« Se préparer à la vie éternelle » - France Catholique
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L'Église dans l'attente
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« Se préparer à la vie éternelle »

Le débat sur l’euthanasie a repris de la vigueur en France à l’occasion de la campagne présidentielle. Il fait fond sur la conception que nous avons de la vieillesse. Thomas De Koninck, professeur émérite de philosophie au Québec, âgé de 87 ans, est spécialiste de la dignité humaine et des « questions ultimes ».
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Mort de saint Joseph, église Saint-Jean-Baptiste de Belleville à Paris.

Mort de saint Joseph, église Saint-Jean-Baptiste de Belleville à Paris.

© églises du confluent

La vieillesse peut-elle avoir du sens ?

Thomas De Koninck : Ce qui lui donne sens par excellence est qu’elle soit vécue comme l’époque privilégiée de l’existence où notre esprit – moins prisonnier du transitoire – est plus apte à prendre en compte nos vies dans leur ensemble, avant que la mort ne mette fin au temps qui nous aura été alloué sur terre, pour nous faire accéder à la pleine réalité de l’éternité. En effet, la vieillesse est la période de la vie où beaucoup de choses changent, alors qu’on pensait qu’elles ne changeraient pas : on perd des amis, les institutions, les mœurs changent, etc. En comprenant que tout est transitoire, on prend plus de recul sur notre vie.

C’est le temps le plus propice à la vie de l’esprit, pour préparer son éternité. Il n’y a rien de plus important à faire quand on est âgé que de se préparer à la mort, à la vie éternelle. La sagesse implique en effet une conscience accrue du réel. Or le réel n’est rien de moins que ce qui est toujours : l’éternité. La foi nous assure que le temps laissera finalement place à la seule éternité.

Les aînés ont-ils encore un rôle social à jouer ?

En effet, le grand âge est le moment où l’on peut faire profiter les plus jeunes des domaines considérables que seule une assez longue expérience du vécu peut révéler. J’ai personnellement la chance, à bientôt 88 ans, de demeurer en contact avec mes enfants et petits-enfants, mais aussi avec des étudiants. Leur questionnement direct, souvent profond, m’apporte toujours autant qu’au cours de mes 55 ans d’enseignement de la philosophie. Mais il me semble – j’insiste sur ce mot – que je peux leur apporter davantage maintenant qu’auparavant.

Ce dont je suis certain, c’est combien mes camarades de jeunesse et moi-même avons bénéficié des témoignages de vie et des enseignements de nos aînés. Sans cela, nos vies auraient été sévèrement amputées.

En quoi les jeunes ont-ils besoin des plus âgés ?

On a besoin de leur sagesse. Dans le contexte actuel avec ses familles défaites et reconstituées – plus de 50 % dans certains pays –, les grands-parents sont fréquemment appelés à assumer davantage de responsabilités auprès des jeunes. J’ai entendu nombre de témoignages de jeunes femmes ou de jeunes gens qui rapportent que leur foi leur est venue par la médiation de leurs grands-parents.

Quelle est la dignité de la fin de vie ?

« C’est donc quand je ne suis plus rien que je deviens vraiment un homme », déclare Œdipe, aveugle, en haillons, guidé par ses filles Antigone et Ismène, dans Œdipe à Colone (v. 393), la dernière œuvre de Sophocle (407-406 avant Jésus-Christ).

En d’autres termes, la vulnérabilité la plus extrême manifeste, mieux que tout, l’inaliénable dignité de l’être humain en tant que tel.

« Quelque chose lui est dû du seul fait qu’il est humain », notait avec justesse Paul Ricœur pour décrire la dignité humaine. La dignité de la personne ne peut jamais se perdre. Demeure toujours le for intérieur, où se joue la lumière de notre liberté la plus essentielle, que nul ne peut forcer. Par ailleurs, les personnes très vulnérables, en fin de vie notamment, nous rappellent notre propre vulnérabilité.

Retrouvez l’intégralité de l’entretien et du Grand Angle dans le magazine.