Patriotisme et Quatrième Commandement - France Catholique

Patriotisme et Quatrième Commandement

Patriotisme et Quatrième Commandement

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Rainy Day, Fifth Avenue par Childe Hassam, 1916

Rainy Day, Fifth Avenue par Childe Hassam, 1916

[Princeton University Art Museum, Princeton, NJ]

Le 4e commandement, « tu honoreras ton père et ta mère afin de vivre longuement dans le pays que le Seigneur te donne », n’est pas seulement un appel à la piété filiale; c’est, aussi bien, un appel au patriotisme.

On pourrait soutenir que la régulation de nos vies commence avec l’amour de Dieu pour chacun de nous, sauf qu’il n’y a rien dans les Dix commandements sur le respect dû à nous-mêmes. Dieu sait que la plupart d’entre nous n’ont pas besoin d’instruction en cette matière, ce qui explique que les Commandements nous orientent vers l’extérieur de nous-mêmes: la famille, et “le pays”, le sol sur lequel nous sommes mais aussi les gens qui sont avec nous, dans le voisinage, les villes, les états, les nations, et le monde

Cela se voit clairement dans Luc 10:25-37. Un légiste a demandé à Jésus comment il peut avoir en partage la vie éternelle. Connaissant la profession du personnage, le Seigneur lui répond par ses propres questions : « Qu’est-il écrit dans la Loi ? Qu’y lis-tu ? » Comme le légiste a dû être content ! Le prêcheur galiléen est tombé dans mon piège ! Le légiste, sournoisement, cite la propre réponse du Christ (Mc 12: 28-34), qu’il peut bien avoir entendue de Jésus à un autre moment dans un autre endroit, ou l’avoir entendue rapportée par quelqu’un d’autre. Le sournois récite le Shema Israël (Dt 6 : 4-5), le commandement d’aimer Dieu totalement, ajoutant, comme Jésus l’avait fait plus tôt, la phrase du Lévitique (Lv 19:18) sur l’amour du prochain.

Jésus le félicite. Mais le légiste – « pour se justifier », dit Luc – demande (souriant, peut-être) : « Et qui est mon prochain ? »

Vient alors la parabole du Bon Samaritain. Nous pourrions utiliser ces jours-ci cette bonté pleine d’amour du Samaritain, comme tout le monde sur les media sociaux en prend conscience.

L’importance de la civilité peut certainement être déduite du 4e commandement, mais je pense que le patriotisme et l’esprit civique s’y trouvent aussi. Considérons ce que saint Thomas d’Aquin écrit :

« L’homme est redevable d’abord à ses parents et à son pays, après Dieu. Et comme il appartient à la religion de vénérer Dieu, ainsi il appartient à la piété, en second lieu, de vénérer ses parents et son pays « (ST IIa IIae, Q,101, a.1).

Nous avons aussi les instructions du Catéchisme:

2199 Le 4e commandement est adressé expressément aux enfants dans leur relation avec leurs père et mère, parce que cette relation est la plus universelle.Cela concerne de la même façon les liens de parenté entre les membres de la famille élargie. Cela requiert respect, affection et gratitude envers les plus âgés et les ancêtres. Finalement, cela s’étend aux devoirs des élèves à l’égard de leurs maîtres, des employés à l’égard de leurs employeurs, des subordonnés à l’égard de leurs chefs, des citoyens à l’égard de leur pays, et de ceux qui l’administrent ou le gouvernent

Civilité, civilisation, civique, civil : chacun de ces mots a sa racine dans le latin civis : citoyen. Le terme plus important de tous, civilisation – qui est là pour exprimer les raffinements d’une société, raffinements collectifs et qui engagent– signifie, essentiellement, la vie dans la « cité », la supposition venant des anciens temps que c’était dans la cité qu’on trouvait les idées, les institutions et les individus les meilleurs et les plus développés. Cela vient d’une époque où « nation « signifiait beaucoup plus que « peuple », comme dans la nation d’Israël, une unité ethno-religieuse. C’était à son peuple qu’on devait allégeance et un “peuple” (particulièrement un peuple élu) était une extension des relations familiales, avec ses intrications de sang et de familiarité. Avec le temps, une nation unifiée comme les États Unis peut être « une cité sur une colline », c’est-à-dire que la civilisation n’est plus seulement une expérience des grandes places métropolitaines.

Athènes et Rome ont aidé à transformer le « peuple » en « nation » et ont donné à l’Ouest sa conception gréco-romaine d’identité qui a été plus tard unie à Jérusalem dans la tradition judéo-chrétienne. Cela mérite le respect et même l’amour.

Mais pour aimer, il faut connaître. Pour aimer l’Amérique, nous devons la connaître.

Tout cela pour déplorer le manque d’amour à l’égard de l’histoire glorieuse et extraordinaire de notre nation et du monde. Dans la mesure où l’histoire est enseignée, c’est souvent comme une litanie de reproches contre ces ancêtres prétendument enténébrés qui avaient l’impudence de ne pas avoir été aussi vertueux et éclairés que nous. L’éducation en histoire aujourd’hui est souvent fragmentée en une sorte de factionalisme qui inquiétait Alexander Hamilton et James Madison, et qu’ils expriment dans Federalist n°s 9 et 10.

Hamilton (on le connaît davantage, ne serait-ce que grâce aux billets de 10 dollars ou à la musique de Lin-Manuel Miranda) exprimait son inquiétude qu’« une infinité de petites communautés, jalouses, conflictuelles » pût émerger à moins que nous adoptions (comme Gouverneur Morris l’écrivait dans le Préambule de la Constitution) « une union plus parfaite ». Et Madison montrait le danger que pouvait présenter « un nombre de citoyens… unis et mus par une impulsion commune de passion ou d’intérêt hostile aux droits des autres citoyens, ou aux intérêts permanents et collectifs de la communauté ».

Madison et Hamilton étaient imprégnés non seulement de l’histoire de leur jeune nation et de la Grande Bretagne mais aussi de l’expérience, plus large, de l’Europe et de l’histoire littéraire des civilisations gréco-romaines d’où beaucoup de leurs meilleures idées ont jailli. Tout cela était inspire par une âme judéo-chrétienne.

Ne pas connaître cela – être ignorant de notre histoire – rend impossible d’aimer l’Amérique.

Certes, connaître l’histoire, c’est être rebuté par certaines choses : guerre, esclavage, racisme, anti-sémitisme. Dieu sait, tout cela s’y trouve. Mais cela n’apporte rien, d’ignorer l’histoire. Selon l’American Council of Trustees and Alumni (ACTA), sur 1132 collèges examinés, seuls 205 ont des exigences en matière d’histoire de l’Amérique. Cela fait 18%.

Et il n’est pas surprenant que tant de jeunes gens soient épris de socialisme, étant donné que seuls 3% des collèges exigent un cours, même unique, d’économie.

Les ACTA ont sponsorisé récemment un bel essai sur la connaissance historique. Il vaut la peine de le lire et de le faire circuler parmi ceux qui en ont besoin, apparemment les moins de 30 ans pour la plupart.

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À propos de l’auteur

Brad Miner est rédacteur en chef de The Catholic Thing, professeur associé au Faith & Reason Institute, et secrétaire général de l’Aide à l’Église en détresse USA. Il a été rédacteur de la National Review. Son dernier livre, Sons of St. Patrick, en collaboration avec J. Marlin, est maintenant en vente. Son The Compleat Gentleman est disponible en audio.