Connaissez-vous le mythe de Sisyphe ? - France Catholique
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Léon XIV un pape spirituel et missionnaire
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Connaissez-vous le mythe de Sisyphe ?

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Les opposants au projet du mariage entre personnes de même sexe, aussi bien que ceux qui le soutiennent, se retrouvent dans tout l’éventail des sensibilités politiques. Les propos portant sur ce problème ne peuvent, de ce fait, être que l’expression d’un positionnement individuel, à moins de se trouver soumis à une contrainte de type totalitaire de la part de son propre groupe d’appartenance. C’est donc à titre personnel que je me demande comment, à un moment de notre histoire qui montre notre pays en très grande difficulté sur des points cruciaux, une minorité d’individus peut imposer son désir singulier comme s’agissant d’une priorité nationale urgente, en disposant du pouvoir en place.

En tant qu’institution, le mariage est la reconnaissance de l’universalité de la relation entre le masculin et le féminin, c’est à dire entre les hommes et les femmes, et donc entre tout homme et toute femme qui, librement, choisissent de s’unir pour vivre une aventure autant naturelle qu’exceptionnelle. Le signe socialement posé est celui de la portée universelle de l’événement. Il n’appartient pas à la société d’inventer les fondements de l’humanité, mais de les comprendre pour en permettre au mieux l’accomplissement.

Le mariage prend sens dans la spécificité de la nature de l’alliance qui le fonde et dans l’exclusivité de celle-ci ; envisager un type d’union unisexe comme son légitime équivalent en est tout simplement le déni.

L’ardeur dans l’implication des partisans du mariage pour tous, manifestée quelquefois de façon attristante, dans un contexte populaire qui demeure encore largement apathique, laisse de quoi s’interroger : que veulent vraiment ces militants ? Est-ce la défense des intérêts d’une représentativité sociétale restreinte ou bien ont-ils pour dessein de détruire un signe dont le sens, trop chargé pour eux, ne peut être assumé ?

On doit se souvenir que l’histoire de l’humanité pourtant riche en rebondissements les plus insensés, ne s’est jamais aventurée sur ce chemin. Jamais, en effet, dans aucune culture le rapport entre deux personnes de sexe identique n’a été validé matrimonialement, du moins jusqu’à ces toutes dernières années. Ouvrons les yeux ! Le témoignage, au quotidien, de l’échec patent des sociétés actuelles, quelles qu’elles soient, pour lesquelles la vie d’un être humain a perdu sa dimension sacrée, dit notre qualité d’être, notre niveau de sagesse. Un minimum de lucidité devrait suffire pour en déduire une salutaire prudence. Alors que nous sommes incapables de gérer les nécessités des affaires courantes, on veut s’attaquer aux fondements anthropologiques grâce auxquels subsiste encore un semblant de stabilité.

Ce qui se passe est d’autant étonnant que ce projet est présenté à partir d’une argumentation des plus indigentes qui a obligé, pour tenter de la densifier un peu, à caricaturer la réalité du vécu des personnes homosexuelles au point d’en faire, pour certaines d’entre elles, des adversaires résolus.

Alors, pour qu’une telle aberration ne provoque pas plus de réactions, il doit y avoir automatiquement de bonnes raisons à cela. On peut tenter d’en cerner quelques-unes parmi les plus accessibles.

La première, que l’on peut présenter comme le pré-requis, est la sexualité elle même. Je veux parler de la sexualité réelle et non celle du commerce de nos cachectiques fantasmes qui ne disent autre chose que le malaise et souvent la peur devant la profondeur de son mystère.

