Charlie : Il y a « baptême » et « Baptême » - France Catholique
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Pontificat de François - numéro spécial
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Charlie : Il y a « baptême » et « Baptême »

Quand on regarde les photos des grandes manifestations du 11 janvier dernier, une chose frappe — et dérange sans doute certaines consciences — : le fait qu'il s'agissait d'une foule familiale ressemblant étrangement à celle qu'un Pape ou une manifestation contre le mariage gay peut rassembler... Et d'ailleurs les catholiques étaient en nombre, souvent venus de loin, avec le badge « Je suis Charlie » sur la poitrine, mais n'en témoignant pas moins de la plus haute vocation de la France...
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Oui, Monsieur le Président de la République française, le dimanche 11 janvier, vous avez célébré votre premier « baptême du feu » face à un terrorisme aveugle et bien des Français ont découvert en vous une détermination de circonstance à la hauteur de votre fonction.

En relation avec plusieurs victimes, l’islam et la religion juive ont occupé l’essentiel des préoccupations de votre gouvernement et des médias.
L’Église catholique, dans un registre plus discret, s’est exprimée par la voix du cardinal de Paris au cours de toutes les messes de ce jour. La liturgie célébrait le Baptême du Christ : chaque chrétien a ainsi redécouvert la « carte d’identité » de son propre Baptême. La majorité de nos concitoyens, et vous-même, peuvent y faire référence. Cette réalité du « Baptême » accom­pagnait donc les semelles et la méditation des chrétiens qui ont battu les pavés parisiens et provinciaux ce dimanche.

Comme Président de notre pays, vous avez eu une parole merveilleuse, vous étiez convaincu qu’elle était unique et même prophétique : «  Paris est aujourd’hui la capitale du monde.  »

Tout en marchant, j’ai « ruminé » ces quatre mots : Paris, baptême, monde, capitale ! Il m’est revenu à l’esprit ce qui se passait à quelques encablures de l’Élysée, sous la présidence de monsieur Giscard d’Estaing, le 1er juin 1980, sur les pistes de l’aéroport du Bourget, très précisément.

Ce jour-là, un chef d’État, mondialement connu, tenait un discours assez proche du vôtre : «  Nous nous trouvons tous, par une disposition admirable de la Providence, tout près de Paris, qui est la capitale de la France, l’une des capitales de l’Europe, une parmi bien d’autres, certes, mais unique en son genre, et l’une des capitales du monde.  »

En remplaçant les mots « Frères et Sœurs » par les mots « Chers Conci­toyens », vous auriez pu faire vôtre, la phrase suivante, face aux « Grands » que vous receviez à l’Élysée : « Je suis aujourd’hui avec vous, Chers Frères et Sœurs, en un de ces lieux depuis lesquels, d’une manière particulière, on voit le monde, on voit l’histoire de notre monde et on voit le monde contemporain, le lieu d’où ce monde se connaît et se juge lui-même, connaît et juge ses victoires et ses défaites, ses souffrances et ses espérances.  »

Votre répartie célèbre du «  Moi Pré­sident  », lors de votre campagne, incluait forcément la prise en compte de tous ceux qui ont façonné cette France dont vous souhaitiez prendre la responsabilité, qu’ils soient « des Lumières » ou d’ailleurs. Votre confrère dans la fonction, le chef de l’État du Vatican, puisqu’il s’agit du saint pape Jean-Paul II a, quant à lui, fait une sélection de ces hommes et femmes «  référents  » qui ont façonné l’histoire de notre pays.
« Un très grand chapitre de cette histoire a été inscrit dans l’histoire de votre patrie, par les fils et les filles de votre nation. Il serait difficile de les nommer tous, mais j’évoquerai au moins ceux qui ont exercé la plus grande influence dans ma vie : Jeanne d’Arc, François de Sales, Vincent de Paul, Louis-Marie Grignion de Montfort, Jean-Marie Vianney, Bernadette de Lourdes, Thérèse de Lisieux, Sœur Élisabeth de la Trinité, le Père de Foucauld, et tous les autres. Ils sont tellement présents dans la vie de toute l’Église, tellement influents par la lumière et la puissance de l’Esprit Saint !  »

