Une nouvelle phase dans la guerre culturelle par procuration - France Catholique
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Une nouvelle phase dans la guerre culturelle par procuration

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Les requêtes et contre-requêtes à propos de ce que le juge Brett Kavanaugh a fait ou n’a pas fait il y a plus de trente ans aurait dû – en théorie – être pondérées en fonction des mérites (et loin des yeux du public tant que n’apparaît pas une confirmation). Mais il est difficile de ne pas voir la controverse, qu’il est maintenant impossible de résoudre après tant de temps, comme une guerre par procuration pour tout autre chose. Que le juge Kavanaugh soit confirmé – aujourd’hui ou plus tard – cette guerre par procuration ne prendra pas fin mais entrera seulement dans une nouvelle phase.

L’avortement n’est pas un sujet particulier sur lequel le présent candidat à la Cour Suprême a été examiné ; c’est le sujet crucial. Les Républicains et les Démocrates ne sont pas d’accord, et parfois avec véhémence, sur de nombreux sujets – le réchauffement climatique, l’immigration, la liberté religieuse, le mariage homo, la peine capitale, la protection santé, la contraception, les dépenses liées aux droits, le port d’arme, etc. Mais la principale « ligne rouge » est l’avortement.

Le Parti Démocrate, dans son programme électoral et ses pratiques, est devenu le parti de l’avortement. Un groupe courageux, les Démocrates pour la Vie en Amérique (DFLA), s’est battu pour inscrire des dispositions pro-vie dans le programme démocrate et proclame qu’un tiers des Démocrates sont pro-vie. Le DFLA a refusé de soutenir Barak Obama en 2008 ; ils ont été incapables de soutenir plus d’une poignée de candidats.

Un président démocrate comme Barak Obama ne nommerait jamais à un poste important un candidat ouvertement pro-vie, comme cela a été clairement démontré à l’Etat Fédéral, l’Education, la Justice, la Sécurité Intérieure etc. durant la présidence Obama. En profondeur, l’Etat n’est pas ouvert d’esprit.

Les Républicains varient. Ils ne sont pas universellement pro-vie mais habituellement ils soutiennent des candidats pro-vie. Certains Républicains sont principalement intéressés par l’économie, la sécurité nationale, un gouvernement restreint et d’autres questions ; mais être pro-vie ne disqualifie pas automatiquement un candidat dans l’esprit de la plupart des Républicains.

Réfléchissez : Brett Kavanaugh pourrait avoir montré une certaine sympathie pour des questions liées aux Républicains dans ses auditions au Congrès – port d’arme, régularisations limitées pour les migrants illégaux, annulation de certains éléments de l’Obamacare, etc. – et il a pourtant gagné le soutien de certains Démocrates, comme de Républicains. Mais s’il avait seulement suggéré qu’il favoriserait l’annulation de l’arrêt Roe v. Wade, il aurait sabordé sa candidature, même vis à vis de Républicains comme les sénatrices Susan Collins du Maine et Lisa Murkowski d’Alaska.

Fondamentalement, le droit à l’avortement est le droit de tuer un être humain durant la gestation. Certains « pro-choix » démocrates peuvent personnellement refuser d’exercer leur « droit à tuer ». Mais ils prêchent systématiquement que les fœtus ne sont que des « amas de cellules » et que les femmes ont le droit d’avoir le contrôle de leur propre corps.

Donc, de tels homicides doivent être aseptisés en étant confiés à des tueurs à gage professionnels médicaux, hommes ou femmes. Mais un « droit de la femme » ne peut être contesté, tout comme une croyance religieuse. Suivant l’exemple des Aztèques, des Incas ou des autres païens, anciens et modernes, les adeptes de cette religion veulent sacrifier des enfants pour obtenir un grand don – ici, pour eux, le don du sexe sans la menace des charges parentales.

Il est douteux que même les féministes les plus catégoriques accepteraient de mourir pour ces croyances – puisque par définition une telle croyance donne la priorité à leur propre vie sur celle de leur enfant à naître. Mais des croyances quasi-religieuses n’exigent pas toujours la volonté de mourir plutôt que d’y renoncer.

