« Perdre espoir pour gagner l’espérance » - France Catholique

« Perdre espoir pour gagner l’espérance »

Avec L’Église peut-elle disparaître ? (Mame), Didier Rance, ancien directeur de l’AED, livre une profonde méditation sur dix « morts et résurrections » dans l’histoire de l’Église, appuyée sur son expérience des martyrs.
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L’ennemi semant l’ivraie, 1540, Heinrich Füllmaurer, retable de Montbéliard, musée d’Histoire de l’art de Vienne.

L’ennemi semant l’ivraie, 1540, Heinrich Füllmaurer, retable de Montbéliard, musée d’Histoire de l’art de Vienne.

Votre livre se veut-il résolument anti-décliniste ? Didier Rance : C’est un livre d’historien, prudent vis-à-vis des grands mots comme progressisme et déclinisme, deux visages d’une même prétention à savoir où va l’histoire. Mais c’est aussi un livre de croyant, pour qui l’espérance, infusée en nous par Dieu lui-même, est notre meilleure boussole. Cela remet aussi en cause une vision linéaire de l’histoire : il peut y avoir des périodes de réel déclin. Y sommes-nous ? C’est précisément cette vision que je viens de dénoncer. Par contre, il y a effectivement des périodes d’essor et des périodes de déclin dans l’Église, dues à des assauts ou défis extérieurs ou internes – ce livre parle bien sûr des deux. Aujourd’hui, le déclin en Occident est une réalité, mais non moins l’essor de l’Église en Corée du Sud – plus 50 % de fidèles en 20 ans alors que la population n’a crû que de 10 % – et le christianisme est aujourd’hui la première religion dans ce pays encore qualifié de bouddhiste. Les défis sont immenses aujourd’hui. Comment ne pas perdre espoir ? Mais il faut perdre l’espoir pour gagner l’espérance qui vient de Dieu ! Voyez le constat bien sombre du premier chapitre de la dernière encyclique du pape François, Fratelli tutti : ce serait une leçon de désespoir s’il n’y avait la conclusion sur l’espérance, une « réalité qui est enracinée au plus profond de l’être humain », explique-t-il, car « Dieu continue de répandre des semences de bien dans l’humanité ». Autre signe : ce livre montre comment l’Église a su se réinventer pendant deux millénaires pour demeurer fidèle à sa vocation. Le parallèle avec la crise arienne du IVe siècle, avec des catholiques divisés à l’intérieur même de l’Église, vous semble-t-il pertinent ? C’est plus qu’un parallèle, c’est bien pire : aujourd’hui ce n’est pas seulement la divinité du Christ qui est niée, comme dans la crise arienne, mais c’est toute notre foi, avec cette « espèce d’apostasie immanente », dont parle Maritain, qui voudrait évacuer le surnaturel. Mais je rappelle aussi que lors des deux précédentes crises ariennes – IVe siècle partout et XVIe siècle en Pologne et ailleurs –, l’arianisme croissait et semblait irrésistible et que, dans les deux cas, il a soudain fait « pschitt » en un rien de temps. Retrouvez l’intégralité de l’entretien dans le magazine.
—  eglise_disparaitre.jpgL’Église peut-elle disparaître ? Petite histoire de l’Église à la lumière de la Résurrection, Didier Rance, Mame, 2021, 256 pages, 17 €.