Ce qu’on ne fait jamais à la télévision - France Catholique
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Ce qu’on ne fait jamais à la télévision

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Quelle est la seule chose qu’on ne voit jamais faire aux personnes de la télévision ? On les voit se battre, nager tout nus, avoir des relations sexuelles, aller aux toilettes, et un tas d’autres choses dont on ne penserait pas qu’elles puissent être matière à la consommation publique.

Mais la chose qu’on ne voit jamais faire (ou pratiquement jamais) par les personnes de la télévision, c’est regarder la télévision. C’est curieux puisque si ces gens veulent nous faire faire quelque chose, normalement, ils essaieront de nous faire penser : « tout le monde le fait ». Ainsi, dans les pubs pour Nike, tout le monde a l’air de courir, de nager ou de faire du vélo. Dans les soirées, on montre tout le monde en train de boire plein de bière. Personne ne fait rien d’important désormais sans un ordinateur portable.

Ces images sont partout à la télévision car c’est ce pour quoi les annonceurs payent. Mais les télévisions ? Où sont-elles ? On aurait pensé que les marchands de télévisions insisteraient pour que dans chaque maison vue à la télévision, il y ait une télévision dans chaque pièce, et quelqu’un en train de la regarder intensément. Mais dans les programmes de télévision, les télévisions sont notoirement absentes – des maisons, des bars, des hôpitaux – même s’il est difficile d’y échapper dans la vraie vie.

A quoi est-ce dû ?

La réponse est évidente. Si une émission de télévision montrait des gens qui regardent la télévision, la vie de ces personnes serait si ennuyeuse qu’on ne pourrait pas supporter de la regarder. Eh bien, qu’est-ce que cela nous révèle sur nous-mêmes quand nous regardons la télévision ?

La seule chose que la télévision ne peut pas montrer honnêtement, c’est elle-même. Cela ne veut pas dire qu’ils ne peuvent pas rompre de charme et révéler comment est produite la « magie » de la réalisation télévisuelle. Beaucoup de programmes montrent les caméras et les opérateurs. David Letterman en a fait sa carrière. Ils peuvent montrer comment fonctionne la télévision ; ce qu’ils ne peuvent pas montrer, c’est ce que fait la télévision. Ils ne peuvent pas être honnêtes avec leurs spectateurs sur les effets de visionner. Aussi, bien qu’on puisse voir des émissions de télévision sur toutes sortes de maux sociaux – addiction aux drogues et à l’alcool, clochardisation, avortement, trafic humain, pédophilie, – il n’y a pas d’émissions sur les effets délétères de la télévision et de ses publicités.

On ne verra pas une émission de télévision sur les gens qui regardent la télévision compulsivement, achètent des choses recommandées par les pubs, et dont ils n’ont pas besoin, – et sur comment cela détruit leurs vies. On verra encore moins des émissions de télévision montrant des gens qui regardent la télévision, et qui ensuite, comme des idiots, reprennent les attitudes qu’ils y ont vues – par exemple, quelqu’un qui regarde des reprises d’épisodes de la vieille série West Wing et qui ensuite répète les arguments débiles qu’il a entendus proférer par un des personnages « cool ».

Et pourquoi pas une émission sur quelqu’un qui regarde les informations à la télévision, et qui tout simplement croit tout ce qu’il voit et entend ? Cela pourrait être drôle dans un sens quelque peu triste et sardonique – comme le film « being there », où tous les personnages entendent exactement le message qu’ils ont envie d’entendre dans les marmonnements dénués de sens d’un jardinier gentil mais benêt. Un groupe de six personnes pourrait regarder les mêmes informations télévisées et repartir avec six comptes rendus totalement différents des évènements du jour. « Le président nous vend ».

« Le président se dresse avec courage face au Congrès ». « Le Gouvernement s’empare de nos vies ; c’est de la tyrannie ». «  Les Cubs ont encore gagné aujourd’hui. Y avait-il quelque chose à propos du président ? »

Pourquoi pas une émission où des gens bien regardent la télévision et après quelques années deviennent égoïstes et superficiels, abandonnent leurs enfants et leurs amis, divorcent, et achètent tellement de bazar qu’ils s’endettent fortement et ne peuvent jamais rembourser ? Nous appellerions cela de la  «  téléréalité ».

Le pape saint Jean-Paul II au début de son encyclique Fides et Ratio, remarque que « L’admonition connais-toi toi-même était gravée sur le portail du temple de Delphes, comme témoignage d’une vérité basique à adopter comme norme minimale par ceux qui cherchent à se distinguer du reste de la création, en tant qu’êtres humains, c’est-à-dire qui se connaissent eux-mêmes. »

Le romancier Walker Percy a écrit une merveilleuse série de méditations sur notre refus moderne d’assumer le fait de « se connaître soi-même », dans son délicieux livre Perdu dans le Cosmos. Celui-ci commence par cette citation de Frederik Nietzsche : « Nous qui savons, nous ne nous connaissons pas nous-mêmes », et avec la question de Percy : « Comment peut-on survivre dans le Cosmos sur lequel on en sait de plus en plus, alors qu’on n’en sait de moins en moins à propos de soi. »

Les télévisions, les ordinateurs, et les iPhones sont les instruments parfaits pour ceux qui veulent tout savoir sur tout, mais ne rien savoir sur eux-mêmes. Les gadgets peuvent révéler beaucoup de choses. En général, la seule chose qu’on ne voit pas, c’est soi-même. Peut-être pourrait-on, à titre de service public, équiper chaque écran vidéo d’une petite « boîte pour le spectateur » – du genre de celle qui apparaît quand on utilise Skype ou Google chat – qui oblige à se regarder soi–même en même temps que l’écran.

Qu’est-ce qu’on y verrait ?

Peut-être – pendant un certain temps – une personne intéressée et engagée. Mais si vous étiez continuellement en train de regarder des messages sur votre téléphone, ou de regarder la télévision pour « tuer le temps », que verriez-vous alors ? Une personne assise, le regard fixe ? Une personne aux yeux vides ? Une personne dont la vie se retire ? Est-ce que vous fermeriez la télévision, l’ordinateur ou l’iPhone, ou bien cesseriez simplement d’utiliser la « boîte du spectateur » ou cesseriez juste de vous y regarder en train de vous regarder ?

Si vous voyiez cette personne à la télévision, en train de faire ce que vous faites, vous diriez-vous : « Que c’est triste ! Pourquoi cette pauvre personne ne se libère-t-elle pas de cette horrible machine, et ne sort elle pas pour s’asseoir au soleil, faire la conversation avec d’autres, visiter un parc, faire une promenade, élever sa famille – vous savez bien, comme le font les gens à la télévision ? »

Dans ses Confessions, Saint Augustin raconte l’histoire de son ami Alypius qui, après avoir commencé par résister, a fini par devenir accro au violent spectacle des jeux du cirque à Rome. Ce n’est pas sans raison que les tyrans romains utilisaient les jeux (« du pain et des jeux ») comme un opium pour les masses, engourdissant leurs sens jusqu’à les rendre esclaves, à la fois spirituellement et politiquement.

« La cité irréelle », voilà comment T.S. Eliot décrivait notre situation. « Le territoire perdu » était le nom du poème.

https://www.thecatholicthing.org/2016/08/17/the-thing-people-on-television-never-do/