La France résiste à l’envahisseur venu du Nord ou des montagnes de l’Est : cette euthanasie belge, hollandaise, luxembourgeoise et suisse. Un quartet de pays dont la musique est finalement marginale en Europe, et plus encore dans le reste du monde. Les scandales à répétition ont déjà largement battu en brèche l’idée que le suicide médicalement assisté rimerait avec le progrès du genre humain. Malgré des années de sondages favorables à « l’aide active à mourir » et une opinion chauffée à blanc par la médiatisation de quelques cas, les dirigeants français n’ont donc pas cédé, pour le moment. Sagesse visant à préserver l’équilibre toujours précaire de l’organisation de notre système de santé ? Mi-janvier 2011, un débat à haut risque se profile toutefois au Sénat, où la proposition de loi socialiste fait planer la menace d’une majorité transpartisane pour l’euthanasie.
À l’autre bout de la vie, la France ne va également « pas si mal » en ce qui concerne la démographie, avec 820 000 naissances par an. Certes, nous n’atteignons pas le renouvellement des générations… Mais si on applique la maxime « Quand je me contemple, je m’inquiète, quand je me compare, je me rassure », la France résiste : l’Italie, et l’Allemagne n’ont presque plus d’enfants. Ces voisins connaissent un suicide démographique. Déjà 40% des Allemandes affirment ne jamais vouloir devenir mères… En Italie on attend de se marier pour enfanter, et on se marie peu… Les « mammas » au musée ? En France, on réfléchit moins. Certes, la moitié des petits Français naissent hors mariage ce qui pose un autre problème.
Même la loi bioéthique hexagonale dont la seconde révision est imminente pourrait nous éviter le pire… La France de 2010 résiste au système des mères porteuses, ce bricolage contractualisé dont l’enjeu est un être humain. Le 14 décembre, le parti socialiste où le débat faisait rage a fini par rejeter cette maternité éclatée. L’Hexagone résiste ici aux sirènes ultralibérales dont la chanson lui parvient d’outre-Atlantique ou d’outre-Manche… Aux États-Unis, gamètes et embryons, se vendent comme des petits pains. Mais la France n’aime pas qu’on instrumentalise le corps des femmes et rejette la marchandisation des produits du corps humain… La procréation artificielle y est réservée aux couples souffrant d’infertilité. La France écarte la procréation artificielle de convenance, à laquelle célibataires et personnes homosexuelles accèdent librement. Ni l’Espagne de Zapatero avec ses avortements tardifs camouflés et ses trafics d’ovocytes, ni la Grande-Bretagne où l’on fabrique en toute légalité des chimères homme-animal avec du sperme humain et des ovocytes de bovins ne sont à montrer en exemple.
Serions-nous cernés dans une Europe à la dérive ? La bioéthique reste, pour le moment, l’apanage des législations nationales, ce qui explique la persistance du tourisme procréatif, abortif ou « de la mort ». Certes la Cour européenne des droits de l’homme semble vouloir forcer certains pays récalcitrants à libéraliser l’avortement, à partir de cas limites (l’Irlande vient d’être condamnée pour avoir refusé à une femme atteinte d’un cancer d’y recourir). Heureusement le Conseil de l’Europe a réaffirmé en octobre le droit à l’objection de conscience des soignants qui était menacée. Certes les statistiques de la France, en matière d’eugénisme et d’avortement sont effrayantes, alors que la législation bioéthique de pays comme l’Allemagne, et surtout l’Italie est moins transgressive que la nôtre… Mais on note un début de prise de conscience. Qui sait ?
Pour aller plus loin :
- Affaire Ulrich KOCH contre Allemagne : la Cour franchit une nouvelle étape dans la création d’un droit individuel au suicide assisté.
- La bataille de l'euthanasie
- Que faire du temps ? défi bioéthique, défi d'écologie humaine
- L'Eglise a-t-elle le droit de parler de bioéthique ?
- Inconscience des droits de l’homme