Une heure en enfer, c’est ce qu’a vécu le centre-ville de Poitiers, samedi dernier, une heure de violence, de vandalisme et de terreur. Vitrines brisées, monuments religieux couverts de « tags », voilà les images que les chaînes de télévision ont diffusées sans discontinuer lors de ces derniers jours.
Cette flambée de violence a été méticuleusement préparée. Les « casseurs » se sont immiscés dans la manifestation d’un « collectif antipénitentiaire », se sont masqués et vêtus de noir, puis, leur coup fait, se sont égaillés dans la foule. Ils disposaient de caches pour leurs armes et leurs outils (bouteilles incendiaires, massettes et fusées de détresse, entre autres). Ce processus n’est pas totalement nouveau. Il avait déjà fait ses preuves le 21 juin dernier, à Paris, lors de la fête de la Musique.
L’un des traits remarquables de ces « casseurs » est l’absence de revendication politique claire. Leurs mots d’ordre étaient pour le moins peu lisibles et c’est peu dire qu’ils n’ont pas contribué au succès de la manifestation qu’ils ont parasitée. De même, leur identification idéologique paraît singulièrement floue. L’ « ultra-gauche » dans laquelle on les classe est une sorte de fourre-tout commode où l’on retrouve pêle-mêle des anarchistes, des partisans de diverses sectes révolutionnaires ou ce que l’on appelle des « autonomes ».
Mais tenter une classification est peut-être secondaire. Ces militants ultra-violents, très organisés, et peu nombreux, témoignent d’une sorte de nihilisme désespéré. Leur stratégie est la terreur, une terreur au quotidien qui les distingue du gauchisme terroriste allemand ou italien des années 70, et, a fortiori, du vulgaire pillage (sans parler des phénomènes de bandes en banlieue). Il ne s’agit pas de s’en prendre à quelques patrons, mais bien d’enfoncer le simple citoyen dans la peur.
A ce point de vue, ce qui s’est passé à Poitiers paraît singulièrement inquiétant. La violence politique a toujours existé, mais elle a toujours présenté un caractère limité et, autant que possible, maîtrisé. Aujourd’hui, il existe un type de militants terriblement efficaces, sans discours cohérent ni autre perspective que la destruction.
Qu’on ne s’y trompe pas, les événements de Poitiers témoignent de l’ensauvagement d’une frange du monde politique, un ensauvagement qui ne se limitera pas forcément à l’extrême gauche de la gauche.
Serge PLEINIER © Acip