Péguy et la laïcité « à la française » - France Catholique
Edit Template
L'amour du travail bien fait avec saint Joseph artisan
Edit Template

Péguy et la laïcité « à la française »

Réforme des collèges

Copier le lien

Les vifs débats autour des programmes d’enseignement dans les collèges relance, une fois de plus, la question de la laïcité, qui est au cœur des débats internes à la société française depuis plus d’un siècle.

Péguy a écrit en 1913, quelques mois avant sa mort sur le front, un petit livre intitulé L’Argent, d’une brûlante actualité.

Il s’y oppose avec une extrême vigueur au changement d’état d’esprit introduit dans notre système éducatif à partir de la victoire du parti radical de 1903.

Dans la conclusion de son réquisitoire, Péguy adresse à ses chers instituteurs un ultime message, qui n’a rien perdu de son actualité : 

« …m’adressant aux instituteurs eux-mêmes, et non plus leurs programmateurs qu’ils subissent… je leur dis  :

Pourquoi voulez-vous exercer un gouvernement des esprit ? Et comme tous les autres, pourquoi voulez-vous exercer un gouvernement temporel des esprits ? Pourquoi voulez-vous avoir une politique, et l’imposer ? Pourquoi voulez-vous avoir une métaphysique, et l’imposer ? Pourquoi voulez-vous avoir un système quelconque, et l’imposer ?

Vous êtes faits pour apprendre à lire, à écrire et à compter. Ce n’est pas seulement très utile. Ce n’est pas seulement très honorable. C’est la base de tout ».

(Péguy, L’Argent, p.98) ;

Notre système éducatif, dans son ensemble, est solidement ancré dans la logique de la laïcité négative : la « métaphysique du progrès » est enseignée au service de sa trinité utilitariste moderne : croissance, productivité, compétitivité…. Où est la finalité d’une société qui a une si minable métaphysique ? Réduite à cet état de pauvreté dans l’ordre de la finalité, comment pourra subsister une société livrée à la frénésie de moyens techniques prodigieusement puissants, pour le meilleur et pour le pire ?

Il est pourtant bien vrai que la société française reste profondément imprégnée par son héritage culturel. Les Français ne reconnaîtraient plus leur pays si les dizaines de milliers de clochers qui parsèment tous ses paysages venaient à disparaitre. Notre système de protection sociale, lui aussi, en témoigne, de même que l’intense développement actuel d’un bénévolat multiforme.

Mais les bien–pensants de la culture dominante nient la source chrétienne de l’éthique dont la France est imprégnée. Leur faveur va plutôt vers les philosophes des Lumières et vers leurs successeurs positivistes qui se sont efforcés de disqualifier le christianisme.

Il s’agit d’un véritable négationisme culturel ravageur, conséquence philosophique d’une proclamation dogmatique : la toute puissance de la raison de l’homme exclut toute référence à un niveau de réalité supérieur et à toute forme de spiritualité. L’aveu historique de ce négationnisme culturel a été le refus français de faire référence aux racines chrétiennes de l’Europe dans le préambule de sa Constitution.

Faire passer l’inconscient collectif de la société française de son ancrage dans la laïcité négative à la laïcité positive serait un immense progrès culturel. Ce passage consiste simplement à ne plus considérer l’adhésion à une religion comme une faiblesse d’esprit, une incongruité passéiste, voire une maladie honteuse. La reconnaissance pleine et entière du fait religieux doit remplacer la coexistence crispée et condescendante de l’Etat.

Le combat contre le fondamentalisme islamiste est une nécessité évidente, mais il ne suffira pas pour assécher la source de la violence. Il faut y ajouter le dialogue inter – religieux, remède pacifique à opposer à la barbarie du califat. Bien comprise, la laïcité positive fortifierait et encouragerait ce dialogue, dans le respect mutuel des religions et de l’Etat laïc.


André Girard vient de publier D’un chanoine à l’autre.

http://www.edilivre.com/communaute/2015/02/10/rencontre-avec-andre-girard-auteur-de-dun-chanoine-a-lautre/#.VVYC_1XtlBc