Au cours de cette semaine de tous les dangers, vous avez, à juste titre, «  enfoncé le clou », pour tout ce qui relève de votre responsabilité : l’unité de notre Nation, les respect de chacun, au-delà de sa couleur ou de sa religion et surtout le respect de notre devise républicaine. Il y a 34 ans, les micros du Bourget vous ont probablement servi de référence : « Que n’ont pas fait les fils et les filles de votre nation pour la connaissance de l’homme, pour exprimer l’homme par la formulation de ses droits inaliénables ! On sait la place que l’idée de liberté, d’égalité et de fraternité tient dans votre culture, dans votre histoire. Au fond, ce sont-là des idées chrétiennes. Je le dis tout en ayant bien conscience que ceux qui ont formulé ainsi, les premiers, cet idéal, ne se référaient pas à l’alliance de l’homme avec la sagesse éternelle. Mais ils voulaient agir pour l’homme.  »

Vos prochaines réunions interministérielles devront forcément donner une réponse cohérente aux Français qui ont répondu à votre appel de dimanche. Karol Wojtila, qui fut l’un des principaux artisans de la chute du Rideau de fer communiste, vous a rejoint dans vos questionnements, il a même donné une réponse qui n’est pas brevetée, elle est donc disponible : « On peut dire en même temps que le pouvoir de l’homme sur l’autre homme devient toujours plus lourd. En abandonnant l’alliance avec la Sagesse Éternelle, il sait de moins en moins se gouverner lui-même, il ne sait pas non plus gouverner les autres. Combien pressante est devenue la question des droits fondamentaux de l’homme! »

Comme Président de la Cinquième République, vous êtes porteur des ombres et des lumières de toute l’histoire de notre pays, y compris de cette vocation fondatrice qui colle à l’âme de la France, rappelée au Bourget : «  Alors permettez-moi, pour conclure, de vous interroger : France, Fille aînée de l’Église, es-tu fidèle aux promesses de ton baptême ?  »

En ce dimanche 11 janvier 2015 vous souhaitiez incarner le rôle d’un guide et d’un éducateur pour les peuples du monde, dans le domaine de la lutte contre le terrorisme, du respect de toutes les religions, du respect de l’homme tout simplement. Ce faisant, vous avez illustré la « fine fleur » de la conclusion de saint Jean-Paul II lorsqu’il a confirmé que le monde entier regarde la France dans les domaines essentiels.

«  Permettez-moi de vous demander : France, Fille de l’Église et éducatrice des peuples, es-tu fidèle, pour le bien de l’homme, à l’alliance avec la Sagesse éternelle ?  »

Ami lecteur, en prenant un peu d’altitude, les panneaux « Je suis Charlie » s’estompent rapidement, laissant place à un deuil national pour ceux, quels qu’ils soient, qui ont perdu leur vie.

Quant à ce peuple immense du 11 janvier, il rejoint, dans sa majorité, les foules de Palestine à la suite de Jésus : sans boussole, assoiffées d’une parole de vérité, en recherche d’absolu, un appel de détresse en plein désert spirituel.

Le pape François présente le monde comme une terre vierge, prête à recevoir la semence de l’Évangile. Mais auparavant il nous rappelle l’urgence première. à l’image de la fumure en terre ou du levain dans la pâte, la mission de tout chrétien est de revêtir son tablier de service pour laver les pieds de tous ceux qui, comme nous, sont enfants de Dieu : chrétiens, juifs, musulmans, blancs, noirs, jaunes, croyants ou non. Ainsi se prépare l’humus pour que germe demain la semence de la « Civilisation de l’Amour ».

Quant à nos responsables politiques, accepteront-ils de tendre l’oreille aux échos venus du Bourget ? Ou bien se saisiront-ils d’une clef à molette pour ne laisser filtrer que leur « pensée unique » impitoyable ?