Je vous propose un petit questionnaire, à vous tous, probablement la minorité, qui avez pleinement conscience que presque tous les pays développés sont menacés par une grave implosion de leur population, alors même que beaucoup continuent leurs bavardages sur la surpopulation (et le coût supporté par la « collectivité », que l’on pourrait éviter en empêchant les naissances).
Pour prendre simplement un exemple, en Grèce, il n’y a aujourd’hui que 42 petits-enfants pour 100 grands-parents. Apparemment, il faut effectivement tout un village pour élever un enfant, mais avec ces taux, ces villages ne vont pas bien se développer, ni même (vivre) encore longtemps.
Quel est le pays qui connaît actuellement la baisse de fécondité la plus rapide jamais enregistrée dans l’histoire du monde ? J’adorerais maintenir le suspense, mais je vais droit au but : c’est l’Iran. Il doit se passer bien des choses en coulisse dans ce pays musulman si le taux de fécondité chute à un niveau très européen de 1,5 enfant par femme.
En 1970, les Iraniennes avaient en moyenne sept enfants. Un déclin d’un telle ampleur (plus de 5 enfants par femme) en simplement un peu plus de deux décennies, c’est comme si un front froid d’une ampleur exceptionnelle envoyait l’hiver démographique vers les tropiques.
Ce n’est que l’une des révélations de ce nouveau livre stimulant de David P. Goldman : (How Civilizations Die. And Why Islam Is Dying Too)(Comment meurent les civilisations et pourquoi l’Islam est aussi en passe de mourir).
Les pays islamiques, à l’instar de l’occident ou le Japon, choisissent actuellement le déclin, tout comme l’ont fait d’autres peuples et civilisations dans le passé.
Saint Augustin avait le sentiment que « pour découvrir la mentalité d’un peuple, il suffit d’observer ce qu’ils aiment, » (c’était son explication de la chute de Rome ou, d’ailleurs, de n’importe quelle nation). Goldman approuve et propose cette réponse : « les peuples échouent parce qu’ils n’aiment pas ce qu’il faut aimer. »
Selon lui, l’Iran, conscient de son déclin, ressemble à une « bête blessée », dangereuse et instable. Confronté à la perspective du décès ou de l’extinction, il est sans doute plus tenté de réagir violemment, puisqu’il sent qu’il n’a vraiment rien à perdre.
Mais l’analyse de Goldman ne s’en tient pas à un habile mélange de chiffres et de considérations géopolitiques. D’une manière qui ouvre de nouveaux horizons de pensée, même pour ceux qui sont acquis à ses arguments, il aborde le cœur du sujet : les racines spirituelles de l’implosion de la population.
L’organisation de nos différentes cultures sécularisées, malgré leur confort, ne répondent pas à nos besoins humains les plus fondamentaux : « Quand des hommes et des femmes perdent le sacré, ils perdent le désir de vivre. » C’est la raison pour laquelle nos vies ont absolument besoin de sens qui transcende la mort.
Sans doute est-ce l’une des raisons pour lesquelles il écrit que l’implosion de la population est non seulement « l’événement dont on parle le moins à notre époque » mais « l’éléphant dans la pièce ». Il est plus difficile de parler des choses les plus profondes même si elles représentent également nos besoins les plus profonds.
Goldman attribue le déclin de population actuel à une « Perte de Foi », qu’il qualifie de Cinquième Cavalier de l’Apocalypse (les autres étaient la Guerre, l’Épidémie, la Famine, la Mort) : « À mesure que les sociétés font place à la modernité, la foi et la fécondité disparaissent ensemble. »
Les niveaux épidémiques de suicide chez les Peuples premiers en Amérique, depuis les Inuits au Canada jusqu’aux Guaranis en Amérique du Sud sont une autre manifestation triste de cette profonde dislocation.
L’effondrement de l’Iran n’est pas de nature si différente que celui qui s’est produit récemment dans les populations isolées ethniquement et autrefois identifiées comme des bastions de la foi catholique.
