Un feu purificateur - France Catholique
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Van Eyck, l'art de la dévotion. Renouveau de la foi au XVe siècle
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Un feu purificateur

Traduit par Vincent de L.

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Comme pour ainsi dire le monde entier le sait maintenant, Carlo Maria Viganò, ancien nonce apostolique aux États-Unis, a publié une lettre explosive de onze pages, citant les noms de gens impliqués dans les abus sexuels et leur dissimulation en Amérique, et de leurs facilitateurs à Rome, jusqu’au plus haut niveau, incluant le pape François.

Il fournit des dates et des détails, et des informations sur l’endroit où l’on peut trouver les documents correspondants ; il parle de personnes qui peuvent corroborer son propos ; et il a appelé toutes les personnes impliquées, y compris le Saint-Père (qui, dit-il, savait déjà en 2013 pour McCarrick et n’a rien fait), à respecter la politique de Tolérance Zéro de l’Église, à être un exemple pour les autres, et à démissionner.

Je connaissais un peu Viganò à Washington et je l’ai toujours apprécié ; il fut le meilleur ambassadeur du Vatican que nous ayons eu ces dernières années. Mon estime a grandi, même avant cette lettre. Les évêques ne participent pas à la Marcia per la Vita (la Marche pour la Vie) de Rome (la Conférence des évêques italiens, affichant une foi profondément égarée, pense que cela devrait se faire par le biais des hommes politiques élus, pas par des manifestations publiques). Lors de la dernière, j’ai vu le cardinal Burke et l’évêque Athanasius Schneider ; comme autre évêque, seulement Viganò.
Beaucoup l’appellent homme d’honnêteté et d’intégrité. Cela transparaît clairement dans des passages de sa lettre comme celui-ci :

« Ma conscience exige aussi que je révèle des faits que j’ai vécus personnellement, concernant le pape François, qui ont une signification dramatique, des faits qui, en tant qu’évêque, partageant la responsabilité collégiale de tous les évêques vis-à-vis de l’Église universelle, ne me permettent pas de me taire, et que j’énonce ici, prêt à les réaffirmer sous serment en prenant Dieu à témoin. »

Des défenseurs du Pape ont déjà soulevé des questions à propos de certains détails de cette lettre. Ceux-ci seront tous réglés en temps voulu. Mais personne n’a contesté l’image globale, qui peut être aisément confirmée – et le sera probablement s’il y a une réelle responsabilité. Jusqu’ici, le Vatican est resté muet ; lors de son vol retour de Dublin vers Rome, François a dit qu’il ne dirait pas un mot pour l’instant.

Aujourd’hui, j’avais l’intention de faire un résumé du voyage du Pape en Irlande (je partais lorsqu’il est arrive parce qu’il est vraiment plus facile de suivre les mouvements du Pape dans les media électroniques qu’in situ). Un journaliste irlandais était déjà en train de se lamenter avant même que le Pape fût arrivé que « cette visite ressemble trop à une procession cérémonielle ». Etant donné la destruction que les abus sexuels ont causé non seulement à de nombreuses personnes et familles en Irlande, mais aussi au Chili, en Amérique, Honduras, Australie, et beaucoup d’autres nations, j’avais suggéré il y a des semaines que la Rencontre mondiale sur les familles dût être annulée et qu’une procession pénitentielle, à faire tous les ans, prît sa place.

Tout cela semble être maintenant comme il y a des siècles, sur une planète éloignée. Vendredi, à la conférence de remplacement sur la famille parrainée par l’Institut Lumen Fidei à Dublin, quelque peu à ma propre surprise, j’ai joué le prophète et ai prédit que d’autres révélations majeures, s’ajoutant au cas McCarrick, allaient surgir dans les semaines à venir.

Et ce n’est que le début.

Nous voilà maintenant dans une longue série de jours douloureux, mais je crois que cela deviendra « un feu purificateur ». Beaucoup, dans la hiérarchie de l’Église, surtout à Rome, sont toujours dans l’illusion qu’ils peuvent gérer cette monstruosité. Ils ne le peuvent pas.

Les évêques américains ont mis du temps, mais ils ont fini par réaliser qu’il leur fallait au moins faire quelque chose après les révélations McCarrick.

Dans sa lettre aux victimes américaines d’abus – et dans ses remarques pendant sa visite en Irlande -, le pape François a principalement exprimé sa confiance en ce que les mesures de protection existantes peuvent tenir compte des différentes situations. Il n’y a pas besoin de créer des tribunaux spéciaux, etc. Ceci est fantastique et sera bientôt largement perçu comme tel, au détriment de la crédibilité du pape s’il ne prend pas de mesures sérieuses et importantes. Ainsi que l’a dit un commentateur : « Le pape à l’Église des États-Unis : vous êtes tout seuls. »

Le pape François a déjà trouvé en Irlande qu’exprimer la tristesse et la honte de l’Église pour ces échecs n’apaise personne. Les gens veulent des actes, et des réponses. Pour commencer, Viganò dit que McCarrick était le quatorzième sur la liste pour devenir archevêque de Washington. Qui a Rome l’a élevé tout en haut ? Cupich et Tobin n’étaient pas sur la liste envoyée au Vatican pour Chicago et Newark. Qui les a promus ? Et pourquoi ?

