Saint Martin Luther King ? - France Catholique
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Van Eyck, l'art de la dévotion. Renouveau de la foi au XVe siècle
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Saint Martin Luther King ?

Traduit par Charlotte

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Quand j’étais un jeune homme (il y a très très longtemps), j’étais sensible à de nombreux arguments contre la foi en Dieu. Je ne suis pas devenu athée, mais je suis probablement devenu un genre d’agnostique – au moins dans ma tête, sinon dans mon cœur. Ce qui m’a ramené à la conviction intellectuelle que Dieu existe, c’est, plus que tout autre chose, l’exemple des saints (si je peux les appeler ainsi). Les personnes moralement les meilleures de l’histoire croyaient toutes en Dieu, semblait-il. Je ne pensais pas seulement à Jésus, mais à ceux qui ressemblaient à Socrate et à Marc Aurèle et à François d’Assise ; et dans les temps modernes, ceux qui ressemblent à Gandhi et à Martin Luther King.

Combien j’ai été choqué, alors, quand quelques années plus tard j’ai appris que MLK avait été beaucoup moins saint que je ne l’avais imaginé. C’était un adultère habituel. Maintenant je ne suis pas personnellement complètement choqué quand je rencontre des cas de manque de chasteté, bien que j’appartienne à une religion (le catholicisme) qui met en garde à juste titre contre les dangers du manque de chasteté. Je ne veux pas dire que j’approuve la fornication ou l’adultère ou l’homosexualité ; je ne les approuve pas. Mais dans la plupart des cas je ne renierais probablement pas un ami parce qu’il (ou elle) est coupable d’un ou de plusieurs de ces péchés.

Quand j’ai été informé (comme cela m’est souvent arrivé) qu’un ami était coupable de l’un d’entre eux, j’ai eu tendance à hausser les épaules. Je ne m’attends pas à ce que mes amis soient des saints. Je m’attends seulement à ce qu’ils soient des gens relativement décents. Je peux les admirer malgré leurs péchés sexuels.

Mais quand j’ai appris les péchés sexuels de MLK, je n’ai pas haussé les épaules et dit : « Bon, personne n’est parfait. » Car, dans son cas, je pensais que nous avions un exemple de perfection, un exemple de saint véritable. Un homme fondamentalement bon peut commettre l’adultère, mais pas un saint.

Mais maintenant que je ne pouvais plus penser à King comme à un saint, comment pouvais-je penser à lui ? D’abord, je pouvais toujours penser à lui comme à un grand homme. Car il était certainement cela.

En fait, c’était un homme beaucoup plus grand qu’on ne le croit habituellement. Il est généralement considéré comme un grand bienfaiteur des Noirs américains. Ce qu’il était certainement. Mais il était beaucoup plus que ça. Il était également le bienfaiteur des Blancs américains. Car c’est lui qui, plus que tout autre, noir ou blanc, a persuadé les Blancs américains que le racisme était mauvais et qu’il fallait avoir profondément honte de la longue histoire du racisme en Amérique.

Si Platon avait raison de dire que commettre une injustice est pire que de subir une injustice, King a été un plus grand bienfaiteur des Blancs que des Noirs. Car les Noirs avaient souffert de l’injustice, mais les Blancs avaient commis le pire, en infligeant l’injustice. En apprenant aux Blancs à abandonner leurs mauvaises actions, il leur conférait un plus grand bien qu’il n’avait donné aux Noirs en les libérant de leur statut de victimes. Lisez seulement sa Lettre de la prison de Birmingham.

La grandeur de MLK se voit aussi dans ses capacités de leader. Il était probablement le seul non-président qui appartenait à la même ligue de chefs que Washington, Lincoln et FDR (Franklin Delano Roosevelt).

Et c’était un homme d’un courage incroyable. S’il manquait à la vertu (plutôt plus féminine) de chasteté, il surabondait dans la vertu (plus masculine) de courage. Il savait qu’il pouvait être assassiné à tout moment, et il semble qu’il s’attendait à ce que sa vie soit interrompue par un assassinat. Le discours qu’il a prononcé à Memphis la veille de son assassinat est plein de cette anticipation. C’était comme s’il savait que cela allait arriver, et arriver bientôt. Et pourtant, il a continué d’avancer.

Il n’avait que 39 ans quand il a été assassiné. Lincoln et Jules César avaient la cinquantaine. Gandhi était un homme âgé. Quelle tragédie pour les Américains, et en particulier pour les Afro-Américains, que sa vie se soit arrêtée quand il en était à peine à mi-chemin. On se demande (du moins je me demande) quelle aurait été sa réaction devant l’effondrement, parmi les Afro-Américains de la famille biparentale mariée, un effondrement qui a empêché des millions et des millions de Noirs de récolter les fruits de la révolution des droits civiques que King a menée.

Je me demande comment Dieu fait sa comptabilité morale. L’excès d’une vertu (le courage, par exemple) annule-t-il la déficience de deux autres vertus (la chasteté et la fidélité maritale) ? Un grand homme peut-il être pardonné de péchés dont il ne s’est pas repenti ? Un homme peut-il inconsciemment se repentir de péchés sans s’abstenir de leur perprétration ? Comment Dieu pèse-t-Il la production du bien contre l’abstention du mal ?

Bien que MLK n’ait pas été un saint, et bien qu’il ait vraiment été un pécheur très sérieux, Je ne peux pas éviter le sentiment (je veux dire l’intuition) que nous devons le considérer comme un homme moralement supérieur aux nombreux hommes bons mais ordinaires qui réussissent à s’abstenir de l’adultère et des autres péchés graves. Je ne peux pas éviter le sentiment que, comme le roi David (un autre adultère), MLK était un des favoris de Dieu. En disant ceci, je ne veux pas minimiser la gravité de l’adultère (que ce soit celle de King ou celle du roi David ou celle de quelqu’un d’autre) et je ne veux pas non plus suggérer que Dieu est « indulgent » pour l’adultère.

Qu’est-ce que je veux dire, alors ? Eh bien, je n’en suis pas sûr – sinon suggérer que l’univers moral de Dieu n’est pas une chose simple.

Voilà quelques sujets de réflexion pour l’anniversaire de MLK.

(12 Janvier 2018)

Source : https://www.thecatholicthing.org/2018/01/12/saint-mlk/

Image : Trois King (le grand-père, le père et le fils) par Richard Avedon, 1963