Le taux de fécondité au Québec, longtemps nettement plus élevé que dans le reste du Canada, s’est réduit de deux tiers en moins d’une génération au moment de l’entrée du Québec dans la modernité. En 1982, plus de 42 % des hommes et des femmes s’y étaient fait stériliser.
Le taux de fécondité en Pologne (« cette nation dont la foi et l’héroïsme ont gagné la Guerre froide ») atteint aujourd’hui un niveau étonnamment bas de 1,25. L’Espagne, qui avait, de loin, le taux de fécondité le plus élevé d’Europe Occidentale dans les années 1970, a atteint le taux le plus faible en simplement 20 ans.
Pour lui, le fait que la religion est beaucoup trop liée à l’origine ethnique (au sang et au sol ainsi qu’à des notions de peuple élu de Dieu) a conduit à de formidables conflits, et ce lien a tendance à se fragiliser quand il est confronté à la modernité, en particulier par rapport à la religion basée sur la conscience individuelle. Ceci est l’objet d’une partie importante de son propos non seulement au sujet de la culture musulmane (« tribalisme élevé au rang de principe universel »), mais encore au sujet des différences notables entre l’Europe et l’Amérique, malgré l’héritage chrétien qu’elles ont en commun.
Le taux de fécondité en Amérique (qui avoisine le taux de remplacement) n’est pas tant un indicateur de belle santé qu’une période de grâce. Nous sommes encore en croissance et capables de nous y maintenir, alors que l’Europe et le Japon arrivent à un « point de non-retour ». D’ici 2050, il restera au Japon en tout et pour tout deux fois moins de futures mères qu’aujourd’hui.
Au début de cette année, un rapport a révélé que plus de 50% des enfants nés en Amérique de femmes de moins de 30 ans sont nés hors mariage. On peut débattre des implications démographiques à long terme de cette profonde cassure dans l’équilibre humain. Mais, à terme, tout l’équilibre et la dignité de la vie humaine dépendent (selon l’avis exprimé par Jean Paul II dans des notes qui devaient par la suite former sa « Théologie du corps ») « à chaque moment de l’histoire et à chaque point de latitude et de longitude géographique, de qui elle (la femme) sera pour lui (l’homme), et lui pour elle. »
Sans doute le regretté Cardinal Dulles, que cite Goldman, avait-il raison de s’inquiéter que le petit reste Chrétien en Amérique n’aura pas assez de force pour résister aux forces de sécularisation qui se sont abattues sur l’Europe.
Sans lien avec le passé et sans confiance en l’avenir, les individus piégés dans une culture de mort « anesthésient leurs sens avec l’alcool et les drogues, et, en proie à l’abattement existentiel, « se vouent à la mort au travers de l’infertilité, de la concupiscence et de la guerre. »
Le salaire du péché, écrivait St Paul, c’est la mort. Le revers semble contenir un truisme qui lui est propre : la connaissance de la mort, sans la foi au don de vie éternelle conduit les hommes et les cultures à un péché plus grand.
Ce dont nous avons le plus besoin aujourd’hui, où le péché et le stress, le désespoir et la déchéance abondent, c’est de d’avoir confiance que la grâce abonde encore davantage.
Matthew Hanley est, avec Jokin de Irala, docteur en médecine, l’auteur de : Affirming Love, Avoiding AIDS: What Africa Can Teach the West,(Oui à L’Amour, Non au SIDA : ce que l’Afrique peut faire comprendre à l’Occident), prix du meilleur livre de la Catholic Press Association. On peut se procurer sa dernière publication,The Catholic Church & The Global AIDS Crisis (L’Église Catholique et la crise mondiale du SIDA) auprès de la Catholic Truth Society, éditeur du Saint-Siège au Royaume Uni.
Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/goldman-on-dying-civilizations.html
Photo : David P. Goldman
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