Conscience/inconscience - France Catholique
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Pontificat de François - numéro spécial
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Conscience/inconscience

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Je voulais, hier, parler de la conscience et j’ai perdu en route le peu que je voulais dire à ce sujet. Il ne s’agissait que d’une question : depuis quand ont-ils perdu en eux le sens du mot ‘’conscience’’ ? Car ils disent tous « nous avons notre conscience avec nous », mais quelle conscience ?

Celle-là n’est rien qu’une facilité que l’on s’offre lors des tentations, un jeu personnel en vue de se dédouaner, d’alléger éventuellement son inquiétude ou son remords… Rien à voir avec la conscience éclairée, et qui ne saurait en aucun cas ne l’être que par soi-même.

Ce qui me semble capital en l’affaire c’est bien de laisser plus haute autorité que soi ‘’allumer’’ cette lumière nécessaire : par exemple l’Esprit-Saint !

La conscience, là encore à ce qu’il me semble, n’est vraiment opérationnelle que lorsqu’on invite les Personnes de la Sainte Trinité au cœur de nos débats intimes. La discussion tout seul, c’est nul ! Avec Elle au moins on peut être certain qu’elle ne sera pas banale ! Oui, je le reconnais, la démarche est insensée si je m’adresse ainsi à un athée : quoique… et pourquoi éliminerai-je le seul Interlocuteur qui puisse porter ce débat intérieur à son point d’incandescence ?

D’ailleurs, le débat en question est consubstantiel à la conscience : je puis certes le mener avec ma femme ou un ami… Il y a pourtant un moment où ma foi ne pourra pas se taire, elle qui provient justement, en un don renouvelé incessamment, de Celui qui justifie mon existence puisqu’étant l’auteur de l’‘’être’’que je suis.

Bref, si j’élimine Dieu du discours que j’entretiens avec ‘’ma’’ conscience, je suis quasi certain de tomber de mon haut, de commettre de redoutables erreurs, de perdre le sens même de l’orientation, de décider à contre-sens, en somme de me perdre. L’expérience, dans ma vie, fut à plusieurs reprises concluante.

Cette nuit, cette question dite plus haut – depuis quand etc., – m’a réveillé : et je me suis dit que l’origine de cette perte de conscience morale est intervenue bien entendu lors du « refus d’origine » mais encore, après s’être produite à de multiples reprises tout au long de notre histoire, a renouvelé l’attaque en mai 1968. Nous sommes toujours enclos dans cette parenthèse temporelle, même si les signes d’une prochaine libération se multiplient.

La grande arnaque intellectuelle autant que spirituelle dont j’ai « pris ‘’conscience’’ » réellement en classe de philo, est l’expression d’un concept informulé mais agissant : « l’être humain n’est que son corps ». Le concept a commencé ses ravages dès la fin de la guerre mais il a explosé lors des révoltes estudiantines. Tu n’es, toi que voilà, que ta viande ! D’où madame Groult qui affirmait sans en avoir honte que l’embryon n’est qu’un bout de viande.

Lecteur, si tu veux faire un exercice édifiant, regarde ton prochain – qu’il te faut aimer pourtant – comme n’étant ‘’que’’ son corps, vilaine bouchée de viande : qu’en dira ‘’ton’’ esprit, ‘’ta‘’ conscience ? Pas d’âme pour l’animer, l’ordonner ! Une épouvante cosmique.