D’autre part, la sexualité digne de ce nom n’est pas une évidence du tout, elle est une mise à l’épreuve de notre organisation psychique. Elle est une initiation à ce que l’on est, bien plus qu’à ce que l’on fait, grâce à cet autre, énigmatiquement autre dans sa différence, embarqué dans la même aventure et la même intensité des attentes. La liberté portant sur l’ «être » est une inhérence de notre humanité. C’est pourquoi notre identité sexuée demande l’assentiment à accorder à son propre donné naturel, notre corps ; assentiment qui résulte du consentement réciproque impliquant l’autre nécessairement différent sexuellement. Et ceci n’est pas chose si aisée, loin de là. Le mariage n’est pas un aboutissement mais un début. Par lui commence la véritable sexualité qui est l’expérimentation dans la durée de la réalité de la présence de l’autre. Cet autre que l’intimité du lien, lors du face-à-face, révèle plus autre encore. La problématique de la sexualité n’est pas nouvelle, son essence même le veut ainsi. Personne ne domine réellement le sujet parce qu’il est fondée sur le mystère. Les inévitables zones d’ombre du vécu de la relation sexuelle sont isolées de leur contexte pour être exploitées par ceux qui tirent leur pouvoir de la confusion.

Par ailleurs, les pressions sous forme de menaces directes ou implicites à l’encontre des opposants à ce projet , qui suscitent craintes et culpabilisation, ne sont pas sans effets. Si elles sont le fait du zèle de notre présent gouvernement, leur origine, elle, remonte à plus de trente ans. L’idée n’a fait que prendre ce temps pour germer, activement favorisée en cela par la majorité des médias qui en ont progressivement exacerbé et travesti les enjeux. De façon générale, il est difficile de résister à la puissance de la pression de conformation lorsque elle est systématisée, mais c’est plus encore le cas lorsque la problématique est présentée principalement sur le plan imaginaire et affectif. Paradoxalement le déficit d’arguments pour convaincre de l’intérêt d’un tel projet ampute de son déploiement la pensée qui s’y oppose. Quoi qu’il en soit, une instance dirigeante, ne peut s’arroger le pouvoir de trafiquer ce qui est de l’ordre des structures anthropologiques, ce n’est pas pour cela qu’elle est élue, son rôle étant justement d’en assurer la protection.

Toujours dans la recherche des raisons suffisamment actives, on peut mesurer combien il est difficile de faire clairement la part des choses et garder le cap. Lors des récentes manifestations nous avons pu constater une évolution de la revendication. L’essentiel n’est plus autant mis en exergue et d’autres motivations apparaissent situées au même niveau d’importance : la protection des enfants par rapport à une parentalité unisexe, la lutte contre l’homophobie, la défense du code civil en sont des exemples. Si ces intentions demeurent tout à fait pertinentes et même louables, avec une mention particulière concernant le devoir impératif de la défense de l’enfant, il ne faut pas perdre de vue le cœur du problème. Le refus de la dé-signification des sexes devrait demeurer la préoccupation fédératrice. Et il n’est pas certains que des revendications variées qui risquent de se multiplier encore, puissent converger pour assurer la nécessaire cohérence de l’opposition au mariage pour tous. Ceci est d’autant inquiétant que les responsables des divers regroupements ne font pas preuve de coalescence, loin s’en faut.

Les conséquences sont capitales. Ne plus comprendre l’importance souveraine de la relation homme/femme dans la structuration du psychisme et dans l’édification sociale, projette en son lieu et place, au premier plan, le rapport homosexualité/hétérosexualité. N’est-ce point sous cet aspect que nous est imposée la « véritable » différence ? La nouvelle revendication ne porte t-elle pas sur ce point au nom de la liberté ? Voilà le nouveau couple que nous devons célébrer, et dans l’allégresse, s’il vous plait ! Présenté ainsi, le piège s’avère redoutable ; il ne s’agit que d’un choix entre deux options présentées comme également fondées, l’une justifiant l’autre. Enfin, deux options pour le moment….

Il existe un autre motif qui ne doit surtout pas être sous-estimée, car plus grand est son pouvoir sur l’inflexion de la pensée qu’il n’y parait. Il mérite à ce titre que l’on s’y attarde quelque peu. Il s’agit de l’impossibilité de s’émanciper d’un vocabulaire arbitraire qui emprisonne dans les problématiques évoquées, même pour les dénoncer.

