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UN INSTRUMENT DE TRAVAIL…

Préparation du Synode des Evêques sur la Nouvelle Evangélisation

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Courant juin, le secrétariat du synode a fait paraître l’Instrumentum Laboris (‘I.L.’) : outil classique de la préparation des synodes romains, synthèse de contributions venues du monde entier, en réaction au premier document romain, les Lineamenta, publié début 2011 et qui rappelait notamment l’historique de la nouvelle évangélisation et un certain nombre de textes-clé depuis Paul VI. Cet Instrumentum Laboris comporte quatre chapitres dont les titres sont instructifs :

1) Jésus-Christ, Evangile de Dieu pour l’homme ;

2) Le temps de la nouvelle évangélisation ;

3) Transmettre la foi ;

4) Raviver l’action pastorale.


1) Jésus-Christ, Evangile de Dieu pour l’homme

Toute évangélisation — ancienne ou nouvelle — trouve sa source et son modèle dans le Christ Jésus. C’est-à-dire en premier lieu dans une relation d’amour personnelle, publique et communautaire avec lui : qui peut évangéliser sans une forte intimité avec la personne de Jésus ?

L’évangélisation s’appuie aussi sur la façon de faire de Jésus : connaître le contenu du message qu’Il transmet, sa manière d’opérer lorsqu’il enseigne, son mode de prédication et d’exercer son ministère, tant vis-à-vis des croyants ou des incroyants que des foules ou des disciples. L’Eglise se rappelle à elle-même que toute évangélisation doit donc s’inscrire dans la ‘nouveauté’ évangélique : naissance à une vie nouvelle (cf. Jn 3), nouveauté du chrétien qui n’est plus ‘du monde’ mais ‘dans le monde’ (cf. Jn 17), nouveauté de l’amour qui va jusqu’à être scandale et folie (cf. 1 Co 1) pour les hommes (aimer ses ennemis, renoncer à ses biens, être oenuque pour le royaume, confesser un messie crucifié et ressuscité), nouveauté d’une conversion du cœur qui se doit d’être continuelle pour les chrétiens…

Ce premier chapitre de l’I.L. insiste également sur le sens du terme ‘Evangile’ que chaque catholique doit redécouvrir : l’annonce du Royaume de Dieu, l’avènement de la Seigneurie et du Salut du Christ sont une « bonne » nouvelle, une nouvelle réjouissante pour celui qui l’accueille, l’expérimente car — aujourd’hui comme hier — Jésus Christ console, éclaire, guérit, pardonne, libère… L’Evangile est en fait ‘la’ bonne nouvelle de l’histoire pour les hommes. Il y a donc tellement de sens, de raisons et de bonheur à proclamer et annoncer à temps et à contretemps cet Evangile, pour l’Eglise qui fait sienne les paroles sans ambiguïté de Saint Paul : ‘malheur à moi si je n’évangélise pas’ (1 Co 9, 16). Reprenant un point auquel Paul VI et Jean-Paul II étaient très attachés, ce chapitre s’achève sur le devoir d’évangéliser et dénonce toute une série de « fausses convictions qui limitent l’obligation d’annoncer » ou « de négligences, de peur, de honte ». Et l’I.L. de se faire l’écho de nombreuses demandes de par le monde de s’interroger et de vérifier à l’occasion du synode des raisons profondes de « l’infécondité de l’évangélisation et de la catéchèse aujourd’hui », d’évaluer si au final celle-ci n’est pas « avant tout un problème ecclésiologique et spirituel ». D’où la citation des versets du prophète Isaïe qui éclairent le puissant appel d’air spirituel et apostolique qu’évoque et provoque la nouvelle évangélisation aujourd’hui dans l’Eglise : « Elargis l’espace de ta tente, allonge tes cordages […] ta race va repeupler les villes abandonnées » (Is 54)

2) Le temps de la nouvelle évangélisation

A la suite de son Seigneur et Maître, appelant les disciples à savoir lire les signes des temps, l’Eglise reconnaît que notre époque est ‘le’ temps de cette nouvelle évangélisation : au travers de la terminologie de ce chapitre, l’Eglise dit avec gravité que « l’heure est venue », que c’est « ici et maintenant », comme si Dieu donnait comme une sorte de rendez-vous à l’Eglise et aux chrétiens à ce point de l’histoire des hommes. C’est pourquoi il est proposé que l’ensemble des réalités ecclésiales locales développent un état d’esprit et une dynamique bien davantage missionnaire. Pour cela, sont évoquées dans ce second chapitre la nécessité de « s’enraciner plus solidement dans la présence du Ressuscité », une vie qui « se laisse guider par l’Esprit de manière renouvelée », l’importance de renouer avec une première annonce de la foi — et donc la présentation du kérygme — , de stimuler le zèle missionnaire qui caractérisait les premiers temps de l’Eglise (cf. Actes des Apôtres) afin que la foi soit proposée de manière crédible par des personnes qui offrent aux hommes cette « expérience comme le don le plus précieux dont elles disposent ».

