Les commentaires récents de Brad Miner, David Warren, Austin Ruse et Joseph Wood à propos de leur conversion m’ont fait réfléchir. Les convertis écrivent souvent des explications perspicaces sur le catholicisme. Les convertis sont généralement venus à la foi après des quêtes importantes qui, rétrospectivement, semblent, et probablement sont, providentielles. Ils donnent les raisons, ou du moins les explications, de ce qui les a attirés et maintenus dans la foi.
Mais Schall est un « catholique de naissance ». Non, cela est inexact. Schall est né de parents qui étaient catholiques. Par le baptême, nous sommes tous « devenus » catholiques. Nous ne sommes pas exactement des fils « naturels », mais des fils « adoptés » de Dieu, ainsi que Paul l’enseigne. Le seul « catholique de naissance » était le Christ. « Le dernier chrétien mourut sur la Croix » de Nietzsche était, paradoxalement, une assertion exacte en ce sens. Par nature, le premier chrétien était le dernier chrétien. Nietzsche voulait que chacun soit le Christ, et non pas ce qu’il est, à savoir une personne limitée, un pécheur racheté par le Christ.
Hillaire Belloc, dans Le chemin vers Rome, écrit que c’est une bonne chose que de ne jamais avoir besoin de revenir à la Foi. Cette remarque montre du doigt ceux qui sont catholiques mais qui péchent ou qui fautent par rapport à leur Foi. Ils la quittent pour un temps, puis reviennent. Certains autres encore ne rejettent jamais l’Eglise. Nous reconnaissons que c’est une Église de pécheurs. Et si quelqu’un est pécheur, il n’est pas nécessairement un incroyant.
Souvent c’est justement le contraire. Parce que j’ai péché, je suis croyant. Quelle autre alternative y-a-il? Où ailleurs puis-je trouver même un appel au pardon ? Des gens, comme Nietzsche, scandalisés de découvrir dans l’Eglise des pécheurs qui pratiquent, n’ont pas obtenu cette chance. La raison principale de la venue du Christ, et la manière dont Il est venu, était de nous remettre nos fautes, si nous le voulions.
Si nous péchons cela ne veut pas automatiquement dire que nous cessons de croire. Chesterton, un homme pratiquement sans péché, si cela existe, alors qu’on lui demandait pourquoi il était devenu catholique, répondit franchement : « pour être débarrassé de mes péchés ». Et dans « l’homme éternel », nous lisons : « l’Eglise est justifiée, non parce que ses enfants ne péchent pas, mais parce qu’ ils péchent ».
Cependant les « catholiques de naissance » ont leurs raisons pour ne pas prendre la peine d’abandonner l’Eglise. La principale raison, je pense, est intellectuelle. Augustin, bien que baptisé, abandonna la Foi, mais revint lorsqu’il eut tout compris. L’Aquinate n’abandonna jamais, probablement parce qu’il avait intellectuellement tout compris. Les deux cheminements sont bénis.
Le principal motif pour être catholique dans le monde moderne est le monde moderne. Ainsi, quand nous détaillons ce qui arrive lorsque nous rejetons un élément, même minime, de la Foi, cette démarche commence à effilocher le système tout entier. Dès que nous pensons qu’aucun ordre n’existe en nous-même ou dans la nature, nous commençons librement une descente qui va de soi. Si elle n’est pas diagnostiquée et stoppée, elle va graduellement renverser l’humanité.
Les « catholiques de naissance » soupçonnent cela, même s’ils ne l’explicitent pas consciemment. Il n’y a pas besoin d’avoir du génie, même si cela demande de la vertu, pour comprendre que nous sommes en train à détruire la famille, et avec elle, les différents amours humains qui se développent dans la famille.
Nous faisons ce renversement au nom des « Droits ». Nous commençons et finissons avec nous-mêmes. Nous établissons des institutions politiques pour promouvoir nos « Droits », ainsi que nous les définissons. Ces institutions civiles, à leur tour, finissent par nous dire quels « Droits » nous pouvons avoir. Tout cela au nom de l’égalité et de l’équité. Nous nous détruisons dans nos corps seulement après nous nous soyons détruits dans nos esprits.
Le « catholique de naissance » sent que la seule chose qui est réelle et qui est légalement haïe est l’Eglise. Nous pouvons ajouter que la chose la plus dangereuse, serait une Église qui ne serait pas haïe. Cela signifierait une Église en conformité avec le monde et ses « droits » qui définissent les institutions. Pourtant on ne peut pas dire que nous n’essayons pas de vivre en paix avec le monde.
Quelque chose de plus sinistre est à l’œuvre parmi nous. Si nous regardons les problèmes de la vie de façon globale, ce n’est pas comme si une opposition fortuite et aveugle s’était levée. Cela ressemble plus à un complot bien organisé, destiné à éradiquer systématiquement la présence de l’Eglise, qui serait à l’œuvre dans notre ordre public, parmi nos responsables publics, qui trop souvent se prétendent catholiques.
Je pense que c’est dans les écrits du pape François que j’ai lu qu’il ne nous est plus permis d’être simplement des « catholiques de naissance », c’est-à-dire de vivre une vie de Sacrements et de traditions. À moins que nous actualisions notre compréhension de la Foi, nous ne serons pas capables de résister aux différents pouvoirs actifs qui l’attaquent. Il y a peu d’évidences qui nous assurent que, éventuellement, tout le monde sera croyant, et que tout ira bien. Il y a plus d’évidences qui nous rappellent que nous seront traînés devant les juges et les magistrats. Nous n’aimons pas beaucoup entendre cela, et il n’est pas difficile de comprendre pourquoi.
Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2013/born-catholic.html
Gravure : Le Chevalier, la Mort et le Diable, par Albrecht Dürer, 1513.
James v. Schall, s.j., qui a servi comme professeur à l’Université de Georgetown pendant trente cinq ans, est un des plus prolifique écrivain catholique en Amérique. Ses livres les plus récents sont The Mind That Is Catholic et The Modern Age.