C’est « un accord qui change tout », titrait Jeune Afrique (24/04). « Un séisme géopolitique » selon un ancien ministre des Affaires étrangères du Liban, cité par Marc Fromager, directeur de l’information de SOS Chrétiens d’Orient, dans une synthèse diffusée sur les réseaux sociaux (18/04). De fait, si l’on n’en a guère parlé, l’événement est d’une portée considérable : l’Arabie saoudite, à dominante musulmane sunnite, et l’Iran, chiite, ont repris le chemin du dialogue, après sept années de rupture complète. Ce rapprochement entre frères ennemis s’est opéré par étapes.
Le 10 mars dernier, les deux puissances avaient signé un premier accord à Pékin, avant de se mettre d’accord le 6 avril, toujours dans la capitale chinoise, sur les modalités de la reprise des relations. Concrètement, des antennes diplomatiques vont rouvrir – des délégués de Téhéran ont été reçus dès le 12 avril dans le royaume wahhabite. Les liaisons aériennes vont être rétablies, des visites bilatérales seront organisées et enfin, des visas seront de nouveau délivrés aux ressortissants iraniens désireux de se rendre en pèlerinage à La Mecque. De nouvelles négociations sont aussi attendues à court et moyen terme, à Riyad ou Téhéran, pour consolider encore le dispositif et envisager cette fois-ci de véritables coopérations en matière économique ou sécuritaire.
Un impact multiforme
Les conséquences de ces accords sont majeures. Par ricochet, ils pourraient ainsi consacrer le retour de la Syrie dans le jeu diplomatique régional, comme le souhaite l’Iran, et comme s’y opposait jusqu’à présent l’Arabie saoudite. « Le prince héritier saoudien, Mohamed Ben Salman, a confirmé au président français Emmanuel Macron, son intention d’inviter le président syrien Bachar Al-Assad » au prochain sommet de la Ligue arabe, le 19 mai prochain, a même confié une source diplomatique à Hélène Sallon, du Monde (06/04).
Ces accords pourraient aussi avoir un effet immédiat sur le conflit qui ensanglante le Yémen depuis 2014, où les deux puissances s’affrontaient par milices interposées. Leur impact éventuel sur le blocage politique qui affecte le Liban sera aussi observé avec attention, puisque Téhéran y soutient le Hezbollah chiite tandis que Riyad appuie les mouvances sunnites locales. « L’Arabie semble mettre fin à tous ces conflits pour se tourner vers son propre développement. Certes une partie de ces rapprochements sont à mettre au crédit de la Chine, qui a besoin de paix et de sécurité pour développer ses Routes de la Soie, mais l’on voit bien qu’il y a une véritable dynamique saoudienne pour rebattre les cartes dans la région », analyse Marc Fromager.