Ce second chapitre souligne l’impact négatif de structures empêtrées dans une « bureaucratisation excessive » ou un « éloignement des préoccupations existentielles de l’homme commun ». L’I.L. s’inquiète du « grand nombre de communautés » qui ne retrouve pas « énergie, volonté, fraîcheur et talent dans sa façon de vivre sa foi et la transmettre », et qui n’a pas « encore perçu pleinement la portée du défi et l’entité de la crise (…) au sein de l’Eglise elle-même ». D’où l’appel qui est fait au synode d’aider à cette prise de conscience de la « gravité de ce défi », à réfléchir aux effets de la sécularisation sur le christianisme et aux réponses pertinentes à apporter. Se faisant l’écho des nombreuses contributions reçues, l’I.L souligne combien « le plus souvent » ce sont des « des groupes religieux ou des mouvements » qui ont démontré depuis des années qu’un renouveau pertinent et fructueux de l’évangélisation, adaptée à la modernité et la sécularisation, est possible : d’où l’invitation faite par l’I.L. à ce que — à l’occasion du synode — beaucoup d’Eglises locales soient prêtes à « reconnaître leur don afin que celui-ci devienne le patrimoine » de toute l’Eglise.

C’est pourquoi, l’I.L. n’hésite pas à évoquer les « opérations de vérification et de relance de la pastorale » chez « nombre d’Eglises locales », de « renouveau missionnaire » ou de « conversion pastorale », soulignant les effets bénéfiques et durables en terme de renouveau des communautés « moins repliées vers l’intérieur et plus engagées dans l’annonce de la foi à tous ». Regroupant les différentes formes de travaux menés dans ces Eglises et rapportées dans de nombreuses contributions, l’I.L. souligne que ce travail — d’audit missionnaire interne pourrait-on dire — repose le plus souvent sur 3 exigences : la capacité à discerner le mode missionnaire propre au temps présent ; la capacité à vivre et adhérer de manière radicale et authentique à la foi ; la capacité à demeurer dans un lien clair et explicite avec l’Eglise. Et ce en puisant et en associant à cette mission « la première et grande ressource du nombre de laïcs baptisés engagés », en « imaginant une organisation locale de l’Eglise » où est « toujours plus intégrée la mission des laïcs avec celles des prêtres ».

Le texte conclue en soulignant combien le synode doit aider chaque communauté chrétienne à vivre « cette relance spirituelle », « ce chemin de conversion auquel la nouvelle évangélisation l’appelle aujourd’hui », afin d’ « intensifier l’action missionnaire » reçue par mandat du Christ lui-même et faire en sorte qu’« il n’existe pas de situation ecclésiale qui puisse se sentir exclue d’un tel programme ».

3) Transmettre la foi

Le cœur de l’évangélisation est de « transmettre la foi », tâche que nous avons eu tant de difficultés à assurer ces dernières décennies : ‘foi’ et ‘transmission’, deux réalités que l’Eglise veut donc approfondir à l’occasion de ce synode :

– La crise de la transmission, est avant tout une crise de la confession de foi : « On ne peut pas transmettre ce à quoi on ne croit pas et ce qu’on ne vit pas » constate d’emblée l’I.L. au début de son troisième chapitre. C’est donc tout l’enjeu de « l’Année de la Foi » qui sera ouverte durant le synode par Benoît XVI, occasion pour l’Eglise de purifier sa foi en accueillant des grâces de libération, d’amour et de vérité.

La ‘transmission’, ou le fait de passer le témoin à d’autres : comment peut-on évangéliser si notre foi manque de racines spirituelles, si elle n’est pas en communion avec le Siège de Pierre, si on recherche une ‘rupture’ avec le passé de l’Eglise, etc. ? Rappelant un leitmotiv de Jean-Paul II, l’I.L. souligne que le fait d’évangéliser est en lui-même un acte déterminant qui non seulement illustre la foi de celui qui évangélise, mais aussi nourrit cette foi, la fait grandir, la purifie : « La mission renouvelle l’Église, renforce la foi et l’identité chrétienne, donne un regain d’enthousiasme et des motivations nouvelles. La foi s’affermit lorsqu’on la donne ! » (Redemptoris Missio)

L’I.L rappelle donc

– l’appel à s’engager dans l’évangélisation fait à tout baptisé

– la primauté de l’expérience personnelle car tout évangélisateur se doit en premier lieu de vivre sa propre foi « comme expérience de Dieu et centre de sa vie »

– l’articulation et la fécondation mutuelles entre ‘foi’ et ‘transmission’ puisque la foi vivante et profonde est le socle de l’évangélisation, qui est à son tour le creuset de la force et de la vitalité de la foi.

