Monique Lévi-Strauss aura attendu 50 ans pour raconter ses souvenirs d’enfance.
Comme tous les juifs rescapés, elle a vite compris que les souvenirs de guerre n’intéressaient personne. Pourtant son histoire ne ressemble à aucune autre : juive par sa mère, Monique et sa famille ont passé la guerre dans la gueule du loup, c’est-à-dire au sein même de l’Allemagne nazie.
Son récit est d’autant plus bouleversant qu’il est écrit sans pathos avec la distance que lui ont donné le temps et la maturité. C’est avec son expérience humaine qu’elle peut évoquer le couple de ses parents : deux êtres trop dissemblables pour ne pas former un ménage bancal et inconscient au point de partir s’installer en Allemagne alors que les bruits de bottes nazies martèlent déjà l’Europe.
C’est une chance incroyable, et certainement la providence divine (à laquelle Monique Lévi-Strauss ne croit pas) qui a permis à cette petite famille d’échapper à la Gestapo comme aux bombardements incendiaires alliés et de partager la vie de ces Allemands pris au piège des folies d’Hitler. Et c’est là toute la portée de ce témoignage : la souffrance de la population civile, coincée entre la dictature nazie et la destruction, est racontée de l’intérieur avec la distance que confère le regard porté par une adolescente belge qui y fait ses études malgré l’obstacle de la langue.
C’est l’amour de cette langue qui va lui permettre de compatir aux souffrances de ce peuple sans doute coupable d’avoir donné le pouvoir à Hitler, mais qui en est aussi une de ses victimes. C’est l’histoire aussi incroyable d’une jeune fille qui a perdu la foi mais qui va accepter de baptiser sa mère, par amour pour elle.
