PMA : Ce que pense vraiment l'Église - France Catholique

PMA : Ce que pense vraiment l’Église

PMA : Ce que pense vraiment l’Église

Ce n’est pas uniquement sur la « PMA étendue aux couples de femmes » que l’Église interpelle les fidèles, mais sur la PMA en tant que telle. Même si sa voix s’est parfois montrée (trop) discrète…
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Paul VI (1897-1978), a été un des premiers à alerter sur les dangers de la technique reproductive. Il a été canonisé par le pape François.

Paul VI (1897-1978), a été un des premiers à alerter sur les dangers de la technique reproductive. Il a été canonisé par le pape François.

«Sur la PMA, on est bien embêté. » Le prêtre qui se confie ainsi, en ce jour ensoleillé de septembre, est habitué à la prise de parole en chaire, sur les réseaux sociaux et parfois sur les plateaux télé. « Que peut-on dire sur le projet de loi actuel ? La vérité, c’est que l’Église est opposée à la PMA depuis ses origines, mais que nous n’avons jamais vraiment eu le courage de le dire. » D’où un sentiment de malaise. Ne réagir que maintenant, à l’heure où les femmes homosexuelles vont peut-être y avoir accès, risque à nouveau de réduire l’enseignement de l’Église à une charge contre ces personnes. Faut-il dès lors choisir de se taire et laisser les laïcs en première ligne ? Ou bien faut-il rebondir sur l’actualité parlementaire pour redire avec précision la position ecclésiale en la matière ?

« Humanae vitae », le socle

Comme pour bien des questions liées à la sexualité et à la procréation, l’encyclique prophétique Humanae vitae (1968), s’impose comme socle de toute réflexion. Dans ce texte si contesté, y compris au sein de la hiérarchie ecclésiastique, Paul VI – canonisé en 2018 par le pape François – avait proposé une réflexion sur la limitation artificielle des naissances. Mais ses présupposés éclairent de la même lumière les pratiques technologiques visant à favoriser les naissances, comme l’insémination artificielle sans ou avec donneur, ou la fécondation in vitro (FIV), qui se développeront à partir des années 70.

Rappelant « le lien indissoluble, que Dieu a voulu et que l’homme ne peut rompre de son initiative, entre les deux significations de l’acte conjugal : union et procréation », Paul VI rappelait que « par sa structure intime, l’acte conjugal, en même temps qu’il unit profondément les époux, les rend aptes à la génération de nouvelles vies, selon des lois inscrites dans l’être même de l’homme et de la femme. C’est en sauvegardant ces deux aspects essentiels, union et procréation que l’acte conjugal conserve intégralement le sens de mutuel et véritable amour et son ordination à la très haute vocation de l’homme à la paternité ». Autrement dit : pas de relation sexuelle sans ouverture à la procréation, et pas de procréation sans relation sexuelle.

Écologie intégrale

Optimiste dans son texte, Paul VI pensait « que les hommes de (son) temps sont particulièrement en mesure de comprendre le caractère profondément raisonnable et humain de ce principe fondamental ». Plus de cinquante ans après sa publication, il semble pourtant que cette encyclique demeure souvent incomprise. Situation qui pourrait évoluer à observer la dimension prémonitoire d’Humanae vitae. En rappelant que « l’homme n’a pas sur son corps en général un pouvoir illimité », qu’il doit respecter « les rythmes naturels de la fécondité » et qu’il ne doit pas « empêcher le déroulement des processus naturels », le Pape défendait déjà les principes de l’« écologie intégrale », à la mode désormais, comme la défiance croissante à l’encontre de la pilule en est une traduction parfois inconsciente.

Une vision haute de la dignité de la personne

Il n’en reste pas moins que ce discours n’est pas facile à entendre, à commencer par les couples confrontés à l’infertilité qu’une PMA pourrait combler de prime abord. À rebours des caricatures, la Congrégation pour la doctrine de la foi rappelait explicitement dans l’instruction Donum vitae (1987) que « ces méthodes ne sont pas à rejeter parce qu’artificielles (…). Mais elles sont à évaluer moralement par référence à la dignité de la personne humaine, appelée à réaliser la vocation divine au don de l’amour et au don de la vie ».

Autrement dit, les considérations restrictives de l’Église se fondent aussi sur le principe du respect dû à toute vie, à commencer par celle des embryons surnuméraires promis à la destruction dans le cadre des FIV, ou sur le rejet de la dérive eugéniste que porte intrinsèquement la sélection embryonnaire préimplantatoire.

La procréation devient « production »

Les approches exigeantes d’Humanae vitae, de Donum vitae et plus récemment encore de l’instruction de la Congrégation pour la doctrine de la foi Dignitas personae (2008), sont sous-tendues par une vision qui porte haut la personne humaine. « À la lumière des débats actuels, nous réalisons à quel point le lieu de la procréation et de la filiation est le lieu de la gratuité par excellence », analyse le père Brice de Malherbe, co-directeur du département éthique biomédicale au pôle de recherche du Collège des Bernardins. « Si on sépare la procréation de l’acte charnel et qu’on la confie à des laboratoires, on quitte la gratuité et l’amour et on passe de la procréation à la production. On entre alors dans la logique de la recherche et du développement, elle-même soumise à la loi de l’offre et de la demande. »

En condamnant la disparition actée du père dans l’ouverture de la PMA aux femmes seules ou en couple, ou en déplorant le coup porté sur le régime séculaire de la filiation, l’église soulève des arguments solides. Mais qui gagneraient à être reliés à leur soubassement théologique et anthropologique. Le débat qui va s’intensifier au cours des prochaines semaines sera l’occasion de renouer avec ces fondamentaux.