Transmettre la foi en famille - France Catholique
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L'amour du travail bien fait avec saint Joseph artisan
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Transmettre la foi en famille

Monique Berger nous a quittés ce 10 mai 2019. Depuis 30 ans, la fondatrice du site Prier en famille a permis à des générations de familles de transmettre une foi solide à leurs enfants. Elle avait choisi de passer le relais à l'équipe de France Catholique. Son expérience d'éducatrice demeure une référence.

ENTRETIEN AVEC MONIQUE BERGER

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© Marie-Line Burguière

Comment vous êtes-vous formée à la pédagogie ?    Monique Berger : C’est dans ma famille que j’ai reçu ma toute première formation à l’éducation : je suis l’aînée de dix enfants ! Cela m’a comme prédestinée à m’occuper d’enfants. Ensuite, mes études dans une école Montessori m’ont fait découvrir une technique pédagogique particulière, et enseigné la psychologie enfantine.Pour la pédagogie religieuse, je la dois, en partie, à une disciple Montessori, qui a été sa propagandiste en France : Hélène Lubienska de Lenval. Elle a beaucoup travaillé cette question dans le cadre des écoles Montessori, et a réalisé un travail considérable où j’ai beaucoup puisé. J’ai eu d’autres lectures : des catéchistes renommés des années 50-65, comme Marie Tribou, Cécile Damez, Jeanne-Marie Dingeon, et Mgr Georges Chevrot… J’ai eu aussi la grâce de naître dans une famille profondément chrétienne. Nous avons reçu une éducation forte, énergique, apprenant de nos parents et à leur exemple, à vivre chrétiennement, en sachant que la vie est un combat, et à préférer le bien, le beau, le vrai, et que le vrai but de notre vie est le Ciel… Pourquoi avoir choisi l’année liturgique comme guide de votre enseignement de la foi ? La liturgie – prière officielle de l’Église – est une pédagogie divine merveilleuse. Elle rappelle aux hommes que leur but final sur cette terre n’est pas d’y rester, mais qu’elle leur est donnée pour se préparer à la vie du Ciel. Pour cela, Dieu leur donne Jésus pour modèle et pour guide : « Il les a destinés d’avance à être configurés à l’image de son Fils » (Rm 8, 29). Par le temps liturgique, nous revivons successivement tous les mystères de la vie de Jésus : Annonciation, Nativité, Fuite en Égypte et vie cachée à Nazareth. Puis Retraite au désert, Baptême par Jean-Baptiste, sa Vie publique, ses enseignements et ses miracles, sa Passion et mort, sa Résurrection, les apparitions aux disciples, et enfin, son Ascension glorieuse. Toutes ces étapes de la vie de Jésus sont autant d’enseignements de sainteté. Ainsi l’année liturgique, d’une grande richesse, nourrit notre vie intérieure. à travers les signes visibles des textes et des rites liturgiques, elle nous instruit des réalités invisibles. Elle nourrit aussi nos âmes des grâces propres à chaque mystère, grâces dont l’application à nos âmes nous incorpore au Christ qui nous les a méritées. Si nous sommes attentifs à leur signification spirituelle, avec une réelle volonté de nous configurer au Christ, nous recevrons de Lui toutes les grâces qu’Il veut nous donner à travers chacune de ces fêtes. L’Église nous invite à revivre ces événements, non pas en simples spectateurs, de l’extérieur, mais en partageant les sentiments du Christ (Ph 2, 5) à chaque étape de sa vie, en nous y associant pleinement et avec amour. Ces grâces, il faut les désirer, les demander, savoir les recevoir, nous en nourrir, et en vivre réellement. C’est alors, dit saint Paul, que le Christ vivra réellement en nous : « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi » (Ga 2, 20). Les textes liturgiques de chaque messe sont aussi une aide précieuse : nous y trouverons un grand profit spirituel. La liturgie est un très grand trésor. Pour vivre vraiment notre foi, il est bon d’en prendre conscience, afin de bien le recevoir dans nos cœurs : notre prière personnelle gagnera toujours à utiliser les prières que l’église nous propose. En matière de liturgie, quelle