Nous devons également nous poser les bonnes questions sur cette pagaille dans son ensemble. Ce n’est pas « l’Église » qui a commis des crimes et abusé du pouvoir. Le problème n’est pas non plus un « cléricalisme » généralisé, mais les actions d’individus particuliers et d’autres qui les ont protégés. À moins que, comme le disent les anti-catholiques, l’Église soit vraiment un syndicat du crime, nous voulons maintenant séparer les moutons des chèvres.

Selon Viganò, McCarrick et le cardinal hondurien Oscar Maradaga (lui-même soupçonné de malversations financières et d’un scandale généralisé dans son séminaire), ont contribué à la nomination des cardinaux Cupich et Tobin (Newark), ainsi que du cardinal Farrell au Dicastère pour les laïcs, la famille et la vie. Et à l’élection de Jorge Bergoglio comme pape.

À tout le moins, chacun de ceux qui ont été nommés – et la liste s’agrandit – est sous un nuage, étant donné que les évêques catholiques eux-mêmes ont, tristement, remis en question leur propre droit à être considérés comme innocents jusqu’à ce qu’ils soient établis comme coupables. Comment, par exemple, le cardinal Tobin fut-il juste nommé par le pape François comme l’un de ses choix particuliers pour participer au prochain synode sur la jeunesse ? Tobin, il faut le rappeler, a dit qu’il ne savait rien des paiements ni des règlements sur McCarrick dans le diocèse même qu’il dirigeait à ce moment-là. La même chose avec Farrell. De même avec la cardinal Wuerl, même si Viganò a produit des évidences convaincantes et a dit que Wuerl mentait de manière éhontée.

L’ensemble de sa lettre mérite d’être étudié avec soin. Il s’y trouve un épisode que je trouve plutôt révélateur : lorsque Viganò a rencontré le Saint-Père à Nuncio, François lui a demandé, lors de conversations sur McCarrick et Wuerl, comment ils étaient ou s’ils étaient bons. (François a également dit que les évêques américains de doivent pas être « abordés sous l’angle idéologique » (sic), ni de droite ni de gauche, mais il a mentionné spécifiquement « Philadelphie », c’est-à-dire l’archevêque Chaput). Ce n’est que plus tard que Viganò a réalisé que François demandait en fait si lui, Viganò, soutiendrait McCarrick et Wuerl, malgré les informations accablantes qu’il venait de fournir.

Le Pape n’était jamais allé en Amérique avant son voyage de 2015, il connaît peu de choses sur nous et fait confiance à des figures comme McCarrick et Maradiaga, et d’autres comme Antonio Spadaro et Marcelo Figueroa qui ont exprimé une vue assez risible selon laquelle les catholiques traditionnels et les évangéliques ont forgé un « œcuménisme de haine » en Amérique. Même les moyens d’expression des catholiques de gauche étaient gênés par ce spectacle. En fait, si l’on rassemble les divers noms cités dans la lettre de Viganò, presque tous les conseillers les plus proches de François sont au cœur du problème, pas de sa solution.

S’il y a une solution maintenant, elle viendra d’abord des laïcs et des quelques évêques – à ce jour – qui souhaitent parler franchement et faire quelque chose. Tous les catholiques, partout, doivent à présent maintenir fermement la pression pour que l’Église se purifie. Complètement. Personne ne se voyant accorder une indulgence partielle ni plénière. Personne. Rien d’autre ne marchera.

Et pour ceux qui sont compromis : il serait sage de faire attention à ce que vous dites et faites ensuite. Les jours anciens de tromperie et d’atermoiements ont pris fin, même à Rome. Les gens regardent qui va de l’avant et qui ne le fait pas ; qui tente de déformer des faits évidents et de se cacher derrière de pieuses platitudes ; si les têtes roulent ou si tout est dit.
Beaucoup de ce qui fut caché – y compris tout autre mensonge ou action – sera maintenant connu. L’obstruction ne fera qu’empirer le jour final de la reconnaissance.

Source : https://www.thecatholicthing.org/2018/08/27/a-cleansing-fire/

Catherine de Sienne escorte le pape Grégoire XI à Rome le 17 janvier 1377 par Giorgio Vasari, v. 1550 [Sala Regia, Palais Apostolique, Vatican]

Dr. Robert Royal est rédacteur en chef de The Catholic Thing, et président de l’Institut Foi & Raison de Washington, D.C. Son livre le plus récent est A Deeper Vision: The Catholic Intellectual Tradition in the Twentieth Century (Une vision plus profonde : la tradition intellectuelle catholique au vingtième siècle), publié par Ignatius Press. The God That Did Not Fail: How Religion Built and Sustains the West (Le Dieu qui n’a pas échoué : comment la religion a construit et soutient l’Occident), est à présent disponible en édition de poche chez Encounter Books.