Niché sur les flancs de l’Yonne, Auxerre fut toujours une ville bourguignonne. Ce fut d’ailleurs un motif pour les conseillers de Charles VII qui s’opposaient au projet de Jeanne d’aller faire sacrer le dauphin à Reims : il faudrait passer par cette ville qui était toute aux mains des Anglais. Mais Auxerre se rendit très vite, et Charles VII lui fit grâce.
Saint Germain et sainte Geneviève
Auxerre est lié à Paris par son évêque saint Germain, enterré dans ce qui est aujourd’hui un musée, fondateur de l’abbaye qui porte son nom et couronne encore le sommet de la ville. Cet évêque mérovingien est aussi vénéré à Paris, à Saint-Germain-l’Auxerrois, paroisse du Louvre et des rois de France où, chaque année, est célébrée une messe en l’honneur de Louis XVI, le 21 janvier. C’est Germain qui découvrit la jeune Geneviève, lors d’un voyage apostolique, et lui révéla sa vocation.
Auxerre est une ville fluviale qui vivait et vit encore de l’Yonne, et c’est en partant des quais qu’il faut remonter vers la cathédrale Saint-Étienne à travers les rues des vieux quartiers. Marie Noël – Rouget de son vrai nom – naquit ici le 16 février 1883 et y passa sa longue vie. Son père, professeur de philosophie, fut nommé au lycée des filles d’Auxerre par Paul Bert, député de l’Yonne et brièvement ministre de l’Instruction publique. Laïc déclaré et agnostique reconnu, il était néanmoins lié aux familles catholiques de la ville, et sa grande honnêteté accrut le crédit du lycée d’Auxerre.
Marie Noël est l’un de nos plus grands poètes, et la gloire de la ville. On peut la suivre dans ses souvenirs qui commencent ses Œuvres en prose (éditions Stock). Elle écrit : « Plus tard, j’ai connu Auxerre, la vieille ville pleine de figures et d’histoires, à cause de ses vieilles églises, de ses vieilles rues, de ces vieux logis recois du quartier de la Marine, où j’imaginais de vieux grands-oncles, de vieilles cousines assises sur leurs vieilles chaises de paille, auprès de leurs vieilles horloges aux vieilles heures et mouchant leurs vieilles chandelles pour lire mieux dans leurs vieux livres La Vie des saints ou l’Almanach. Tous de petites gens, plus ou moins, ces parents des autres siècles, qu’on entendait se dire l’un à l’autre sur le pas de la porte, au temps de Louis XV, de Louis XVI ou de la Révolution : « Marguerite Barat épouse le fils Liger, celui qui est à Versailles, maître de la garde-robe de Madame Élisabeth… nos cousins Barat-Dalis ont appelé leur fils Maximilien à cause de Robespierre… » »
La maison de Cadet Roussel
Tous ces noms sont des noms d’ancêtres de Marie Noël, qui mêlait ainsi dans son ascendance les souvenirs d’un royaume très chrétien et les célébrités de la Révolution. Les rues qui vont du quartier de la Marine à la cathédrale sont devenues piétonnes et l’on y retrouve aisément l’ombre de la vieille dame. Sur la place centrale, se dresse la vieille tour de l’Horloge, dont la légende dit qu’elle fut l’une des trois maisons de Cadet Roussel – huissier de profession dont le tempérament excentrique inspira une chanson populaire qu’on fredonne encore aujourd’hui… Les vignes sont toutes proches. Marie Noël raconte encore que, pour aller à la vendange, il lui suffisait de dévaler la rue jusqu’à la rivière pour la traverser et cueillir le raisin. Les pressoirs étaient en ville et son père y faisait un cru renommé. Les chansons des vendangeurs bercèrent son enfance. Aujourd’hui, la ville s’est développée au sud mais l’activité fluviale et la viticulture sont restées vivantes. Auxerre, comme toute la Bourgogne, est aussi célèbre par sa gastronomie. Le promeneur admirera enfin ses églises qui vont du roman au gothique flamboyant dont l’église Saint-Pierre, qui fut la paroisse de Marie Noël. Il pourra s’aventurer dans les environs où les richesses architecturales s’unissent aux richesses viticoles pour faire de cette Bourgogne un haut lieu de civilisation.





