Visiter nos malades - France Catholique
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Visiter nos malades

Depuis un an, des milliers de malades du Covid vivent leurs derniers jours dans la solitude, en Ehpad ou à l’hôpital. Le collectif « Tenir ta main » se bat pour obtenir dans la loi un droit fondamental aux visites de proches.
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Laurent Frémont et Stéphanie Bataille sur le parvis de l’église Saint-Sulpice pour lancer le 1er Mémorial du Covid.

Laurent Frémont et Stéphanie Bataille sur le parvis de l’église Saint-Sulpice pour lancer le 1er Mémorial du Covid.

D.R.

Pour Bruno Retailleau, « le rite de l’adieu a été volé pendant la pandémie ». Le chef de file de la droite au Sénat vient de déposer une proposition de loi pour systématiser le droit de visite à des proches malades du Covid. Il souhaite aussi que le droit de visite dans un hôpital ou une clinique ne passe plus par le chef d’établissement, mais directement par le médecin chef qui connaît le dossier de chaque patient. Pour les Ehpad qui concernent de longs séjours de résidents, le sénateur souhaite aussi un droit de visite opposable. S’il y a un refus de la part de l’administration, la justice sera alors amenée à trancher dans un délai de 48h.

Ne plus « déshumaniser la mort »

Certes, depuis le 3 mars dernier, le Conseil d’État a rétabli le droit de visite dans les maisons de retraite. Mais pour Bruno Retailleau, le mal est fait et il y a surtout urgence à préparer l’avenir pour ne plus « déshumaniser la mort ». Un souhait partagé par Laurent Frémont, fondateur du collectif « Tenir ta main », qui reste traumatisé par la disparition de son père en novembre dernier.

Chirurgien encore en activité, Dominique Frémont décède du Covid à 70 ans dans une clinique privée d’Aix-en-Provence. L’homme est laissé seul pendant les 17 jours de son hospitalisation. Sa famille n‘a jamais pu lui rendre visite. Le médecin appellera deux fois : la première pour demander de ne pas déranger le malade. La seconde pour annoncer le décès. « Les infirmières nous disaient entre-temps que tout allait bien alors que l’état de mon père se dégradait », confie Laurent Frémont. « Nous avons alors tout fait pour être à son chevet ». La sœur de Laurent Frémont, soignante de profession se présente avec toute la tenue nécessaire. Mais on lui ferme également la porte ! Le malade n’était pourtant plus positif et tous les membres de la famille étaient négatifs aux tests pratiqués.

« Les échanges téléphoniques que nous avons eus avec lui étaient poignants. Il nous a expliqué que la solitude était affreuse, qu’il ne dormait pas, qu’il passait les derniers jours de sa vie à attendre une visite. Toute notre vie nous vivrons avec cette culpabilité de ne pas avoir forcé les portes. »

Le père de Laurent Frémont a été mis en bière immédiatement dans un sac plastique. Un retour à la barbarie. « Il a fallu se battre 48h pour que ma mère aperçoive son visage quelques minutes dans une pièce réfrigérée entourée par deux personnes pour la surveiller. Comment en sommes-nous arrivés là ? »

Processus de décivilisation

Le créateur du collectif « Tenir la main » alerte ainsi sur un processus de décivilisation, et sur le fait que les croyants ne peuvent même pas avoir droit aux derniers sacrements. Il est à l’origine du premier Mémorial du Covid, qui se tient dans une chapelle de l’église Saint-Sulpice à Paris. Depuis le lundi 26 avril, les personnes qui n’ont pu dire adieu à un proche sont invitées à déposer des photos et des bougies. Les intentions de prières sont portées lors d’une célébration de la Miséricorde tous les derniers vendredis du mois à 15h. Laurent Frémont espère que l’initiative parisienne inspirera d’autres diocèses. Il se bat aussi pour que l’aumônier soit reconnu comme personnel essentiel lors du déclenchement des plans blancs dans les hôpitaux. « Nous n’avons pas besoin de l’État pour faire notre deuil. Mais nous réclamons quasiment tous un prêtre au seuil de la mort ! »