importance ont les fêtes de saints – le sanctoral – pour les enfants ? La vie des saints, ces amis fidèles de Jésus, est comme un prolongement et un reflet de la vie de Jésus au fil du temps. Leur exemple nous encourage dans notre cheminement vers le Ciel. Aspirés par l’Amour divin, ils ont mis leur vie en conformité avec l’enseignement du Christ, avec une force d’âme qu’ils ont puisée dans l’Esprit Saint. Parmi eux, la très Sainte Vierge Marie, sa Mère, tient la première place : l’Église l’honore d’un culte particulier, par de nombreuses fêtes tout au long de l’année. Après le Christ, les saints nous donnent encore des exemples à imiter. À travers leur infinie variété, nous découvrons tous les fruits de sainteté que l’Esprit-Saint produit dans les âmes dociles à la grâce. Ils sont pour nous des modèles à imiter, ils sont aussi des protecteurs qui intercèdent pour nous. Sur le site, nous avons quelques vies de saints. Mais ce « filon » mérite d’être développé davantage. Au plan moral, vous insistez sur l’éducation à la liberté, à la volonté et à la pureté… L’éducation à la liberté consiste à accompagner, tout au long de sa croissance, le nouveau-né totalement dépendant, par étapes successives, jusqu’à ce qu’il devienne une personne libre, autonome, responsable de ses actes. Aider l’enfant autant qu’il en a besoin, mais pas plus. Et surtout, ne jamais faire pour lui ce qu’il est capable de faire seul, ce qui peut commencer beaucoup plus tôt qu’on ne croit. La volonté est la faculté d’agir, de décider et de réaliser : c’est le passage du désir à l’acte. Le désir ne suffit pas, seul l’acte aboutit à un résultat tangible. C’est la mise en œuvre d’une énergie qui est en nous, une énergie libre, indépendante, intelligente, une force intérieure qui se développe par l’exercice et le travail. Le but de l’éducateur est de cultiver cette volonté chez les enfants, de la développer, mais surtout pas de la briser. Car en étant trop dur, on risque le découragement. Quant à la pureté, elle est la disposition d’âme requise pour pouvoir s’approcher du sacré, du mystère divin. « Bienheureux les cœurs purs, car ils verront Dieu » (Mt 5, 8). Elle est d’abord pureté du cœur. Mais l’homme étant composé d’un esprit (âme) et d’un corps, elle nécessite aussi la pureté du corps (cf. 1 Co 6, 19-20). Nous aurons ainsi à cœur de donner aux enfants, dès les premières années, ce souci de leur pureté. Mais pour conserver ce précieux trésor, il y a une condition : mettre Dieu en premier dans notre vie ! Des enfants morts jeunes sont ainsi parvenus à la sainteté : Anne de Guigné, Dominique Savio, Louis de Gonzague… et tant d’autres ! Il y a aussi des martyrs de la pureté : Maria Goretti, les martyrs de l’Ouganda… Cela étant, ces trois points, liberté, volonté, pureté, ont leur importance, mais ils ne sont pas le tout de l’éducation morale. Il y a aussi la formation de la conscience, la pratique des commandements, le sens du péché, l’obéissance, le sens de l’effort, et le pardon, le respect… J’ai développé chacun de ces thèmes dans mon livre Éduquer pour le bonheur. Au final, quel est le but de l’éducation ? Il est de conduire nos enfants à Dieu : Il nous a créés à son image et ressemblance, par amour, Il attend de nous que nous L’aimions en retour. Notre vie sur terre nous est donnée pour nous préparer à la vie du Ciel. But essentiel, à ne pas manquer ! L’éducation consiste à guider nos enfants dans cette perspective, en donnant à Dieu la première place dans leur vie, en faisant sa volonté : pratiquer le bien, éviter le mal – lutter contre les défauts. C’est la seule voie du vrai bonheur. Notre rôle de parents ou d’éducateurs est de leur montrer le bon chemin – l’exemple – et d’écarter d’eux les obstacles qui les en éloigneraient. Quels obstacles ? Depuis le péché originel, nous naissons privés de la grâce divine, incapables par nous-mêmes de faire le bien. Ce n’est qu’en recevant la vie divine par le baptême, en entrant dans la famille des enfants de Dieu, que cela devient possible. Car Satan, l’esprit du mal, notre ennemi, cherche toujours à nous détourner de Dieu