Il est urgent que s’opère à l’occasion du synode une prise de conscience de tous ces éléments au sein des communautés catholiques dont un « bon nombre » selon l’I.L. sont marquées par des « lacunes graves » dans « l’éducation à une foi adulte ». D’où certaines pistes sur lesquelles les pères synodaux réfléchiront comme :

– des précisions concernant le ministère de catéchèse et de prédication dans l’Eglise

– le rôle-pivot des paroisses dans la mission locale et communautaire de transmission de la foi,

– la qualification des ressources apostoliques des multiples groupes de « nouveaux évangélisateurs », mais aussi leur bonne articulation et intégration à la vie des Eglises locales, et plus largement « la relation entre charisme et institution, dons charismatiques et hiérarchiques »

– la reconnaissance de l’importance irremplaçable de la mission évangélisatrice des époux, tant vis-à-vis de leur environnement social que vis-à-vis de leurs propres enfants

– l’importance du témoignage personnel de baptisés qui rendent compte explicitement de leur foi, et qui « pour être crédibles (…) parlent le langage de leur temps, en annonçant de l’intérieur les raisons de l’espérance qui les anime »

– l’accompagnement des baptisés dans la pratique missionnaire dans le contexte culturel et sécularisé contemporain : comment témoigner ?
– comment faire du contexte contemporain une source d’opportunités missionnaires ? comment se ressourcer pour évangéliser ? …

4) Raviver l’action pastorale

Sur la base du travail de renouveau spirituel qu’implique la nouvelle évangélisation — renouveau largement abordé dans les trois premiers chapitres de l’Instrumentum Laboris — le dernier chapitre insiste sur l’importance de ‘raviver’ l’action pastorale de l’Eglise : le fait, non pas d’abord de faire des choses nouvelles (comme une sorte de modernisme ou de jeunisme pour être à la mode ou dans le bain), mais de renouveler de l’intérieur, de redonner souffle, vigueur, fraîcheur, ferveur, enthousiasme… à la pastorale de l’Eglise.

Le plus souvent, ce n’est pas d’abord le « faire » qui distingue une communauté chrétienne déclinante d’une autre en pleine croissance, celle en pleine dynamique apostolique de celle qui gère les affaires courantes : c’est avant tout l’énergie et la fraîcheur vivifiante d’une communauté et de ses pasteurs qui croient en la Parole du Christ – « Je suis avec vous jusqu’à la fin du monde » et « je vous enverrai le Paraclet » -, qui voient de leur yeux « l’Esprit Saint agir avec puissance » et « chaque jour s’adjoignaient à la communauté ceux qui étaient sauvés ». C’est pourquoi l’I.L. insiste en son dernier chapitre sur les fondamentaux de l’action pastorale, et l’état d’esprit qui doit la guider : « pour évangéliser, l’Église n’a pas besoin seulement de renouveler ses stratégies, mais plutôt d’accroître la qualité de son témoignage ; le problème de l’évangélisation n’est pas d’abord une question d’organisation ou de stratégie, mais plutôt spirituelle ».

La première insistance de ce dernier chapitre réside dans la « pastorale baptismale qui doit être assumée comme un des lieux prioritaires de la nouvelle évangélisation », autant durant les périodes pré-baptismales que post-baptismales avec des parcours, des cheminements, des accompagnements particuliers très bénéfiques.

La seconde insistance est celle qui concerne l’adoption par les paroisses d’un style et d’ambitions plus missionnaires, en développant une pastorale de la « première annonce » en « sachant susciter l’attention » et l’intérêt « des adultes en interprétant leurs questions et leur soif de bonheur », en « assumant sans crainte une attitude apologétique » « une proposition explicite », « une proclamation » du kérygme « avec l’objectif spécifique de la conversion ». C’est pourquoi l’I.L. insiste sur l’importance de « beaucoup sensibiliser les communautés paroissiales à une action missionnaire urgente » et à cette première annonce, à mobiliser les pasteurs dans un ministère de prédication renouvelé et centré sur le Christ.

*

Nous espérons que ces quelques lignes vous auront donné davantage le désir de vous plonger durant cet été dans l’Instrumentum Laboris, ou tout au moins de (re)découvrir trois textes fondamentaux sur la nouvelle évangélisation : Evangelii Nuntiandi, de Paul VI, Redemptoris Missio et Novo Millennio Ineunte, de Jean-Paul II. Chacun aura à cœur de prier pour les pères synodaux et leurs travaux pour toute l’Eglise.