Affaire Sansal : la France humiliée - France Catholique
Edit Template
Chœurs d'enfants : Chanter c'est prier deux fois
Edit Template

Affaire Sansal : la France humiliée

Les fragiles espoirs d’une libération ont vite été douchés. Boualem Sansal reste en prison. Et Paris semble s’acclimater aux humiliations répétées que lui inflige Alger.
Copier le lien

Boualem Sansal en septembre 2018.

© ActuaLitté / CC by-sa

Voici sept mois que ceux qui se battent pour la libération de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal subissent le régime de la douche écossaise. Le romancier, âgé de 80 ans, est accusé par Alger d’« atteinte à l’unité nationale » pour avoir affirmé qu’à la faveur de la présence coloniale française, l’Algérie avait hérité de territoires qui auraient dû relever de la souveraineté marocaine. Sa condamnation à cinq ans de prison ferme a été confirmée en appel le 1er juillet, et la grâce présidentielle que certains espéraient – à commencer par le Premier ministre François Bayrou – n’a pas été accordée à l’occasion du 5 juillet, date de la fête nationale.

« Justice fantoche »

L’auteur du Serment des Barbares reste donc derrière les barreaux, alors qu’il est atteint d’un cancer préoccupant. Interrogée sur France Inter (05/07), Noëlle Lenoir, présidente du Comité international de soutien à Boualem Sansal, a même fait savoir que ses sources indiquaient qu’il allait renoncer à se pourvoir en cassation. « Pour la Fête de l’indépendance, 6 797 prisonniers ont été graciés. Ô surprise, pas l’écrivain. Engeôlé depuis novembre 2024, puis condamné, il n’a pas eu droit au geste “d’humanité” que Paris appelait de ses vœux. Pas de clémence pour l’octogénaire, coupable d’“atteinte à l’unité nationale”, accusation fallacieuse invoquée par une justice fantoche pour punir un esprit libre », résume Olivier Baccuzat dans L’Opinion (06/05).

Les humiliations ne se comptent plus, à commencer par le refus des visites consulaires dont on ne sait d’ailleurs pas très bien si le quai d’Orsay les a vraiment réclamées – alors que la mobilisation en ce sens fut immédiate lorsque l’eurodéputée Rima Hassan (LFI) fut brièvement retenue par les autorités israéliennes lors de son escapade en direction de Gaza, en juin dernier. On se souviendra aussi de la pression exercée par les autorités algériennes sur le détenu pour qu’il révoque son premier avocat, François Zimeray, qui avait le tort d’être… juif. Ce qui fut fait, sans que cela ne change rien à la position des juges algériens.

Du côté du comité de soutien, qui multiplie les interventions en faveur de Boualem Sansal, on a régulièrement fait savoir qu’il serait de bon ton de limiter le bruit médiatique, au motif de préserver une hypothétique filière de négociation à l’étranger, ou de ne pas perturber des « deals » complexes de nature économico-diplomatiques. Toujours sans résultat.

Sur le dossier Sansal, les voix politiques dépourvues d’ambiguïté ne sont pas nombreuses. Celle de LFI a le mérite d’être tristement claire, puisque ses députés ont refusé de voter le 7 mai dernier une résolution réclamant la libération immédiate de l’écrivain.

« Méandres de la repentance »

Du côté de ses partisans, on se tourne maintenant vers le ministre de l’Intérieur, qui préconise d’« instaurer un rapport de force » avec Alger. De fait, la France pourrait disposer d’un efficace moyen de pression puisqu’elle a délivré l’an dernier 250 000 visas aux Algériens. Bruno Retailleau proposait aussi de mettre fin à l’accord migratoire de 1968, mais il a été désavoué, au motif que la place Beauvau n’a pas à s’exprimer sur ce dossier à la place du quai d’Orsay.

En attendant, c’est la crédibilité du pouvoir qui est atteinte – en l’occurrence celle d’Emmanuel Macron qui « s’échine à refuser toute “escalade” », souligne Arthur Berdah dans Le Figaro (06/07). Dans le dossier algérien, poursuit-il, le chef de l’État « s’est longtemps égaré dans les méandres de la repentance », allant jusqu’à qualifier la colonisation de « crime contre l’humanité », en marge d’un déplacement en Algérie… Sans aucun résultat. « L’espoir naïf d’un dénouement favorable au nom des principes du droit qui suffiraient par leur simple invocation à arrêter les guerres et à ouvrir les portes des prisons se heurte au mur d’une dictature », constate Vincent Trémolet de Villers. Le nouveau camouflet infligé par Alger conduira-t-il la diplomatie française à changer de braquet ? On est en droit d’en douter…