balladur et ceux de Jacques Chirac avaient été rejetés par les contrôleurs : trop d’argent d’origine inconnue ! Mais le président du Conseil constitutionnel, Roland Dumas, avait mis son poids dans la balance pour que le nouveau président ne subisse pas l’affront de voir son élection invalidée. Il estimait qu’on ne pouvait contredire la sanction des urnes à un tel point sans mettre la démocratie en péril.
En revanche, les comptes du candidat anecdotique, Jacques Cheminade, furent censurés par le même Conseil pour une peccadille. Ils s’en faut de beaucoup pour que les « sages » aient fait la démonstration de leur neutralité politique.
Serait-ce pourtant le cas, en ce 4 juillet, où le Conseil a refusé de valider les comptes de campagne du candidat malheureux Nicolas Sarkozy ?
Du coup, l’État annule sa participation aux frais électoraux de Nicolas Sarkozy, qui aurait dû être de 11 millions d’euros. Il y a en fait quelque chose d’absurde dans ce jugement, que l’intéressé — après avoir déclaré qu’il cessait de siéger au Conseil constitutionnel pour récupérer sa liberté de parole — a immédiatement souligné : « Un principe nouveau a donc été mis en œuvre : pour un dépassement, que nous avons contesté, de 400 000 euros soit 2,1 % du compte de campagne, s’applique une sanction de 100 % soit 11 millions d’euros. Toutes les formations politiques ont été remboursées par l’État à l’exception de l’UMP. »
C’est d’autant plus surprenant que les critères d’examen des dépenses paraissent très subjectifs. Il s’agit pour l’essentiel de réintégrer en frais de campagne, des opérations de communication que Nicolas Sarkozy entendait avoir assumées en tant que président en exercice.
Si bien que l’on se demande comment François Hollande, s’il se représente à l’issue de son mandat, devra s’y prendre pour ne pas tomber sous le même couperet. C’est la position du chef de l’État qui est en cause. Dans la meilleure tradition française, il devrait être un symbole dans lequel toutes les factions devraient pouvoir se reconnaître. Or, il est de plus en plus (effet négatif amplifié par le quinquennat) un président-candidat en campagne permanente, qui assume aussi, sauf en période de cohabitation, les prérogatives du Premier ministre…
Les amis de Nicolas Sarkozy crient au complot. Plusieurs révélations sur le calendrier des affaires judiciaires, qui touchent successivement des personnalités de gauche et de droite, ont alimenté l’hypothèse d’un « cabinet noir » (lire Valeurs Actuelles du 4 juillet) à l’Élysée, chargé d’orchestrer ou d’amplifier les coups contre l’ancien président.
L’UMP va trouver les 11 millions manquants grâce à la mobilisation de ses militants. Mais Nicolas Sarkozy a estimé devoir revenir au premier plan plus tôt qu’il ne l’avait envisagé. Il tombe peut-être dans le piège qui lui aurait été savamment tendu ?