Peut-on se défaire aisément des églises ? - France Catholique

Peut-on se défaire aisément des églises ?

Traduit par Pierre.

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« Resserrez, Réutilisez, Recyclez » tel est le slogan pour nous inciter, pauvres humains modernes à utiliser mieux et gaspiller moins. Il nous pousse à réutiliser autant que possible, même avant de recycler. Un bon recyclage est évidemment une moindre charge sur notre mère la terre. Mais les bâtiments religieux — églises — abandonnés par les fidèles ou privés de clergé pour les desservir ou devenus trop coûteux pour les diocèses devraient-ils subir le même sort que les déchets de plastique ou de verre ?

Bien que le nombre exact d’églises dé-consacrées ou réaffectées ne soit pas disponible, de nombreux bâtiments religieux en Europe et aux États-Unis ont été « réaffectés » en :musées, locaux d’archives, restaurants, cafés, hôtels, résidences de luxe — la liste est sans fin.

Un exemple : l’église Santa Felicità, proche de la cathédrale de Vérone, l’une des plus anciennes églises de Vérone, consacrée en 1207, a été dé-consacrée et transformée en un restaurant « haut de gamme » sous le nom « Ristorante Santa Felicità ».

L’église Sainte-Marie à Dublin, construite au début du XVIIIe siècle et fermée en 1964 fut abandonnée quelques années avant d’être achetée et transformée en restaurant–bar en 1997. Le premier prix 2006 a été attribué à sa transformation par la Commune de Dublin dans la catégorie « Bâtiments Anciens ». Ce restaurant est sous l’enseigne « Restaurant-Bar de l’Église ».

La section « Guide » de « The Telegraph » (Londres) signale qu’au cœur historique d’Assise on peut apprécier le « Relais, Spa, Musée des Nonnes d’Assise ». Ce couvent typique aménagé en hôtel de luxe propose un séjour de détente dans le centre historique d’Assise. Une restauration heureusement menée a non seulement transformé la structure du XIIIe siècle en un havre de quiétude, mais a également mis au jour les ruines d’un amphithéâtre romain — désormais site d’un accueillant « musée-spa ».

Peut-on réaffecter ou transformer des édifices religieux sans les profaner ?
En novembre dernier, S.S. François a adressé un message aux participants d’une conférence intitulée : « Dieu habite-t-Il encore ici ? Lieux de culte et de gestion de l’héritage culturel ecclésial désaffectés. » organisée à l’Université Pontificale Grégorienne de Rome.

S.S. François mettait en garde afin qu’aucune décision ne soit prise « sans une sérieuse réflexion menée avec la communauté chrétienne et un dialogue avec les autorités laïques », et que « la désaffectation ne soit pas la seule, unique solution envisagée, ni ne soit effectuée en choquant les fidèles. »

Le Code du Droit canon (Can. 1222-2) est clair au sujet de l’usage convenable des bâtiments religieux. Même s’ils doivent être réaffectés, leur destination essentielle doit être le bien des âmes et le bien des fidèles qui au cours des siècles ont contribué à l’édification des églises. « Là où des motifs sérieux incitent à retirer le culte divin d’une église, l’évêque du diocèse, après avoir pris l’avis du Conseil presbytéral, peut la déclasser pour un usage profane mais non sordide, avec l’accord de ceux qui, légitimement proclament leurs droits sur l’église élevée pour le bien des âmes. »

Mais demeure une question : la vente et la transformation des églises sont-elles la seule méthode pour sortir de la crise actuelle du catholicisme ? La Chrétienté baisse-t-elle les bras ? L’expression « Pauvre église » par S.S. François signifie-t-elle — à terme — plus d’église du tout ? Et si la Chrétienté se réveille, pourquoi vendre des églises ?

Une église, c’est un bâtiment et des gens, des pierres et des humains, une mémoire immortalisée. Les églises sont des copropriétés, édifiées par une communauté chrétienne. Saint Augustin (d’Hippone), dans son Sermon 336, commente l’édification et la dédication de la maison de Dieu chez nous. St. Augustin déclare que nous sommes personnellement la maison de Dieu : « C’est notre maison de prière, mais nous aussi sommes une maison pour Dieu. So édification avance dans le temps, elle sera dédiée à la fin des temps. »

L’édifice de l’église, par sa présence, proclame l’Évangile, et s’il n’existe plus en son emplacement historique — places, centres de petites villes, dans la mémoire des gens — comment cette Église pourrait-elle évangéliser ou recevoir l’adhésion des fidèles ? L’Église s’appauvrit — et ce n’est pas un bon destin.

« Les deux piécettes, valant un quart d’As » [Mc, 12:41] offertes par la pauvre veuve ne sont pas convenablement employées ; en fait, il y a abus si on se précipite pour réaffecter et vendre églises et monastères. On ne peut détruire ce que des générations de fidèles ont bâti au cours des siècles.

D’autre part, l’Église dispose de nombreuses autres propriétés vendables. Pourquoi ne pas vendre en priorité des résidences, maisons de bord de mer et appartements luxueux — tous récemment identifiés publiquement ? La vente d’églises est une échappatoire trop simple. On se débarrasse à bon compte ; on déserte, ne gardant que l’hôpital de campagne pour ne soigner que les blessés et les pauvres.

Au lieu de quoi l’Église du Christ devrait évangéliser et trouver pourquoi les églises sont désertées. Comment pourra-t-on transmettre la foi jusqu’à la Nième génération — la génération succédant aux millénaires, l’ultime et réduite génération chrétienne — quand la Chrétienté commence à se défaire de ses églises historiques et de la mémoire collective de la foi ?

Le lessivage de la mémoire religieuse n’aidera guère à l’évangélisation. Détruire la mémoire, c’est détruire ceux qui l’ont bâtie, et, dans le catholicisme, c’est détruire la foi et des générations de fidèles. Les églises furent bâties au cœur des cités, comment peut-on leur arracher le cœur ?

Et les morts inhumés dans les cryptes des églises et des monastères ? Seraient-ils inclus dans la vente ? Ce sont les anciens, les ancêtres de la Chrétienté, ils votent avec leurs ossements. Chesterton écrivait dans « Orthodoxy » : « La tradition refuse la soumission à la petite oligarchie de ceux qui se contentent de marcher alentour. » Un bon conseil à l’Église.

La tradition repose sur les églises, bâties avec du mortier par des mortels ; elles ne sont pas à vendre. Il faut les conserver, les préserver, et les transmettre aux générations suivantes. C’est le moins qu’on puisse faire en l’honneur de notre foi, de nos ancêtres, et de l’avenir.

13 décembre 2018

Source : https://www.thecatholicthing.org/2018/12/13/are-churches-easily-dispensable/

Photo : le restaurant Sainte Félicité à Vérone.