Le père d’une amie est venu nous voir l’autre jour, nous annonçant qu’après de nombreuses années passées hors de l’Église, il allait finalement s’instruire sur la foi catholique. C’était un moment d’immense joie pour sa fille. Mais l’étape suivante est toujours la plus difficile: où recevoir l’instruction? À qui l’adresser en toute confiance? Où un adulte intelligent peut-il en Amérique aller chercher l’enseignement sur la foi sans risquer de sursauter et de se sauver de l’église en poussant des hurlements de détresse ?
Voilà une question angoissante, qui se pose presque chaque fois qu’on entend parler d’une personne qui a décidé d’entrer au sein de l’Église. Merveilleux! Mais… hum… il leur faudra passer d’abord par les misérables tribulations d’un catéchisme pour adultes, où ils n’apprendront vraisemblablement pas grand’chose de la foi catholique qu’ils ne connaissent déjà, plus par un savoir d’adulte que sous la forme qu’on leur infligera probablement. On ne peut que leur souhaiter d’affronter victorieusement la tempête.
J’imagine qu’en vérité s’ils ne sont pas assez robustes pour surmonter les obstacles placés par la plupart des programmes de catéchisme pour adultes, alors ils ne sont pas prêts à affronter le martyre que la foi catholique implique dans la culture américaine de notre temps. Mais si des obstacles doivent être mis délibérément sur le chemin de la conversion pour éprouver leur résolution, j’ose espérer que ces obstacles aient au moins à voir avec le genre de questions existentielles posées sur le chemin du catholicisme, et non avec le genre de problèmes posés à des gamins de huit ans ou à des hippies attardés.
Je me rappelle fort bien, quand j’étais au lycée, et pas catholique du tout. J’avais pas mal d’amis « chrétiens ». Je les aimais bien. Il m’arrivait parfois d’aller avec eux à des sorties « aumônerie », et j’en pensais: « Très intéressant. Pas pour moi, mais sans doute assez agréable — si vous aimez voir des cascades, jouer de la guitare, enfin, ce genre de truc. » Je n’ai jamais spécialement aimé chanter et jouer de la guitare autour d’un feu de camp, ni n’ai bien apprécié les traditions regroupant les anciens au lycée, et j’en ai conclu tout naturellement: « je ne suis pas bien religieux. La religion, c’est bon pour eux, très peu pour moi. »
Ce n’est que peu après, lorsque je commençai à lire les œuvres de St. Augustin et de St. Thomas d’Aquin que j’ai commencé à réaliser: « Eh bien, ces catholiques, ils ont des gens vraiment capables de penser. Il doit bien y avoir quelque chose là-dedans.» Puis j’eus la chance de fréquenter des gens sérieusement impliqués dans leur foi catholique — sérieusement, à la vie, à la mort. Intellectuellement sérieux, et engagés dans la vie. C’était enivrant.
Malheureusement, au moment de suivre le catéchisme pour adultes, le vicaire de la paroisse — un homme charmant mais pas bien dans le coup — nous dit, à mon ami Paul (futur prêtre de l’Oratoire) et à moi qu’en raison de notre absence de plusieurs semaines prévue au cours du semestre, nous devrions attendre encore une année avant d’être admis au sein de l’Église. Nous étions catastrophés.
Heureusement nous pûmes nous adresser à un prieuré voisin de Dominicains et recevoir l’enseignement d’un Dominicain, diplômé d’une maîtrise en théologie, le remarquable Père Benoît Ashley. Il commença par le commencement du Credo avec « Dieu Créateur » et chemina tout le long, paragraphe par paragraphe, sans notes, et pratiquement sans s’arrêter, si ce n’est pour demander si nous avions des questions. Nous en avions, et il avait les réponses instantanément. Ça a duré des heures. Paul et moi étions épuisés, submergés, et totalement accrochés. C’est encore pour moi un des plus impressionnants exposés intellectuels auxquels j’ai eu le privilège d’assister.
L’instruction religieuse que j’ai reçue était radicalement différente des multiples horreurs entendues depuis : « L’animateur de nos cours pour adultes a dit qu’on n’est pas tenu de croire à l’Immaculée Conception. À votre avis, est-ce normal? » Ou bien: « Notre professeur de catéchisme pour adultes nous a dit de ne pas nous inquiéter à propos de l’enseignement de l’Église sur la contraception et le mariage homosexuel, et que bientôt on ordonnerait des femmes. Est-ce vrai? ». NON, NON et NON; tous deux ont tort. Mais ces deux anecdotes ne sont que trop répandues.
Dans de trop nombreuses paroisses l’instruction religieuse est assurée par presque n’importe qui, sauf par un prêtre, tant-pis pour leur formation minime, et quelle que soit la date (récente?) de leur baptême. Pourquoi? On envoie passer quatre ans en philosophie de niveau universitaire, puis quatre ans de plus en théologie de niveau supérieur, de jeunes hommes désirant devenir prêtres. Et quand il s’agit d’enseigner la religion, on fait appel au balayeur de rue pour instruire dans la foi les générations montantes. On n’y rencontrera pratiquement guère de théologiens de haut niveau. St. Augustin, Évêque d’Hippone, donnait lui-même des cours de catéchisme. Versez un œil sur ce merveilleux petit livre « Premières directives catéchistiques » montrant comment il s’y prenait.
Que fait le curé? Il accomplit bien des tâches importantes, pour la plupart desquelles il n’a reçu aucune formation, ou si peu: récolter des fonds, élaborer des budgets, négocier avec des comités, goudronner l’aire de stationnement de la paroisse, améliorer l’isolation thermique de l’église, etc. Il se livre à des tâches qui seraient mieux exécutées par des personnes compétentes dans ces domaines. Il fait tout, sauf la catéchèse pour la prochaine génération de catholiques qui devront consolider l’avenir de l’Église. Ai-je oublié un argument, ou bien sommes-nous en train de rater l’investissement de nos ressources et de notre futur ?
Merci de prier pour le papa de mon amie. Il semble vraiment désireux d’adhérer à l’Église catholique. Reste la question de sa force pour survivre aux bureaucrates catéchistes pour adultes de sa paroisse.
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Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2011/rcia-dismay.html
Gravure : St. Ambroise s’adressant au jeune St. Augustin (Tiepolo, vers 1750)