Réponse à un Prix Nobel de médecine à propos du Pape - France Catholique
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Réponse à un Prix Nobel de médecine à propos du Pape

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Des contre-sens criants et un non respect de la laïcité

Quatre éminents esprits*, dont un Prix Nobel de Médecine, Madame Barré-Sinoussi, ont publié dans Le Monde du 25 mars 2009 une lettre ouverte au Pape qui est fondée sur plusieurs contresens criants.

http://www.lemonde.fr/

Au nom de quoi reprocherait-on au pape Jean-Paul II hier, au pape Benoît XVI aujourd’hui, de penser que l’éducation à la fidélité est fondamentale en matière de prévention d’une pandémie comme le Sida? Que la dignité humaine n’est vraiment préservée que dans l’éducation à la maîtrise des pulsions sexuelles (et à l’abstinence quand on est atteint du virus)? Que le préservatif n’est qu’une solution d’urgence, en aucun cas un remède social sur le long terme?

Si le Pape encourageait la distribution des préservatifs comme remède au Sida, il sortirait de son rôle qui est de rappeler les grandes exigences éthiques pour l’humanité. Qu’ensuite il soit nécessaire de protéger les individus contre eux-mêmes et de stopper matériellement la diffusion possible de la maladie, c’est une évidence pour ceux qui sont sur le terrain. Mais il s’agit uniquement d’une solution d’urgence qui ne traite pas sur le long terme la question de la multiplication des partenaires sexuels ni du risque plus que résiduel lié à l’encouragement aux relations sexuelles protégées. Edward C. Green, directeur du programme de recherches sur la prévention du Sida de l’Université de Harvard souligne à cet égard que la distribution de préservatifs crée de réels problèmes puisqu’elle incite les individus à la multiplication des rapports sexuels sous prétexte de « safe sex ».

Au-delà de « l’information sur la maladie, l’accès aux traitements et plus largement des mesures individuelles de réduction des risques », dont parlent les auteurs, il y a aussi des exigences éthiques fondamentales. L’homme et la femme ne sont pas seulement des machines sexuelles. C’est sur ce dernier plan que se situait Jean-Paul II et que se situe son successeur Benoît XVI. C’est leur rôle.

Ceux qui critiquent le Pape ne semblent pas voir qu’ils piétinent allègrement le principe de laïcité. Si l’Église respecte l’autonomie de l’activité humaine, elle est en droit d’attendre que l’on respecte sa liberté d’expression et son désir d’ouvrir l’homme à d’autres dimensions que la simple matérialité des rapports sociaux. Respectons la séparation de l’Église et de l’État jusqu’au bout en ne faisant pas comme si l’Église devait avoir une position « politique » sur les sujets de société. Elle ne peut avoir qu’une position éthique qui appelle les hommes à maîtriser leurs pulsions, les canaliser, les dépasser. Pour traiter des maux individuels et sociaux à long terme. Cela ne diminue en rien l’exigence du court terme. Mais aucun pape ne peut rentrer dans la logique du « moindre mal ».

Le plus choquant est le tour de passe-passe rhétorique consistant, de la part des signataires de la tribune dans Le Monde, à placer le Pape dans le même sac qu’un président ayant retardé l’introduction des traitements antirétroviraux dans son pays alors qu’au contraire Benoît XVI a demandé à plusieurs reprises que les coûts de ces traitements soient rendus accessibles aux ressortissants des pays d’Afrique et d’autres sociétés pauvres où le sida est répandu? Alors que comme son prédécesseur il s’indigne de ce que les pays riches fassent si peu pour mettre des médicaments très chers à la disposition des plus pauvres.

Pourquoi ne voit-on jamais que le débat sur le préservatif détourne de s’interroger par exemple sur le comportement de l’industrie pharmaceutique? Il est plus facile de s’attaquer au Pape (« combien de divisions? ») que d’affronter les intérêts qui régissent l’industrie du médicament.

Edouard HUSSON

Historien – Universitaire

http://www.edouardhusson.com/

Lettre ouverte à Madame Barre-Sinoussi
Lettre-ouverte

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*
– Bertrand Audoin, directeur exécutif de Sidaction ;
– Françoise Barré-Sinoussi, chercheuse en virologie à l’Institut Pasteur, lauréate du Prix Nobel de médecine 2008 ;
– Jean-François Delfraissy, directeur de l’Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales ;
– Yves Levy, président du conseil scientifique de Sidaction.