Les croyances éthiques et contraires à l’éthique font souvent preuve d’un syndrome de « mauvaise pente ». Si vous croyez qu’il est parfaitement juste de détruire un être humain in utero, il peut sembler plutôt facile de croire que vous pouvez détruire la réputation d’un autre être humain pour les besoins de la cause. Si vous pouvez vous mentir à vous même en prétendant qu’un fœtus n’est qu’un « amas de cellules », ce n’est pas vraiment exagéré de mentir aux autres pour maintenir la contre-vérité.

Si vous croyez vraiment qu’un cinquième conservateur à la Cour Suprême pourrait annuler à jamais le « droit à l’avortement » qui a été accordé à des millions de femmes par quelques membres libéraux de la Cour par le passé, alors vous pouvez vous sentir dans l’obligation d’écarter ce juge potentiel par tous les moyens possibles.

La situation présente semble être l’illustration d’une éthique aussi tronquée.

Pour rappel : Christine Ford, professeur de psychologie californienne, impliquée dans le mouvement de résistance à Trump, a envoyé une lettre à la plus ancienne sénatrice de Californie, Dianne Feinstein, alléguant avoir subi une tentative de viol de la part du candidat Kavanaugh quand tous deux étaient au lycée. Elle requérait l’anonymat mais son message a été divulgué aux médias et a jeté une ombre sur la candidature Kavanaugh lors de l’audition au Congrès, pourtant largement couronnée de succès (malgré une interruption due à des activistes coléreux et tapageurs).

L’avocate du professeur Ford, Debra Katz, remarquée pour avoir défendu les démocrates Bill Clinton et Al Franken lorsqu’ils étaient accusés de crimes sexuels, est venue défendre le professeur Ford, de même que d’autres avocats et les parties intéressées. Les sénateurs démocrates, à l’exception de deux d’entre eux qui avaient juré de ne soutenir en aucun cas la candidature Kavanaugh, ont poussé à une audience de confrontation renouvelée, au cours de laquelle l’accusé et son accusatrice ont présenté des témoignages crédibles. Kavanaugh, étant accusé d’un crime passible de poursuites, s’est montré, et c’est compréhensible, plus émotif que lors de sa précédente audition au Sénat.

D’autres accusations encore moins crédibles de crimes sexuels et même de viol en réunion ont commencé à émergé, empêchant les sénateurs républicains de prendre une décision finale avant qu’une enquête du FBI ne soit menée, interrogeant de prétendus témoins (dont plusieurs ont déposé sous serment qu’ils ne savaient rien des crimes supposés).

Nous sommes maintenant à la fin des investigations du FBI – du moins à ce qu’il semble – mais comme plusieurs l’avaient prévu, ils ont seulement été capables de montrer que personne n’a corroboré les accusations du professeur Ford. De telles accusations non confirmées, imprudemment révélées au public, semblent n’avoir rien fait d’autre qu’empoisonner davantage notre vie politique et enflammer les passions.

Il semble bien que la nomination du juge Kavanaugh sera confirmée par le Sénat (NDT : C’est effectivement le cas). Alors que j’écris, sa nomination était pronostiquée 51-49, avec un vote final prévu aujourd’hui. Cependant, le Parti Démocrate et les partisans du « droit à l’avortement » ne prendront pas cette défaite à la légère. Ceci est le commencement, et non la fin d’une nouvelle bataille de la guerre civile culturelle qui mijote depuis quelque temps déjà – et qui n’est pas près de s’arrêter.

Howard Kainz, professeur émérite de l’université de Marquette, est l’auteur de 25 livres sur la philosophie allemande, l’éthique, la philosophie politique et la religion et l’auteur de plus d’une centaine d’articles dans des revues spécialisées, des journaux papier et en ligne. Il a également écrit des tribunes libres.

Illustration : Le juge Brett Kavanaugh

Source : https://www.thecatholicthing.org/2018/10/06/another-phase-in-the-cultural-proxy-war/