PRESENTATION DE L’EVE DE CHARLES PEGUY, AU DEFI D’UNE LECTURE A L’INTEGRALE - France Catholique
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PRESENTATION DE L’EVE DE CHARLES PEGUY, AU DEFI D’UNE LECTURE A L’INTEGRALE

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C’était au cours de l’année 1913. En six mois, au retour d’une marche à Notre-Dame de Chartres, Charles Péguy écrit avec fougue, ferveur et foi un long poème sur la Création qu’il publiera en décembre dans les Cahiers de la Quinzaine.

«Jésus parle Ô Mère ensevelie hors du premier jardin » …Tel fut le vers initiatique, ouvrant le quatrain initial. …»

Vous n’avez plus connu ce climat de la grâce

Et la vasque et la source et la haute terrasse,

Et le premier soleil sur le premier matin »

L’œuvre parut aux abonnés et à nombre d’amis extravagante. Elle l’était sans doute par sa lougueur inusitée, 1911 quatrains, 7644 vers d’une seule coulée, mais aussi par son mode d’expression poétique : des alexandrins de facture classique, soigneusement rimés et rythmés, et solidement arrimés comme pour une traversée au long cours. Grande fut la déconvenue de Péguy devant un accueil pour le moins réservé. Avide de reconnaissance, il publie en janvier 1914 un commentaire passionné et révélateur sur son Eve signé Durel, le pseudonyme utilisé par son ami Joseph Lotte. Au final, il s’en remet aux temps à venir pour le justifier de ce qui lui tient tant à cœur.

Aussi bien, à cent ans de là,l’on admettra que ces temps sont advenus. C’est maintenant que nous sommes appelés à présenter publiquement, c’est-à-dire à voix haute, sur la place publique et pour un public aussi large que souhaité, ce poême immense et ultime jugé sublime par nombre d’entre nous à la suite d’Albert Béguin, de Jean Onimus ou de Madeleine Daniélou. On aurait tort de distinguer plusieurs Péguy. Avec Eve, il se révèle au terme de sa courte vie tel qu’il est véritablement et tel qu’on ne devrait plus l’ignorer. Pour lui, c’est un Ave, un aveu et une aventure. C’est un Ave, une salutation, une prière qui traverse le temps et s’étend de l’Eve primordiale à la nouvelle Eve, Notre Dame rarement nommée,mais toujours veillant et bien veillante. C’est un hommage rendu à la femme, matrice de l’humanité sur tout son parcours. Eve, c’est un aveu, l’aveu par Péguy de sa foi toute neuve, murie à la spiritualité des grands Mystères, une foi qu’il a confessée à Joseph Lotte en 1908, qu’il ne retient plus et qui éclate, exigeante, jubilatoire, déferlante. Enfin Eve, c’est une aventure, celle de toute l’histoire des hommes et du monde, celle que nous sommes appelés à vivre, de la nuit des temps à la fin des temps. Eve, c’est notre vie en propre. Alors pour notre temps, précisément, que vaut l’Eve de Péguy ? Et ce qu’elle vaut, comment le faire valoir ?

En raison de l’étrangeté de l’œuvre et de sa complexité, il a paru nécessaire de l’aborder en trois étapes, conduites différemment mais s’appuyant mutuellement. Trois phases dont la première, le 14 juin dernier , fut introductive et préparatoire , la seconde les 14 et 21 mars 2015 sera celle de la lecture intégrale en continu, en somme incantatoire et la troisième, dans la foulée, le 25 mars aurait un caractère conclusif et propitiatoire.

A) Première étape, le 14 juin 2014, cinq heures durant à l’Espace Georges Bernanos, introduite par une triple présentation,celle de Pauline Bruley sur la place d’Eve dans l’œuvre globale, celle du sénateur Jean-Pierre Sueur, en expert affirmé , sur sa poétique et celle du pasteur Michel Leplay sur sa réception, notamment dans les milieux protestants. Ensuite, la lecture s’est développée en continu mais à partir de quatrains significatifs, en suivant l’ordre des climats conceptualisés par Péguy et identifiés par Albert Béguin. De l’Eden primitif à la Communion des Saints idéalisée par la mort parallèle de Geneviève et de Jeanne, tout en parcourant la Chute, la résurrection des corps, la nativité, l’héritage antique, le rejet du monde moderne, avec au cœur l’Incarnation, gage du Salut. Des moments de grâce, souvent bouleversants, aux dires des auditeurs attestant ainsi qu’une grande œuvre grandit encore à son écoute.

Avec le concours d’excellents récitants qu’il faut remercier chaleureusement pour leur intelligence et leur talent : Françoise Thuriès,Robert Marcy, Jean-Luc Solal, Isabelle Raviolo, Romain Cucuel, ainsi que François Claudel et Dominique Chevallier.

Les versets avaient été choisis et furent présentés par Marie-Thérèse Abgrall, de la Communauté Saint-François-Xavier pour le climat du rangement, par Jean de Chauveron, le discret poète du »Don du secret » pour la résurrection des corps, par Pauline Bruley pour les climats centraux de la nativité et de l’Incarnation et, au final, par le philosophe Damien Le Guay, auteur des « Héritiers Péguy » et prédisposé à faire valoir les notions d’héritage et de modernité.

B) La seconde étape aura lieu les 14 et 21 mars 2015, de 14 h. à 19h à l’Espace Bernanos, c’est la partie la plus hardie, celle de la lecture entière des 1911 versets, d’un seul tenant comme l’avait écrit Péguy, sans pause, ni jointures, ni commentaires, sans coupures autre que le couperet qui tombera au 955ème verset pour séparer les deux demi-journées imposées par la longueur du texte. La coupure intervient opportunément au cœur du climat de la Nativité, car l’Incarnation est au centre du poème. Nous serons à l’entière merci des récitants, comédiens de grand talent et de bonne volonté.Ils se succéderont de préférence debout derrière l’ambon. La diversité des voix et les particularités de leurs timbres donneront du relief à une œuvre d’essence vocale. Un tel événement assez exceptionnel devrait rassembler au-delà des péguystes avérés. Nous voulons les accueillir sans réserve, ni réservation, sans obligation autre que d’être là suffisamment longtemps, une heure au moins pour s’impliquer dans l’écoute jusqu’à en ressentir l’empreinte à l’intime.

C) La troisième étape interviendra dans la foulée le mercredi 25 mars à 18h30. Un temps de partage et de justification, la parole étant enfin donnée aux intervenants, aux comédiens et à tous les participants aux journées précédentes pour dire en sincérité ce qu’ils ont ressenti à propos de l’œuvre, son souffle, ses rythmes, mais aussi pressenti à ses accents prophétiques. Cette dernière rencontre, à caractère propitiatoire, appellerait à nous confronter avec les intentions de Péguy dans le « Durel » et par delà l’auteur, à saisir des prolongements qu’il n’aurait pas imaginés, même en évoquant « Toutes les forces de la Création, toutes les ressources de la nature et de la grâce rapportées en récolte aux pieds de Dieu »