Quel amour en effet donner à cela qui n’est que poussière ? À ces ‘’corps’’ d’animaux capables dès lors du plus sauvage, du plus cruel, du plus fou ? J’ai regardé hier une émission très dure à visionner, tout en pédalant sur le vélo sans roues offert par mes enfants afin que je reste en forme et, pour que passe plus vite le temps, face à l’écran de la télévision (un bon reportage, un débit intéressant font passer vite le temps de l’effort…). Oui, j’ai réussi à tenir, sans le moindre instant d’inattention, devant ces images : seulement faites de paysages désolés, de marres d’eau sale, de ruines, de piquets en béton soutenant des barbelés – certains laissaient tomber leur tête en forme de crosse comme l’aurait fait des condamnés exténués ou morts – ; images encore de baraques ignobles à en frémir, de pluies obstinées dont je ressentais étrangement la froidure, de terrains désolés sous la neige et les nuages, de si sombres nuages… restes du camp de concentration le plus symbolique de la Shoa, Auschwitz-Birkenau : en effet le plus grand camp de concentration et d’extermination nazi, où furent gazés et réduits en cendres un si grand nombre de juifs, dans des conditions inexprimables tant l’ignominie, la cruauté, l’abjection y furent souveraines. Un degré d’horreur inouï, atteint pourtant sans que les voix qui accompagnaient ces images haussent le ton : il est vrai, ce qui était dit dépassait à ce point l’imagination qu’il n’était nul besoin de la force des sons. Une retenue exemplaire, un recueillement fort… Et j’ai réussi, à mon étonnement, à écouter sans aucune distraction la voix de femme, infiniment recueillie, qui lisait le témoignage bouleversant d’une rescapée – quelle honte, ma mémoire, d’avoir oublié son nom ! – ; une voix d’homme, également concentrée sur l’essentiel, lisant le récit écrit par un médecin, le docteur Lévy, de Strasbourg, lui aussi rescapé. Sans hypocrisie, je puis dire que j’en ai pleuré.

Aujourd’hui, il est de bon ton de se référer sans cesse à la Shoa, comme s’il suffisait d’affirmer, peut-être en pédalant le long de la Loire ou en sirotant un verre de Coteau du Layon, que ce crime ne doit pas être renouvelé : la bonne conscience semble se suffire de cette référence à un antinazisme qui, au fond, ne coûte rien sinon à obtenir la considération respectueuse de l’établissement sociétal. Mais nos résistants des ondes au pouvoir oublient que la tentation du totalitarisme n’a jamais baissé les bras. Pourquoi, par exemple, notre République se refuse-t-elle à avouer son péché d’origine, le martyre de la Vendée ? Nous en sommes les témoins : se développe en ces jours, chez nous, une sorte de ‘’cristallisation’’ mortifère qui comporte bien des ingrédients d’une pensée totalitaire. De cet œuf idéologique pourrait parfaitement sortir un monstre.
L’esprit de dictature, en effet, n’est pas mort1.. L’instinct de cette violence est toujours présent dans l’inconscient des hommes politiques tout comme il l’est dans l’inconscient de tout être : cela d’autant plus que cet ‘’être’’ a cessé de savoir « qui il est » comme il a perdu l’idée même de ce qu’est l’amour, la principale et plus belle et plus noble de ses capacités. Cet esprit, qui est d’orgueil, se retrouve bien souvent la cause de la dissolution des couples : mais aussi des peuples.

C’est bien ce qui est alarmant dans la politique menée par nos gouvernants : je ne vise pas ici que Monsieur Hollande, même si, chez lui, cet instinct semble d’une force que nous ne pouvions soupçonner avant 2012. Les présidents qui se sont succédé avant lui n’ont pas mis beaucoup d’ardeur afin que soit systématiquement respectées les valeurs de civilisation et de liberté 2 !…

Quand, par exemple, les Communistes, en leur Congrès de 1948 – ou 1947 ? –, décidèrent qu’il conviendrait de parvenir à séparer les enfants de leurs père et mère c’est bien d’un concept totalitaire qu’ils avaient accouché ! Les pensées de Monsieur Peillon se sont nourries de tels excès, puisés aussi bien chez Robespierre et Saint-Just que chez Pierre Leroux et bien d’autres inspirateurs dont on a vu par la suite qu’ils avaient cautionné, sinon participé, aux innombrables abus et crimes de l’ère soviétique.