Le mot « homosexualité », nous le savons tous, porte en lui-même son propre non- sens, car formé par deux termes contradictoires, il est un oxymore. N’est sexuel que ce qui met en rapport les caractéristiques masculines et féminines, selon la définition qu’en donnent les dictionnaires. Sémantiquement, l’emploi du terme « homosexualité » ne peut pas désigner une expression de la sexualité, mais au contraire sa négation. On pourrait aussi bien parler de dé-sexualisation dans l’esprit. Or c’est à partir de ce concept qui dit une réalité impossible qu’a été construit, comme son vis à vis, celui d’ « hétérosexualité ». Les deux mots partagent la même absurdité, mais l’ « homosexualité », devient logiquement la référence première. Elle s’en trouve, de fait, justifiée en tant que telle de façon implicite à chaque emploi du terme « hétérosexualité » et ceci même pour faire l’apologie de ce dernier. « Hétérosexualité », pour rappel, est composé d’une redondance qui suppose le terme « sexualité » non suffisamment évocateur en lui-même. Le pléonasme qui en résulte anémie le concept.

Comment traduire fidèlement une pensée à partir d’acceptions vides de sens ? Le piège est très efficient et la pertinence des démonstrations y perd en opportunité.

Un autre construit langagier, particulièrement couru actuellement, véritable échafaud par lequel tombent beaucoup de têtes, impose sa redoutable efficacité : il s’agit du très médiatique « homophobie ». Que signifie « phobie » ? Très succinctement, il s’agit d’une peur exagérée et irraisonnée poussant à fuir ce qui est codé et fixé comme un danger. Le comportement qui peut être celui de la panique est en fait disproportionné vis à vis de la réalité de la situation. Ainsi, la présence du « même » serait susceptible de provoquer ce type de réaction. Pris dans son sens général, il est difficile de concevoir une plus grande idiotie. Être terrorisé par le semblable à soi-même, cela ne s’est jamais vu en dehors de très graves pathologies psychiatriques. A l’inverse, par contre, la crainte, voire l’aversion du différent est infiniment plus courante, ce qui ne la justifie pas pour autant. Manifester contre l’homophobie en brandissant des pancartes ainsi libellées, lors des rassemblements motivés par la défense du mariage traditionnel, montre l’engluement dans un contexte où règne la confusion.

Dans un imbroglio on ne pense plus, même si on tente de s’y employer. Le slogan « mariage pour tous » l’annonce, pas de limites, plus de tabous, la suite se devine sans peine…..

Je tiens, une fois de plus, à affirmer mon respect pour les personnes homosexuelles, lorsque celles-ci sont dans la dignité de leur discrétion. Le déterminisme qui est le leur est le signe porté jusqu’à son paroxysme de nos propres misères relationnelles. Leur souffrance, lorsque l’occasion de l’exprimer leur en est donnée, est extrêmement touchante et la pire des lâchetés est d’instituer son ignorance.

Pour ces quelques raisons et d’autres encore, ce projet de mariage accordé à tous indistinctement, aveuglément, nous place dans la peau d’un nouveau Sisyphe. Le poids de la pierre à porter est énorme, la montagne à gravir bien haute, la multiplicité des chemins allonge le parcours, le sol très instable n’offre que d’incertains appuis, et de plus Sisyphe est un peu usé par un présent délavé et plus encore par un avenir désenchanté. Et pour lui, et donc pour nous, ce que je crains grandement, c’est que nous incarnions, sans le réaliser vraiment, le Sisyphe d’Albert Camus.

L’urgence requiert la nécessite de mesurer ce que l’on risque de perdre, et pour cela il convient d’interroger la nature et le sens du couple, le redécouvrir dans son principe au-delà des éventuelles déconvenues personnelles. Recontacter la profondeur de sa vocation et son mystère. Alors nous saurons le défendre.