Une Église qui évolue - France Catholique
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Van Eyxk, l'art de la dévotion
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Une Église qui évolue

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La voie du salut (Église militante et triomphante) d'Andrea di Bonaiuto, 1365

La voie du salut (Église militante et triomphante) d'Andrea di Bonaiuto, 1365

Église de Santa Maria Novella, Florence, Italie

Parfois, de grands changements dans l’Église se produisent en même temps et de manière évidente. Pensez à certaines réformes du Concile Vatican II. D’autres changements – même certains changements monumentaux – se produisent beaucoup plus lentement et peuvent donc être difficiles à percevoir lorsqu’ils se produisent. Et parfois, la façon dont les choses se sont terminées est claire, mais ce qui pourrait arriver ensuite est incertain. Ce sont là des moments d’appréhension – et d’espoir.

L’épiscopat change. L’accent mis par le pape François sur la synodalité et la collégialité en fait partie. Tout comme sa refonte du Collège des cardinaux pour y inclure des évêques des périphéries. Mais le changement le plus important est peut-être plus subtil que cela : les attentes des laïcs à l’égard de leurs évêques changent. La déférence pour le clergé – en particulier les évêques – est à un faible niveau. La confiance s’est usée.

La majeure partie de cela, bien sûr, a à voir avec les scandales des dix-huit derniers mois. Il est difficile d’imaginer un évêque catholique jouissant aujourd’hui du genre de prestige national et de l’adulation dont Theodore McCarrick a joui à son apogée, bien avant que ses déprédations ne deviennent publiques. De nos jours, les catholiques américains sont aussi susceptibles de considérer les prélats avec scepticisme, voire suspicion, que de les regarder avec admiration.

Ajoutez à ce mélange les effets polarisants de notre situation sociale et politique, le vitriol des médias sociaux, les querelles intra-ecclésiales (certaines très sérieuses, d’autres très stupides) et toutes les autres incitations au cynisme dans lesquelles nous marinons. Le résultat, au moins à court terme, ce sont des évêques à la fois moins exaltés (ce qui est probablement bon) et plus éloignés de leur troupeau (ce qui est clairement mauvais).

Si la vision que les laïcs ont de nos évêques change, il semble que nos prêtres adoptent également une vision différente, peut-être plus sombre, des hautes fonctions ecclésiales.

Le cardinal Marc Ouellet a récemment déclaré à un média espagnol que près d’un tiers des hommes choisis par le pape pour devenir évêques finissent par refuser leur nomination. Selon Ouellet, qui est préfet de la Congrégation des évêques depuis 2010, le taux de refus a triplé depuis une dizaine d’années.

La nouvelle que davantage d’hommes déclinent leurs nominations n’est pas exactement une surprise pour la plupart des observateurs proches de l’Église. Il y a des spéculations sur cette tendance depuis un certain temps. En fait, ce n’est pas la première fois que le cardinal Ouellet mentionne que le taux de refus augmente, même si c’est la première fois qu’il y ajoute un chiffre. Il convient de noter que cette tendance est antérieure à la dernière itération de la crise des abus.

Quant à savoir pourquoi davantage d’hommes refusent, Ouellet n’a fourni qu’une explication générale : « C’est peut-être parce qu’ils ne se sentent pas capables, manquent de foi, ont des difficultés dans leur vie ou préfèrent ne pas risquer de nuire à l’Église. » C’est probablement la seule explication que nous obtiendrions de quiconque le sait vraiment. Pourtant, il est difficile de ne pas se demander : l’Église manque-t-elle de bons évêques, ou se voit-elle épargner les mauvais ?

Un prêtre qui accepte une nomination épiscopale dans l’environnement ecclésial actuel accepte de se soumettre à l’examen public le plus intense, voire hostile. Les défis énormes d’être évêque de nos jours signifient que les hommes qui en acceptent ardemment la charge doivent être particulièrement humbles et généreux… ou inhabituellement ambitieux et carriéristes.

Beaucoup de nos évêques se trouvent dans une position presque impossible. On s’attend à ce qu’ils soient pastoraux et humains – sentant comme leurs moutons, et tout cela est censé être bon – tout en consacrant énormément de temps et d’énergie aux exigences administratives et bureaucratiques de leur fonction. De nos jours, ne l’oublions pas, ces tâches pourraient bien comprendre des emplois ingrats comme naviguer dans un diocèse en faillite, fermer des dizaines de paroisses ou traiter des enquêtes d’un grand jury.

Je ne prétends pas savoir ce qui sortira de tout cela à long terme. Mais il me semble certain que, tout comme les attentes concernant nos pasteurs changent, les attentes concernant le troupeau doivent également changer. Attribuer à nos évêques toute la responsabilité de la santé et de la vitalité de l’Église (ou leurs contraires) est une sorte de cléricalisme ascendant. Elle impose des exigences impossibles à nos pasteurs, tout en nous exonérant de manière si commode – nous, les laïcs, la grande majorité des catholiques – de la responsabilité de notre propre mission baptismale.

Il ne s’agit pas de réattribuer la responsabilité des péchés et des crimes des prêtres et des évêques. Le fait est que les hommes choisis pour diriger le troupeau dans les années et les décennies à venir auront besoin – s’ils veulent réussir dans leur mission – de l’aide et de la collaboration d’un laïcat pleinement engagé et dévoué à l’ouvrage de disciple. Cela ne se fera pas en brouillant ou en brisant les distinctions entre laïcs et clergé, ni même en bricolant le partage des tâches au sein des chancelleries et des ministères diocésains afin de privilégier la participation des laïcs. Ces dernières réformes peuvent être prudentes, elles peuvent même être nécessaires, mais elles ne seront jamais adaptées à la véritable mission de l’Église.

Je suis de plus en plus convaincu que la question pour l’Église dans les années et les décennies à venir est la suivante : si la vocation laïque est pleinement et bien vécue – avec tous les fidèles laïcs prenant au sérieux le don et la responsabilité de leur baptême – à quoi pourrait alors ressembler l’Église ?

Je suis convaincu qu’une telle Église serait une véritable Église, plus forte et confirmée dans sa mission. Une église renouvelée.