A propos de ce qui est impossible à Dieu - France Catholique
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A propos de ce qui est impossible à Dieu

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Dans une lettre adressée aux Corinthiens, le pape saint Clément (mort en 99) écrivait : « Rien n’est impossible à Dieu, hormis proférer un mensonge ». Techniquement, un mensonge consiste à dire délibérément avec des mots quelque chose que nous ne détenons pas dans notre entendement. Pour Dieu, « mentir » signifierait qu’Il nous informe de quelque chose mais qu’Il s’en démarque pour quelque chose d’autre. Logiquement, cette position voudrait dire que Dieu crée par Sa Parole un univers qui ne reflète pas Son Etre.

Ce que nous trouverions alors dans la réalité objective n’indiquerait rien de l’origine de l’univers ni de notre position en son sein. Dans cette perspective, même si les êtres humains étaient « à l’image de Dieu », ils ne reflèteraient pas la vérité ni la réalité de Dieu. Imiter Dieu, dans ce cas, consisterait en la « liberté » de dire un mensonge. A strictement parler, dans un tel système, un mensonge ne pourrait pas exister. Chacun saurait que rien de ce que quiconque dit n’est ce qu’il veut dire. Nous serions totalement coupés du monde et les uns des autres.

En réfléchissant sur cette affirmation que Dieu ne peut pas dire un mensonge, la première question qui se pose est la « question musulmane ». C’est-à-dire, en niant la « liberté » pour Dieu de dire un mensonge, est-ce que cela Le limite ? Est-ce blasphémer que de dénier à Dieu la « liberté naturelle » de tout souverain ? Lorsque l’on dit que « les chemins de Dieu ne sont pas nos chemins », veut-on ainsi dire que notre raison ne peut pas s’ouvrir au Logos, à la vérité de Dieu ?

Inutile de dire qu’il s’agit d’une position machiavélique. Le pouvoir d’un souverain nécessite la « liberté » de mentir. Les politiciens qui ne mentent pas ne peuvent pas résister au pouvoir de ceux qui mentent et qui trompent. La logique machiavélique conduit à une vision de l’univers sans Dieu juste. La position musulmane résulte en une dévotion dans laquelle la soumission à Allah veut dire que ce dernier peut faire tout ce qu’il veut. Nous n’avons aucun droit ni capacité d’être en désaccord avec lui.

Les positions aristotélicienne et chrétienne sont plutôt que, si Dieu ment, Il n’est pas Dieu. Dieu ne peut pas contredire la raison, ne peut renier son propre Logos. Ce qui est en jeu ici est l’authentique intégrité de nos esprits. Dieu ne nous ment pas sur ce qui est bon ou mauvais, vrai ou faux. Mais il nous permet de nous mentir à nous-mêmes. Platon a souvent souligné que la pire chose que nous pourrions avoir serait un « mensonge » dans nos esprits à propos de la vérité de l’être. Nous pouvons, et nous le faisons, nous mentir lorsque nous voulons quelque chose qui n’est dans l’ordre des choses.

Comment ce mensonge fait à nous-mêmes se produit-il ? Jay Budziszewski m’a récemment rappelé le célèbre passage de Saint Thomas.
Le mal n’est jamais aimé, sauf lorsqu’il prend l’aspect du bien ; c’est-à-dire, dans la mesure où il est bon par certain côté et où on le considère simplement comme étant bon. Donc, un certain amour est mauvais dans la mesure où il tend vers ce qui n’est pas simplement bon ou véritablement bon. C’est dans ce sens que l’homme aime l’iniquité, dans la mesure où, par des moyen d’iniquité, il gagne un certain bien tel que, par exemple, le plaisir, l’argent ou tout autre chose similaire (ST I-II, 27, I, ad 1).

Par les moyens d’iniquité, on se procure un certain bien, sans cela, on ne pourrait pas le choisir. Mais on réalise également que l’on cache quelque chose de soi-même. Cet « amour de l’iniquité » supprime tout le bien dans laquelle toute bonne chose doit exister pour être ce qu’elle est réellement.
Un passage du psaume 81 m’a récemment frappé : « Mais mon peuple n’a pas écouté ma voix et Israël ne m’a pas obéi ; Alors je les ai livrés aux penchants de leur coeur, et ils ont suivi leurs propres conseils ». L’essence du mal est de nous faire suivre nos propres desseins parce que nous ne voulons pas voir l’ensemble dans lequel toutes les choses qui sont, toutes les choses qui existent, sont bonnes. Nous ne pouvons pas aimer le mal, sauf si nous le voyons comme un bien.

C’est pourquoi l’on peut toujours éprouver de la sympathie pour le pécheur. On voit qu’il y a toujours quelque motif pour le pardon. Mais il y a cet « entêtement du cœur » qui incite à aimer et à « suivre nos propres desseins ». Comme ces lignes du psaume et de saint Thomas sont remarquables !

Nous nous efforçons de nous connaître nous-mêmes, ainsi que nous l’a dit Socrate. Lorsque nous nous connaissons comme des êtres libres et raisonnables, nous savons que nous vivons dans un monde où toutes les choses qui existent sont bonnes en elles-mêmes. Cependant, la bonté vient après l’être. Nous ne faisons pas les règles. Mais nous pouvons les découvrir. Dieu ne nous « ment » pas. De plus, Il ne crée pas un univers dans lequel nous ne pouvons pas nous mentir à nous-mêmes si nous choisissons d’aimer quelque chose « par le moyen de l’iniquité », par le biais de notre propre insistance à considérer que ce que nous désirons dans sa partialité est vraiment tout ce qui est.

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Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2013/on-what-is-impossible-to-god.html

Tableau : St Thomas d’Aquin confondant Averroès, par Giovanni de Paulo, vers 1450

James V. Schall, s.j., professeur à l’université de Georgetown depuis trente-cinq ans, est un des écrivains catholiques les plus prolifiques d’Amérique. Ses ouvrages les plus récents sont « L’esprit qui est catholique » et « l’âge moderne »
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