Cher Frère Barron,
J’ai regardé le lien de vidéo que j’ai reçu vendredi de Word on Fire (Parole en Feu) – celle qui parle des trois pratiques de Carême qui paraissent à la page WOF pour le CD « Mon Fils Bien aimé ».
Et j’ai pensé : Je fais bien pour la prière et le jeûne, mais je pourrais améliorer énormément mes aumônes.
Et cela m’a fait penser à « Tommy. »
Tommy (ce n’est pas son vrai nom) est un pauvre homme qui assiste à la messe tous les jours (comme j’essaie de le faire) à St-Joseph de Bronxville, New York, certainement une des paroisses les plus riches de l’archidiocèse. Je ne sais pas encore grand-chose de lui, mais j’ai toujours pensé qu’il était sans abri parce qu’il a l’air de simplement errer dans les rues de Bronxville, en poussant son déambulateur quand il n’est pas à l’église. Et il a le teint bouffi, congestionné et rougeâtre d’un alcoolique des rues, bien que — après ma brève rencontre de ce matin — je sois assez sûr qu’il est sobre maintenant et qu’il a un endroit où aller.
Il se trouve que, il y a trois semaines aujourd’hui, on m’a remplacé partiellement un genou, et j’ai quitté l’hôpital avec un déambulateur tout neuf qu’en fait je n’ai utilisé qu’une fois : pour aller de la voiture qui m’a amené de l’hôpital à la maison jusqu’à ma propre porte. Alors, quand je suis allé à Bronxville pour la messe de midi aujourd’hui, j’ai jeté le déambulateur dans le coffre de ma voiture. Je déposais mon plus jeune fils à la gare (il allait travailler en ville), et il m’a demandé :
« Qu’est-ce qu’il a, le déambulateur , Papa ? »
Je lui ai expliqué que j’avais l’intention de le donner à un homme qui se promène à Bronxville avec un déambulateur qui a vu de meilleurs jours.
« C’est formidable ! » a dit Jon.
Quand je suis arrivé à Bronxville, j’ai vu Tommy assis à l’extérieur du café Starbucks, et j’ai remercié Dieu, sentant que c’était vraiment un moment de synchronicité divine. Alors, je me suis approché (avec ma canne dont je n’ai pas non plus réellement besoin), avec l’intention de lui demander si son déambulateur tenait bon, mais quand je suis arrivé là où il se trouvait, j’ai vu qu’il dormait, le visage tourné vers le soleil. Je respecte le sommeil, alors j’ai pensé que je le rattraperais après la messe.
Naturellement, quand je suis retourné à pied à Starbucks plus tard, Tommy était parti. Et ça, en fait, m’a fâché. Oui, je savais qu’il y aurait d’autres moments d’autres jours où je pourrais le trouver. Mais si j’ai appris une leçon au long des années, c’est celle-ci : carpe diem.
Comme je l’avais souvent vu pendant la journée dans différents endroits de la ville, j’ai repris ma voiture et tourné dans les rues principales pour le chercher. Pas de chance lors de ce premier tour. La seconde fois, j’ai conduit un peu plus loin dans une seule direction, j’ai fait une boucle plus grande, et alors je l’ai vu — mais seulement après être entré dans la mauvaise voie pour tourner et me garer là où il venait de s’installer sur un banc. Alors, j’ai fait un troisième tour et je suis arrivé à la rue où il était assis, je me suis garé dans une zone interdite (avec mes phares allumés par précaution), je suis sorti de la voiture et je suis allé m’asseoir à côté de lui.
« Comment ça va ? », m’a-t-il demandé.
« Je vais bien, merci. Dites-moi, on m’a opéré le genou il y a trois semaines et on m’a donné un déambulateur neuf quand j’ai quitté l’hôpital. Je n’en ai jamais vraiment eu besoin, et j’aimerais vous le donner. »
Je vois que son déambulateur est beaucoup plus vieux, assez abîmé avec les roues de devant usées, et qu’il a des balles de tennis jaunes au bout des pieds de derrière, tandis que mon neuf a des bouchons de caoutchouc couverts d’un plastique haute-technologie de la sorte de celui qui a remplacé le ménisque entre les bonnets de titanium – fémur et tibia – dans mon nouveau genou.
Tommy dit :
« Eh bien… ce serait vraiment super. »
Alors je vais à la voiture, ouvre le coffre, et sors le déambulateur que j’ouvre pour lui.
« Il est un tout petit peu plus haut que le vôtre. Voulez-vous que je le baisse ? »
J’éloigne son vieux déambulateur et lui mets en main le nouveau. Il se met debout avec difficulté, et fait quelques pas avec son nouvel engin.
« Non ! » dit-il « C’est mieux plus haut, je n’ai pas besoin de me courber. »
Nous nous asseyons ensemble sur le banc au soleil.
je demande : « Vous allez à l’église St-Joseph, n’est-ce pas ? »
« Tous les jours, » dit-il « Le dimanche je vais à 10h45. Je vous y ai vu. »
« Et moi aussi, je vous ai vu. Comment vous appelez-vous ? »
« Tommy. Et dites-moi votre nom pour que je puisse dire une prière pour vous. »
Nous nous serrons la main.
« Voulez-vous que j’enlève le vieux déambulateur ? »
« Certainement. A une autre fois, Brad. »
« Que Dieu vous bénisse, Tommy. »
Tandis que je vais à la voiture, ouvre le coffre de nouveau et y jette le déambulateur de Tommy, une jeune maman avec deux enfants, assise sur un autre banc à quelques mètres, me dit :
« C’était merveilleux. »
Je ne peux que sourire, parce qu’il me faut entrer dans la voiture pour pouvoir pleurer un peu sans que personne ne me voie. Je ne sais quand je me suis senti aussi reconnaissant — aussi plein de gratitude pour la grâce de Dieu qui m’a donné un moment comme celui-ci. Un miracle de Carême, vraiment. Enfin… une bénédiction certainement.
Alors, comme toujours, merci Fr. Barron. Je pense à la magnifique observation d’Henri Adams : « Un maître affecte l’éternité ; il ne peut jamais savoir où son influence s’arrêtera. »
Dans le Christ.
Brad
Brad Miner est éditeur en chef de The Catholic Thing et éditeur en chef de l’Institut de la Foi et de la Raison. Ancien « éditeur littéraire de la National Review, il est l’auteur de six livres et membre du bureau d’Aide à l’Eglise en Détresse USA.
Source (11 mars 2012) :
http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/lenten-blessing.html