et à nous faire tomber dans le péché, par des tentations, ses pièges : le plaisir des sens, l’argent, l’orgueil, l’esprit du monde. Ainsi la vie est un combat : « Je ne fais pas le bien que je veux, mais le mal que je ne veux pas, je le fais » (Rm 7, 19). Toute notre vie, nous aurons à lutter. Pour cela, faisons appel à la force divine : la prière et les sacrements. Cela suppose de marcher à contre-courant ? C’est une constante depuis les temps apostoliques ! Le combat séculaire de l’Adversaire contre Dieu continue…Saint Augustin disait que « deux amours ont fait deux cités : l’amour de soi jusqu’au mépris de Dieu, ou l’amour de Dieu jusqu’au mépris de soi ». « Vous serez saints pour Moi, car Je suis Saint, Moi, Yawheh, et Je vous ai séparés des autres peuples pour que vous soyez à Moi » (Lv 20, 26). La notion de sainteté implique une mise à part qui demande de renoncer au mal sous toutes ses formes, et de se garder pour Dieu. Le seul fait d’être chrétien implique d’aller à contre-courant. « L’Église est le lieu où l’Évangile est annoncé en contradiction avec l’esprit du monde », dit une oraison. Entre l’esprit du Christ et celui du monde, il y a une incompatibilité totale. Il faut le savoir pour en accepter librement les contraintes et faire les bons choix, établir notre vie tout entière, personnelle et familiale, sous le regard de Dieu, dans l’unité et l’harmonie. Nous vivons dans un monde où les valeurs prônées publiquement sont celles de la consommation, du confort, du plaisir : nous sommes englués dans le matérialisme ambiant. Un monde complètement déboussolé et perverti ! Réalisons-nous assez le danger ? Plus encore pour nos enfants ? Ce matérialisme tend à étouffer en nous « l’homme intérieur » (Ep 3, 16). Vivre en chrétien n’est donc possible qu’avec le secours de la grâce de Dieu, par une vie de prière régulière, et l’aide des sacrements. Pour résister au courant ambiant, demandons avec confiance l’assistance de l’Esprit-Saint. Car c’est dans tous les domaines qu’il faut opposer une résistance : respect de la vie, programmes scolaires, lectures, films, vidéos, internet, modes, etc. La question est la suivante : ce courant de culture de mort peut-il rendre heureux ? N’est-il pas trop tôt pour inculquer aux enfants en bas âge le sens du sacrifice ? Depuis les plus anciens temps, le sacrifice est une offrande à Dieu. Mais depuis que Jésus a offert sa vie en mourant sur la croix pour nous sauver, nous réconcilier avec Dieu, seul ce sacrifice de Jésus est agréable à Dieu. C’est seulement en nous unissant au sacrifice de Jésus que nous pouvons plaire à Dieu. « Offrir votre personne et votre vie en sacrifice saint, capable de plaire à Dieu : c’est là, pour vous, l’adoration véritable » (Rm 12, 1). Le sacrifice fait partie intégrante de la vie chrétienne. Pourquoi alors craint-on d’en parler aux enfants ? L’itinéraire de la vie chrétienne est le même pour tous : baptisés, rachetés par la mort et le sang de Jésus, les enfants ont, tout autant que nous, à se configurer au Christ. Cette imitation de Jésus passe, pour les tout-petits comme pour nous, par la croix et par le sens du sacrifice. Laissons parler une catéchiste expérimentée : « Il est important de donner aux tout-petits le sens complet du sacrifice, de ne pas en diminuer la doctrine. Ne dites pas : « ils sont trop petits pour comprendre ». Les âmes pures ont une ouverture splendide, c’est près d’elles que l’on se rend compte de la richesse de l’organisme surnaturel mis en elles par le baptême, organisme qui leur permet d’accéder aux plus hautes vérités » (Cécile Damez, Comment faire jaillir la vie, Téqui). Dans l’histoire, des exemples montrent combien de jeunes enfants ont été généreux dans le sacrifice : à Fatima, les enfants avaient 9, 8 et 7 ans, Anne de Guigné est morte avant 11 ans, et tant d’autres… « De tout ce que vous pourrez, offrez à Dieu un sacrifice, en acte de réparation pour les péchés par lesquels il est offensé, et de supplication pour la conversion des pécheurs. (…) Surtout, acceptez et supportez les souffrances que le Seigneur vous enverra », conseillait l’Ange du Portugal, en 1916, aux trois enfants de Fatima. La formation au sacrifice, accompli par amour, débouche sur la joie, une joie surnaturelle qui est donnée par Dieu : « On a beaucoup de joies sur la terre, mais elles ne durent pas. La seule qui dure, c’est d’avoir fait un sacrifice », disait Anne de Guigné. Aimer, c’est faire plaisir à Dieu et aux autres. Et pour faire plaisir aux autres, il faut quelquefois accepter de se gêner pour eux. Renoncer généreusement à sa petite volonté pour faire plaisir aux autres, c’est le début de l’apprentissage du sacrifice, sans lequel il ne peut y avoir de vraie charité. On peut donc affirmer que sans une éducation au sacrifice, il n’y a pas de vraie formation chrétienne. Plus tôt on les y formera, moins cela leur sera difficile. Apprenons-leur à tout faire par amour, pour faire plaisir à Jésus, même ce qui leur est difficile. Enfin, rappelons aux parents que l’exemple est primordial en éducation. « C’est notre exemple qui portera le plus sûrement nos enfants vers Dieu. C’est chez le tout-petit que les habitudes se prennent. (…) Une âme en contact avec Dieu rayonne inévitablement. Croyons-le, n’oublions pas cette force que nous possédons : vivons notre foi ! », écrit encore Cécile Damez. À plus forte raison, notre exemple sera-t-il nécessaire pour la formation au sacrifice, cette offrande totale de soi-même à Dieu, pour faire sa volonté et Lui être agréable. L’enfant sentira l’esprit de sacrifice chez l’adulte, ce sera l’esprit de la maison : il s’en imprégnera comme par osmose, par rayonnement, comme pour la prière. La pratique du renoncement s’acquiert beaucoup plus aisément dans ce contexte. D’où l’importance des premières années : l’enfant capte le divin, dites-vous… C’est irremplaçable ? Tous les praticiens de l’éducation sont unanimes : à 6 ans, toutes les fondations de la personnalité sont établies. C’est dire l’importance des premières années, réellement irremplaçables, dans tous les domaines : religieux, moral, scolaire, etc. D’où la nécessité d’exploiter les capacités de l’enfant au bon moment, ce que Montessori appelle périodes sensibles, et que confirment aujourd’hui les neurosciences. Ce temps ne reviendra pas. Et ce qui n’est pas acquis pendant cette période sera beaucoup plus difficile à récupérer ensuite. Pour la formation spirituelle, il faut savoir qu’avant l’âge de raison, le Créateur a doté le tout jeune enfant d’un mode de connaissance intuitif qui lui permet d’aller directement au cœur des grandes vérités de la foi. Naturellement contemplatif, il vit de plain-pied dans l’Invisible, avec une facilité étonnante à percevoir le divin, le surnaturel. Il a le sens du mystère. Ne sous-estimons pas ces précieuses capacités spiri­tuelles de nos petits, exploitons-les au bon moment, dès les premières années. La foi qu’ils ont reçue à leur baptême demande à être nourrie : pour cela, nous avons le devoir de leur donner, dès cet âge, tout l’essentiel, le noyau de la foi, en le mettant à leur portée. À cet âge, de simples affirmations suffisent à nourrir leur foi… À condition qu’elles soient bien ancrées dans notre foi personnelle, notre propre certitude. Des explications embrouilleraient tout ! Ces grandes vérités ne sont pas au-dessus de la portée des tout-petits, soyons-en sûrs. Ayons FOI dans l’action de l’Esprit-Saint dans leur âme : c’est Lui qui ouvrira leur cœur aux fondements de la foi. S’ils sont nourris ainsi dès le plus jeune âge, ils en vivront vraiment, leur vie de foi sera, non pas plaquée et donc fragile, mais ancrée, intégrée au plus profond d’eux-mêmes pour la vie entière. Pourquoi la prière familiale est-elle première ? La première raison est de concrétiser dans la vie familiale la devise de Jeanne d’Arc, « Messire Dieu premier servi ». Ensuite, cette prière familiale peut et doit commencer très tôt dans la vie de l’enfant, porté dans les bras de ses parents… Nous choisirons de préférence les prières tirées de la Sainte Écriture, Parole vivante de Dieu, et celles de la liturgie qui sont la prière même de l’Église. 
—  Photo : © Marie-Line Burguière