Donc, ils ne ‘’se’’ veulent, et ne ‘’nous’’ veulent, ‘’que’’ corps ! C’est une infamie spirituelle impensable, une prétention qui ne s’admet pas. Qu’ils le veuillent pour eux-mêmes, ils en sont libres ! C’est un horrible choix, bien entendu, sorte de suicide ! Et nous nous devons d’en être totalement attristés : mais qu’ils désirent embarquer sur leur radeau de la Méduse chaque citoyen français, notamment par le biais de leur École, qu’ils disent être celle de la République3, voilà qui devient un scandale sans nom et un motif permanent de révolte ! Nous sommes loin ici des frivolités qui attirent tous les commentateurs de la chose publique, les marivaudages élyséens, la mise à l’écart d’une concubine, précocement remplacée d’ailleurs par une autre maîtresse.

De quel ‘’droit’’ se targuent-ils d’être les dévots ? Du droit de la dictature intellectuelle qu’ils exercent depuis la fin de la guerre, du fait de la lâcheté de la droite depuis cette date fatidique ? Alors, crions notre certitude que l’être humain n’est pas ‘’que’’ son corps, et que s’il s’imagine n’être que cette pauvre chose, alors il est mort, comme le pensait déjà l’auteur de l’Enfer4 ! Faire endosser à tout un peuple une telle Tunique de Nessus, jusqu’à sa complète consomption morale et spirituelle, voilà qui est bien plus que choquant : comment désormais leur faire confiance ? « Jamais, jamais plus », pour reprendre les derniers mots du poème « Le Corbeau » d’Edgard Allan Poe.

Le corps est ce qu’il est à partir du moment où une âme, ‘’son’’ âme, agit en lui afin qu’il s’organise depuis son état de ‘’première’’ cellule, puis d’embryon, de fœtus, d’enfançons, de bébé etc. jusqu’à son plein développement et même jusqu’à sa lente descente vers la tombe, afin qu’il tienne debout le temps voulu et qu’advienne pour lui l’heure de rejoindre son ultime et grandiose destination. Et l’on conçoit aisément que cette âme est liée à lui dès le tout commencement jusqu’au tout dernier souffle.

Et quand son âme le quitte, ce corps devient cadavre. L’attente alors d’une autre heure, celle de la gloire de la résurrection promise.

Leur grande chance, qui leur permet de garder la possibilité d’une rédemption, est de ne pas perdre leur âme sur le champ quand ils se flattent d’être ce qu’ils croient être, ce peu de poussière : cela leur laisse le temps de « prendre enfin conscience » qu’ils ‘’sont’’ des créatures humaines et non de simples bêtes, quoiqu’il me faille aussitôt nuancer le propos et me souvenir que les animaux ont aussi leur propre petite âme ! Toute vie suppose un principe organisationnel qui lui permet d’accomplir son destin, qu’il soit de feuilles ou de chair. Mais j’ai dû noter cela il y a quelques semaines ou moins…

Ah ! Dernière note à déposer sur le plateau de la balance : les trisomiques sont pareils aux autres humains, indissolublement durant leur vie corps, âme et esprit ; pourtant on pratique contre eux un scandaleux, infâme, eugénisme, les condamnant à 96% à l’élimination ; les handicapés du moteur comme des neurones le sont aussi, naturellement et surnaturellement. La vie de leur âme est ouverte sur le Dieu d’amour bien plus aisément que celle des bien-portants, si souvent prise au piège des emplois du temps surchargés et des nécessités pratiques ou mondaines.

  1. Quelle tentation pour les journalistes ! Sur France Info, ce matin, un commentaire plein de mépris à l’encontre de Farida Belghoul, courageuse femme dont j’ai déjà dit tout le bien que je pensais de son action. Ici, c’est de son appel à boycotter pendant un jour l’école afin de faire savoir que l’on ne voulait pas que soit donné aux enfants un enseignement sur le gendeure
  2. Que l’on me comprenne bien : je parle de la liberté des êtres, non celle du Pouvoir…
  3. Un front vient de s’ouvrir et il va donc falloir se méfier ardemment du projet lancé au Sénat par quelques fous dangereux d’interdire aux parents d’assurer l’enseignement à domicile de leurs enfants.
  4. Durante degli Alighieri dit ‘’Dante’’ au XIVe siècle.