Sur une crèche vendéenne - France Catholique

Sur une crèche vendéenne

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Je ne voudrais surtout pas mettre de l’huile sur le feu, à propos du jugement du tribunal de Nantes qui vient d’interdire la crèche de Noël exposée traditionnellement au Conseil général de Vendée. Nous n’avons nul besoin d »attiser les luttes civiles. Mais je ne suis pas sûr que les motifs allégués au nom de la laïcité pour proscrire une tradition si profondément enracinée dans notre culture, ne vont pas à l’encontre du but recherché, qui est tout de même la concorde nationale. Laquelle exige une certaine tolérance et un certain respect pour les symboles auxquels restent attachées nos contemporains.

Plusieurs années durant, le parvis de l’hôtel de ville de Paris a accueilli des collections de crèches du monde entier, sans que cela prête à controverses. Comment imaginer l’éradication de toutes les crèches provençales dans une région qui continue à cultiver l’artisanat des santons ? À force de rigorisme procédural, on en viendrait à une logique d’arasement qui donnerait à la laïcité un désagréable parfum idéologique.

J’ai appris d’Émile Poulat que notre laïcité publique, telle qu’elle avait été conçue par les législateurs de 1905, s’inspirait de la prudence plutôt que de l’idéologie. La prudence servant la paix publique, tandis que l’idéologie attise les passions et les ressentiments. Or c’est l’idéologie que je vois poindre, lorsque la Fédération de la libre pensée de Vendée professe qu’il n’y a pas de tradition culturelle qui vaille, seule ne valant que « la tradition laïque ouverte par la révolution de 1789 ». On ne saurait mieux attester du glissement de la laïcité principe de droit à la laïcité matrice idéologique à vocation totalisante.

L’indépendance de l’État étant sauve, je ne vois pas pourquoi on admettrait pas des consensus partiels à propos de pratiques locales. Si l’on n’y prend garde, le rigorisme iconoclaste n’aura plus de limites. Et on arasera partout les symboles religieux inscrits dans tous nos monuments. Cela s’est d’ailleurs produit lors de la révolution culturelle de l’an II, où l’on avait fermé tous les lieux de culte. On m’opposera le danger communautariste, mais je doute qu’il réside aujourd’hui dans la construction de crèches qui me semblent plutôt humaniser la grande foire commerciale des fêtes de fin d’année qu’attiser nos divisions !

Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 4 décembre 2014.