Bien qu’il convienne de se méfier de l’usage abusif de l’adjectif « historique » quand on examine la politique contemporaine, il faut considérer avec le plus grand soin l’accord de désarmement qui devrait être signé le 8 avril prochain à Prague entre les États-Unis et la Russie. Il semble en effet marquer une étape importante dans la mise en œuvre de ce que, depuis vingt ans, on désigne en abrégé sous le nom de Start — Strategic Arms Reduction Treaty. Il s’inscrit dans la lignée des Strategic Arms Limitation Talks — Salt — qui, depuis 1972 et 1979, ont fixé aux armes stratégiques offensives des deux pays des plafonds certes supérieurs aux niveaux atteints, mais en les limitant puis en les réduisant. La deuxième version ayant expiré le 5 décembre 2009, on a dépassé le stade de la reconduction temporaire et Start III ambitionne de limiter le nombre d’ogives nucléaires des deux côtés — sous réserve de ratification par le Sénat américain et la Douma russe.
Concrètement, la limitation à 1 550 de ces ogives dans chaque pays réduira son arsenal d’à peu près un tiers par rapport aux 2 200 actuellement autorisées. De même, le nombre de missiles intercontinentaux à bord de sous-marins et de bombardiers sera ramené à 800 contre 1600 aujourd’hui. Bien entendu, les vérifications de visu des installations nucléaires s’accompagneront d’échanges de données et d’informations sur les armements offensifs et sur les sites concernés.
Moscou a réagi avec la phraséologie héritée de l’époque soviétique, en se félicitant de cette consolidation de « l’équilibre des intérêts » et en assurant qu’il « élève le niveau des relations américano-russes ». Le choix de la ville de Prague pour la signature fait figure de symbole, puisque c’est dans la capitale tchèque — autrefois point clé du dispositif soviétique du Pacte de Varsovie — que Barack Obama a prononcé il y a un an, le 5 avril 2009, son discours sur le contrôle des armes nucléaires et sur la non-prolifération.
Il s’agit d’ailleurs du premier vrai succès international de Barack Obama. C’est pour cela qu’il a été salué par Nicolas Sarkozy avant qu’il ne parte rencontrer son homologue : « Ce succès envoie un signal très important dans la perspective de la Conférence d’examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires de mai prochain ».
L’accord touche également à la politique intérieure américaine, alors que la réforme médicale traîne les pieds en raison de l’obstruction républicaine et de l’opposition des évêques catholiques des États-Unis — à cause des fonds prévus en faveur de l’avortement. On sait que les républicains s’opposeront au traité si celui-ci subordonne la diminution des ogives offensives au programme américain de défense antimissile. En ce qui le concerne, il semble bien que Moscou, malgré des divergences entre le président Medvedev et l’état-major, se montre très demandeur pour un traité qui lui permet de présenter comme un acte diplomatique majeur la nécessaire réduction de ses vieux et coûteux stocks d’armes nucléaires. Plus généralement, d’ailleurs, la Russie peine à moderniser son arsenal, ce qui la fait actuellement reculer sur le marché international des armes.
