Jésus a demandé à ses disciples qui les gens croyaient qu’Il était. Après qu’ils lui aient donné le résultat des urnes, qui n’avaient pas beaucoup plus de sens que celui des votes actuels, Il leur retourne la question. Eux, qui croient-ils qu’Il est ? C’est un défi et une invitation à laisser derrière soi les chemins confortables des hommes, et de voyager sur le chemin mystérieux de Dieu. Pierre répond d’une affirmation forte : « Tu es le Christ, le fils du Dieu vivant ».
« Tu es béni Simon, fils de Jonas », dit Jésus, « car ce n’est ni la chair, ni le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est dans les cieux ». A ce moment, Jésus donne au disciple impétueux et passionné qu’est Pierre, un nouveau nom, la Pierre sur laquelle Il bâtira son Eglise.
Mais aussitôt, Pierre semble avoir endossé le rôle de Premier Protecteur du Fils. Car Saint Matthieu nous dit que c’est à ce moment-là que Jésus commença à révéler à ses disciples qu’il devait aller à Jérusalem, pour y souffrir des mains des anciens, et des scribes, être mis à mort et ressusciter le troisième jour. Les disciples ne pouvaient pas comprendre clairement ce que voulait dire cette dernière partie de la phrase : ressusciter ? Comment ? Mais ils savaient parfaitement ce que voulait dire le début.
Aussi Pierre prend-il Jésus à part et lui fait-il des remontrances : Arghwydd, trugarha dy hun ; nis bydd hyn i ti.
Non, ce n’est pas le texte original en grec. C’est du gallois, dans la traduction contemporaine de celle du roi Jacques en Anglais. Mais ce texte m’a étonné, et m’a conduit à revoir le grec pour vérifier . Voilà ce que cela signifie, littéralement : « Seigneur sois miséricordieux envers toi ; ne laisse pas cela t’arriver ». Pierre ne dit pas seulement que Jésus ne mourrait pas, il supplie le Seigneur de se prendre en pitié ; les paroles de Pierre expriment son amour, parfaitement compréhensible, dans son expression, mais parfaitement dans l’erreur. Le gallois non plus ne marque pas de point car le grec ileos soi se traduit simplement par Miséricorde pour toi.
Bien sûr, cette phrase est un cri du cœur. Nous pourrions dire : « A Dieu ne plaise » ou « juste ciel », ou «pour l’amour de Dieu » ! Et la plupart des traducteurs ont rendu cet aspect de la phrase. Mais le gallois a gardé l’idée de miséricorde, et cela rend le dialogue particulièrement poignant.
Car Pierre, par amour, supplie, ou, pourrait-on dire, tente Jésus, pour qu’il montre pour lui-même la même miséricorde qu’il a montré aux autres. « Tu as faim, susurre Satan au Seigneur alors qu’il jeûne au désert. Change donc ces pierres en pain. Ne dépends du Père que jusqu’à un certain point ; aime l’humanité pécheresse, mais seulement jusqu’à un certain point. Sois dur pour les autres afin d’être doux envers toi-même. »
En entendant les paroles de ¨Pierre, le gallois entendra l’écho de ce que Jésus lui-même a dit : « Bienheureux les miséricordieux car ils obtiendront miséricorde ». Sans aucun doute, Pierre pensait qu’il manifestait de la miséricorde à Jésus son Seigneur et ami, en espérant que Il serait gentil envers lui-même. Mais il a entendu des lèvres même du Seigneur cette sévère condamnation : Il vient de se faire appeler Pierre ; il reçoit alors un autre nom : « Passe derrière moi Satan ! Tu m’es cause de scandale. » Une pierre d’achoppement. Cependant le gallois révèle ce que l’anglais, plus versatile, rend obscur.
Car ces mots que nous traduisons par « derrière moi », sont en gallois identiques à ceux que Jésus se prépare à prononcer : Si quelqu’un veut venir « après moi », qu’il renonce à lui-même et qu’il me suive. Prétendre amener Jésus à se débarrasser de la Croix, c’est être l’adversaire, le tentateur, Satan le mielleux. Suivre Jésus sur le chemin de la vraie miséricorde, c’est le suivre sur le chemin de la Croix. C’est quelque chose que ni la chair, ni le sang ne peuvent nous révéler. Nous préférons un triomphe plus facile et plus évident.
Cette négation de ce qui nous paraît être de la miséricorde devrait à son tour éteindre dans nos cerveaux ralentis toute lecture relaxante des Béatitudes. Jésus ne dit pas « Bienheureux les gentils, ils seront confortables, « ou « Bienheureux ceux qui ont l’esprit ouvert, ils n’auront plus besoin de penser ». Nous ne pouvons pas nous faire une idée exacte du Fils de Dieu. Nous ne pouvons pas dire : Il veut que nous soyons doux et humbles de cœur comme Il l’est Lui-même, et moi, je sais exactement ce que cela veut dire. Nous ne pouvons pas dire : Jésus m’ordonne d’être miséricordieux et désormais je serai accommodant avec le péché – non pas miséricordieux envers les pécheurs, mais accommodant avec le péché ; pas quand nous entendons Jésus réprimander Pierre avec miséricorde mais sans merci.
Est-ce à dire que nous devons être des stoïciens acharnés, ou même nous haïr nous-mêmes, être impitoyables envers nous-mêmes ? Cela ne peut pas non plus être le cas ! Jésus continue en nous expliquant pourquoi nous devons prendre notre croix. « Celui qui veut sauver sa vie la perdra ; celui qui perdra sa vie à cause de moi la trouvera ! » Il est venu nous apporter la vie, et la vie en abondance. C’est juste que la vie n’est pas là où nous l’attendons, ou que nous ne désirons pas la vie aussi passionnément que nous le devrions.
L’amour est la source, le chemin, la porte, et la cité. L’amour est, après le péché, le grand mystère que nous ne pouvons pas comprendre ;
L’amour est cette boisson douce et tellement divine
Que mon Seigneur considère comme du sang, mais moi, comme du vin.
Là est la miséricorde que nous recherchons, de plus d’une manière, à l’ombre de la croix.
Anthony Esolen, conférencier, traducteur et écrivain
Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2014/for-mercys-sake.html
Gravure : Passe derrière moi Satan, par John Flaxman, c. 1785