« Redonner vie aux églises » - France Catholique
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« Redonner vie aux églises »

Prier dans les églises de campagne pour maintenir la foi vivante et permettre la conservation du patrimoine religieux chrétien en France. C’est l’objectif de l’association créée il y a 5 ans par Philippe de La Mettrie. Entretien.

Les Priants des campagnes

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Groupe de prière des « Chapelles chantantes » du Morbihan.

Groupe de prière des « Chapelles chantantes » du Morbihan.

Quelle en est l’intuition de départ de l’association des Priants des campagnes ?

Philippe de La Mettrie : Je dirais qu’il s’agit moins d’une intuition que du cri d’un cœur heurté par la disparition ou par un changement de destination – par vente ou par destruction – des églises rurales. C’est en quelque sorte une réaction de survie pour conjurer notre impuissance face à cette non assistance à « personnes en danger » que constituent ces patrimoines cultuels et culturels qui jalonnent nos campagnes.
 
À quoi sert cette association?

Elle est au service de l’Église, des évêques, des pasteurs, de l’ensemble des fidèles qui sont attachés à leur église, en quelque lieu reculé que ce soit. N’oublions pas que pour le catholique d’un village, son église est sa cathédrale ! Elle s’adresse donc en  premier lieu aux clercs et aux fidèles  laïcs des campagnes, hélas peu nombreux et, par conséquent, ressentant le besoin de se soutenir, se regrouper dans une famille de priants. Mais notre association s’adresse aussi aux catholiques des villes, ceux qui ont le privilège de disposer d’un havre rural. Car nous sommes tous responsables de la conservation d’un patrimoine si riche et si porteur des valeurs d’une civilisation. C’est pourquoi son but, décrit dans les statuts, couvre tous les aspects des actions possibles : « Contribuer par tous moyens, humains, spirituels, politiques, juridiques, matériels et financiers à la sauvegarde de tous lieux de culte constitutifs du patrimoine cultuel et culturel de la France et de ses territoires, en particulier des églises et chapelles et ainsi leur conserver leur vocation de lieu de prière commune. »

Qui sont les Priants des campagnes?  

Des hommes et des femmes de toutes conditions qui croient en la puissance de la prière commune et fréquente dans leur lieu de prière. En effet il ne faut pas sous-estimer la tristesse, voire la souffrance spirituelle, de ces personnes qui autrefois entraient chaque semaine dans leur église  et la voient désormais fermée pendant des mois!                                                                                                                                                                                                                

Quelle est leur mission ?

Faire revenir, faire fleurir, faire lever la prière dans les lieux de culte où elle est absente, en s’appuyant essentiellement sur le rosaire. Ils forment ainsi une sorte de confrérie, sans autre règle que celle de prier dans nos églises rurales selon le principe souple : une semaine /une église/une prière ; ou une quinzaine/une église/une prière ; un mois/une église/une prière ; un trimestre /une église/une prière.                                                               

À quoi servent-ils?

En étant au service de l’Église, nous sommes au service de l’évangélisation. Nous sommes minoritaires ? Oui. Et alors ? Une minorité qui se manifeste visiblement par la prière est plus féconde qu’une majorité qui s’endort et se cache. Ensuite, nous servons la grande cause de la conservation de nos églises : en effet, il n’y a pas de respect de la loi de 1901 – donc pas d’actions concrètes des mairies pour l’entretien des églises – sans manifestations d’actes liturgiques, sans actions de prières annoncées, visibles, connues de tous. En se regroupant en association (loi 1901) de priants, nous pouvons peser sur les responsables d’Église et civils locaux pour la conservation des églises. En corollaire, en nous regroupant pour financer des travaux, nous témoignons de notre foi. Mais si nous ne prions pas dans nos églises de campagne, elles seront détruites…
 
Pourquoi vouloir sauver les églises de campagne, si elles ne servent plus pour le culte divin?  

L’église n’est pas le lieu de la seule célébration de la messe : « Ma maison est une maison de prière », dit Jésus. C’est justement parce que le culte divin n’y est plus célébré que cette fonction première de la prière doit être restaurée et reprise comme un merveilleux champ d’action et d’évangélisation par les laïcs.

À quoi servent ces églises de campagne?   

Paradoxalement, comme nous sommes incarnés, nous avons besoin du visible pour accéder à l’invisible, à la transcendance de Dieu. Le croyant a toujours eu besoin d’un lieu, y compris la simple nature créée par Lui, pour entrer en relation avec son Créateur. Ces églises de pierre (ou de bois) sont et doivent rester des lieux où se déploient, outre la prière, le silence, la paix , la méditation, la rencontre fraternelle entre le visiteur parfois incroyant et le chrétien qui n’imposent rien mais qui témoigne. Pourquoi les priants ne pourraient-ils pas redonner vie à leurs églises par des conférences, films, expositions, verre de l’amitié, ouverts à tous, au moment où les services public désertent le monde rural ? Enfin, ces églises jouent le rôle de mémoire, mémoire du génie des constructeurs, mémoire de nos racines chrétiennes…

Quel est l’enjeu profond de ce patrimoine religieux chrétien dans la France d’aujourd’hui ?

