Quelle est la responsabilité des élus dans l’essor du populisme ? - France Catholique
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Quelle est la responsabilité des élus dans l’essor du populisme ?

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Auprès des représentants de journaux européens, François Hollande s’est alarmé d’une plausible élection de Marine Le Pen à la présidence de la République. Un « mini-sommet européen » réuni à Versailles le 6 mars dernier avait été prétexte à cette interview. Sans surprise, le chef de l’État a qualifié de « menace » ladite probabilité. Plus surprenant, le fait que le président Hollande n’ait pas envisagé de s’imputer une part de responsabilité dans l’exaspération qui, depuis ces quatre dernières années, et de scrutin en scrutin, fait le lit du Front national. Au lieu de l’explication attendue, il n’a livré qu’un constat d’huissier : « L’extrême droite n’a jamais été aussi haute depuis plus de trente ans. » Et il ne se demande pas pourquoi c’est sous son règne que le méchant populisme est à son plus haut niveau.

C’est dans ce contexte, et autour d’une question – «  Quelle est la responsabilité des élus dans l’essor du populisme ?  » – que j’ai reçu le 28 mars dernier un acteur et un observateur de la vie publique : René Dosière, député socialiste de l’Aisne, et Roland Cayrol, politilogue, qui dirigea l’institut de sondage CSA jusqu’en 2008. Le premier est un ancien de la JEC, et rocardien historique. Vingt ans dans l’enseignement, puis vingt ans en qualité d’élu, maire de Laon (un mandat), puis député. Discipliné mais pur de tout carriérisme, il aurait pu succomber aux manœuvres des loups du PS qui l’avaient privé de l’investiture mais, ayant conservé l’estime de la population locale, Dosière a été aisément reconduit en 2007 et 2012. Il ne se représentera pas en 2017. Sa notoriété nationale remonte à l’enquête sur la gestion du budget de la présidence de la République dont, après cinq ans d’enquête, il a livré le résultat dans L’argent caché de l’Élysée, paru en 2007. Son nouveau livre, Argent, morale, politique (Seuil), témoigne de la même scrupuleuse minutie. Il y détaille l’affectation des 2,5 milliards d’euros du budget annuel de la vie publique : dépenses des candidats (législatives, municipales, présidentielle), les indemnités des élus, les dépenses des partis politiques et leurs recettes, répartition du financement public incluse.

Si davantage d’élus étaient aussi déterminés à faire afficher les comptes publics, à les rendre lisibles, à en examiner la justification, sans complaisance ni démagogie, ils contribueraient à ruiner le slogan : Tous pourris ! « Les responsables politiques ont la charge de conduire l’évolution de la société, dit René Dosière, de l’expliquer, de lui montrer le chemin, d’expliquer les politiques suivies, pourquoi ça marche, pourquoi ça ne marche pas. Et puis d’avoir un comportement qui soit exemplaire… Il ne faut pas oublier que, en 2002, Jean-Marie Le Pen était au second tour, et que ça a été un choc. Depuis, on n’a pas le sentiment que le comportement des partis politiques, des responsables politiques, se soit modifié considérablement. »

D’où le sentiment persistant que les politiques n’apprennent jamais rien, que l’éviction systématique des sortants à tour de rôle ne les a pas poussés à quelque auto-examen. Roland Cayrol, qui vient de publier Les raisons de la colère (Grasset) acquiesce : «  C’est pourquoi la colère des Français devient envahissante. Les Français ont le sentiment qu’ils se sont adaptés progressivement à l’offre politique. Après tout, depuis le début de la Ve, ils ont voté à gauche avec les communistes, à gauche sans les communistes, à droite, pour la cohabitation, contre la cohabitation. Ils ont « marché » sur toutes les formules dont on leur a dit qu’elles allaient les sortir du chômage. Ils ont été pour les nationalisations, pour les privatisations, pour le ni l’un ni l’autre parce que ça devait nous sortir du chômage.  »

Nous n’en sommes pas sortis. La France est la seule démocratie pluraliste qui sort les sortants depuis 1978. Que c’est aux responsables politiques d’indiquer la politique suivie, ainsi que le rappelait René Dosière, ce n’est pas une lapalissade ! Roland Cayrol en témoigne. à l’Élysée, un jour de 2013, il suggère au président Hollande de « raconter » aux Français le nouveau cap de sa politique (d’une politique de la demande à une politique de l’offre). Sans s’être douté de l’objection que lui fera le chef de l’État : « Nommer ma politique ? Cela, je ne le ferai pas. Nommer les choses, c’est risquer de les figer. » Nommer, c’est s’engager comptant. Qu’il soit aventureux de faire des promesses, soit. Mais justifier de ne pas « nommer » sa politique, comme s’il s’agissait là d’un secret Défense, c’est la meilleure façon de prendre de haut ses égaux et de stimuler le populisme. ■

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