CHANGEMENT DE REGIME - France Catholique
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CHANGEMENT DE REGIME

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La question pratique la plus difficile dans l’ordre politique est précisément de décrire exactement le type de régime dont nous traitons ou dans lequel nous vivons. Monarchie, aristocratie, régime constitutionnel, tyrannie, oligarchie, démocratie, ou régime mixte, selon la terminologie d’Aristote ?

Ces types nous permettent de mieux comprendre de l’intérieur la réalité des âmes des citoyens des régimes modernes que des articles de constitutions.

Dans la couverture de l’Egypte, voire de la Tunisie ou de l’Iran, on retrouve les problématiques des régimes classiques :

1) l’Egypte doit se transformer en « démocratie » supposée le « meilleur » régime.

2) En dépit de ses flagrantes imperfections, le régime actuel doit être conservé pour la stabilité régionale.

3) Si le régime change, la suite sera pire.

4) Le meilleur régime ne pourra se réaliser mais espérons un progrès.

5) Des élections « démocratiques » peuvent choisir n’importe qui, y compris des tyrans.

En termes classiques, l’Egypte a été gouvernée par un tyran ou un dictateur, appelé président. Il est assis sur une poudrière de problèmes contradictoires religieux et économiques qui peut tout à coup exploser. Nous posons donc la question : quel type de régime « devrait » prévaloir ici ? Quelle est la « meilleure » forme de régime que nous pouvons espérer ? Quel régime est préférable, sachant que tout régime raisonnablement possible peut se révéler dangereux ?

La question suivante est : « D’où interrogeons « nous » ? » Egyptiens, Européens, Israéliens, Africains, Américains, Chinois, Saoudiens, Russes, Frères musulmans, Coptes ? Chacun apportera des réponses radicalement différentes.

L’Egypte, selon nous, s’inscrit dans l’ombre de l’Iran, où un Chah autocrate relativement honnête fut remplacé par un régime religieux qui cherche, selon ses termes, à établir le « meilleur » régime selon la tradition ou les textes saints de l’Islam. En accord avec la pensée de nombreux coreligionnaires, il affirme que tous les musulmans, sinon tous les régimes, doivent être gouvernés par ce régime qualifié de « meilleur ». C’est l’objectif du Jihad. La plupart d’entre nous qualifieraient ce régime de plus « mauvais » des régimes.

La plupart des catholiques ont assisté, avec la plus grande préoccupation, à la persécution des chrétiens du Moyen-Orient. Le Saint Père a répliqué en réaffirmant les principes constitutionnels de la liberté religieuse, qui doivent selon lui régir tous les régimes, y compris les régimes musulmans. Beaucoup de pays musulmans soutiennent que la liberté religieuse n’est parfaite que lorsque chacun est musulman et que le régime est régi par la loi islamique. Les autres sont traités en citoyens de seconde classe et payent tribut pour qu’on les laisse tranquilles.

Nous en Occident persistons à faire une distinction entre l’Etat et la religion qui n’appartient pas à cette tradition, sauf comme une sorte d’héritage de la période classique ou coloniale, c’est-à-dire de notre propre tradition. L’Université al-Ahzar du Caire a récemment rompu le dialogue avec le Vatican après que le pape ait soulevé la question de la persécution des Chrétiens en Egypte.

Cette agitation provient toutefois, en large part, de la philosophie politique moderne concernant la définition du meilleur régime. La pensée politique classique, bien que reconnaissant l’imperfection de la plupart des régimes, passe pour être utopique ou irréaliste parce qu’elle promouvait un régime de vertu et de vérité comme fondements, même si cet idéal ne pouvait être atteint.

Le régime libéral moderne est aujourd’hui fondé sur la séparation complète de la religion et de la politique. Il n’autorise ni principe de vérité ou de bien. Tout est toléré à l’exception des prétentions à la vérité, spécialement religieuses. La fonction de l’Etat est de mettre en œuvre nos « droits naturels » à agir selon nos choix quels qu’ils soient à la seule condition de ne pas causer de tort à autrui.

Dans cette perspective, ce régime de tolérance et de prospérité garantie est le « meilleur » régime, incontournable, produit de la nécessité historique. Chaque pays à travers le monde devrait être constitué de cette façon. Il n’y aura pas de « paix » tant que tous ne seront pas « démocratiques ». Nous connaîtrons l’agitation et le chaos jusqu’à ce que nous mettions en place dans le monde entier ce type « globalisé » de régimes garantis par une force internationale superpuissante fondée sur les mêmes principes théoriques. L’établissement d’un tel système se substitue à l’ordre transcendant.

Cette vision magistrale de la manière de traiter avec la grande diversité de régimes qui existent aujourd’hui dans le monde élimine de la politique les questions de la vérité. Elle considère la vérité comme la cause des troubles politiques. La solution du problème présenté par les régimes musulmans n’est pas de faire de ceux-là des relativistes, mais de discuter bien plus ouvertement de la vérité de leurs prétentions. Il est paradoxal que la réaction musulmane aux régimes qui les critiquent soit que ceux-ci, de leur propre témoignage, ne défendent rien. Ils autorisent et encouragent toutes sortes de désordres moraux ou personnels desquels les régimes musulmans cherchent à les protéger.

Cette réflexion nous oblige à nous demander si nous n’avons pas changé notre propre régime si loin de la poursuite de la vertu et de la vérité que nous soyons devenus incapables de juger des régimes sur la base de l’ordre ou du désordre de l’âme qu’ils mettent en évidence dans leurs actions et leurs constitutions.

http://www.thecatholicthing.org/columns/2011/regime-changing.html