L’enjeu n’est pas de conserver des pierres qui tiennent ensemble : c’est de conserver des lieux de prière chrétiens ! C’est donc un enjeu spirituel avant tout et donc également culturel puisque le culturel est toujours l’enfant du spirituel (même le non-croyant est un spirituel). Voulons-nous qu’il n’existe plus dans cent ans dans nos campagnes ni églises, ni croix, ni calvaires, ni cimetières avec des croix sur les pierres tombales ?

Mais l’enjeu encore plus profond est celui de la mission. Avons-nous le courage de la mener dans tous nos territoires, d’être les témoins de la Vérité révélée, de la Lumière reçue ? C’est la devise que nous avons choisie : « Une église où l’on prie est une lumière qui brille dans les ténèbres du monde. »
 
Vous dites sur votre site : « Point n’est besoin de clercs pour rouvrir nos églises ; le laïc y entre de plein droit. » Finalement est-ce un embryon de réponse à la pénurie de prêtres dans les campagnes que vous proposez, en responsabilisant les laïcs quant à la transmission de la foi autour d’eux, sans tout attendre des clercs ?

Sans prétendre trouver la solution à cette pénurie, nous sommes convaincus que notre association peut y contribuer, mais c’est à l’Église à le dire. Cette question de l’apostolat des laïcs, actualisée par le concile Vatican II, n’est pas étrangère à notre initiative : de tous temps, par le baptême, nous sommes Prêtres, Prophète et Rois, donc acteurs de la mission et de la transmission de la foi ! Il nous parait que cette cause des Priants des campagnes est vraiment de la responsabilité des laïcs. Les pasteurs doivent encourager la formation de groupes de priants, les susciter, leur faire confiance car leur réticence peut décourager les bonnes volontés. Sans doute faut-il, dans la continuité de Vatican II, élargir le champ d’action des laïcs, « rendre au clerc ce que est au clerc, et au laïc ce qui est au laïc », retrouver l’esprit des conseils de fabrique établis en 1802 par le Concordat afin que le pasteur, tout en ayant pouvoir de décision, délègue et prenne avis de laïcs.

Ce patrimoine est-il en réel danger aujourd’hui ?  

Je le crois et je ne suis pas le seul, parce que notre pays est non seulement en voie de déchristianisation, mais aussi habité par des personnes qui n’ont jamais été chrétiennes, qui ne connaissent pas le Christ, certes dans nos immenses cités urbaines, mais aussi dans les campagnes. Nous sommes désormais dans un pays de double mission : rechristianiser et évangéliser (ou christianiser).

Vous dites: « Je rêve de voir nos églises de campagne devenir les multiples chapelles dispersées d’un monastère immense, sans clôture , celui des hommes et des femmes de toutes conditions qui y prieront quelques minutes par jour ou par semaine. Cette démarche de foi d’un petit nombre, véritable levain dans la pâte… » Finalement, au-delà d’une préservation du patrimoine, est-ce en effet à une véritable rechristianisation de la France des campagnes (donc du cœur de la France) que vous appelez ?

Oui, c’est par la prière commune, visible mais non ostentatoire, que nous voulons contribuer à faire revenir, ou à annoncer la lumière de l’Évangile dans nos campagnes. Mais il ne faut pas se méprendre : l’évangélisation n’est pas « au-delà de la préservation ». Le primat, c’est la prière fréquente dans l’église et, au-delà, par surcroît, nous convaincrons croyants et non croyants de la préserver car elle est notre bien commun. La prière est première, la pierre est seconde mais en dépend.

Concrètement, que fait votre association?  

Nous n’avons pas inventé les groupes de prières dans les campagnes ! Mais nous avons informé et sensibilisé par lettre les évêques afin qu’ils se développent. Nous avons des bénévoles dans quelques diocèses qui sont les référents de notre association. Nous souhaitons bien sûr avoir dans chaque diocèse un référent local. Ces référents parlent, quand cela est possible, sur la station RCF locale pour susciter des groupes de priants et des adhésions. Au plan financier, nous aidons des associations de sauvegarde de leur église par des dons modestes
 
Vous citez sur votre site Mgr Legrez, évêque d’Albi, qui a dit : « Il faut favoriser le maintien des églises car on ne connaît pas l’avenir » : se battre pour conserver nos églises, est-ce un acte de foi et d’espérance en l’avenir d’un renouveau catholique pour notre pays?

Indubitablement c’est un acte de foi et d’espérance en un renouveau catholique. Au moins d’un arrêt de la perte de la foi, d’une conversion des esprits sinon des cœurs ou d’un retour à un questionnement de ceux qui doutent de ce message de l’Évangile. Certains peuvent ajouter que c’est espérer contre toute espérance. Mais l’espérance étant une vertu, elle est contagieuse.