Ouverture de la PMA : quelle opposition politique ? - France Catholique
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Ouverture de la PMA : quelle opposition politique ?

Ouverture de la PMA : quelle opposition politique ?

Quelles seront les figures politiques qui incarneront l’opposition à l’ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules ? Trois mois avant l’examen du projet de loi bioéthique au Parlement, on peine encore à distinguer celles et ceux qui refusent clairement cette nouvelle évolution sociétale.
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L'entrée de l'Assemblée nationale pavoisée aux couleurs LGBT à l'occasion de la "Marche des Fiertés" du 30 juin 2018 (Crédit : compte Twitter de F. de Rugy).

Jean Leonetti, président par intérim des Républicains depuis le retrait de Laurent Wauquiez, a été clair jeudi matin sur Europe 1. Son opposition à l’extension de la procréation médicalement assistée (PMA) se fonde sur plusieurs convictions : il ne serait « pas sain de faire naître des enfants sans père », il faut éviter que « la pénurie de gamètes n’entraîne leur marchandisation » et cette mesure, enfin, aurait un « effet domino » débouchant sur les mères porteuses.

La prise de position claire du maire d’Antibes, père de la loi sur la fin de vie, tranche avec la forme d’atonie qui semble prévaloir actuellement dans les rangs LR, encore groggys après a contre-performance des élections européennes que beaucoup imputent aux positions dites conservatrices de leur chef de file, François-Xavier Bellamy. Une semaine après le discours du Premier ministre Edouard Philippe, annonçant pour septembre prochain l’examen au Parlement du projet de loi bioéthique et son volet sur l’ouverture de la PMA, les responsables LR sont encore difficilement audibles.

Avant le scrutin européen, pourtant, les plus en vue d’entre eux n’avaient pas hésité à faire savoir à la majorité qu’ils seraient les fers de lance du combat contre la « PMA pour toutes ». En novembre, dans une tribune publiée par Le Figaro, Laurent Wauquiez, Christian Jacob, Jean Leonetti, Bruno Retailleau et Franck Proust avaient tenu un discours dépourvu de toute ambiguïté : « Dans la logique égalitariste à l’œuvre, ce nouveau droit constitue une étape vers les mères porteuses et la marchandisation du corps de la femme (…). Nous avons collectivement pour tâche de redécouvrir le sens des limites en forgeant une écologie de l’enracinement, soucieuse de l’être humain. », écrivaient-ils. Mais ça, c’était avant le 26 mai 2019 et les 8,48% des voix réunies par la liste LR…

Calendrier stratégique

Le discours de Jean Leonetti fait presque figure d’exception, même s’il faut se garder de préjuger les prises de position à venir de parlemantaires LR, comme Annie Genevard ou Valérie Boyer, qui ont déjà affiché leur vive défiance à l’encontre du projet. Seul Guillaume Peltier, qui pourtant n’avait pas hésité à appeler à rompre « avec le conservatisme sociétal, le rigorisme moral (et) la rigueur budgétaire » au lendemain de la défaite, a affiché publiquement une ligne tranchée depuis le discours d’Edouard Philippe. Interrogé le 18 juin sur BFMTV, celui dont on dit qu’il pourrait briguer la présidence des Républicains a d’ores et déjà affirmé qu’il ne voterait pas le projet de loi. « Chaque enfant a le droit à un père et une mère, ou au moins à l’idée d’un père et d’une mère » a-t-il assené au micro de Jean-Jacques Bourdin.

Mais le point de vue du député du Loir-et-Cher est-il représentatif de celui de son groupe ? Pas sûr, selon Philippe Gosselin, figure de proue de l’opposition au « mariage pour tous » en 2012-2013, désormais un peu esseulé depuis le retrait d’Hervé Mariton de la vie politique et la défaite de Jean-Frédéric Poisson aux élections législatives de 2017. En effet, selon le député de la Manche, « dans le groupe (parlementaire – NDLR), 10 % à 12 % d’entre nous ne sont pas opposés à la PMA ». Sans doute n’est-ce donc pas un hasard si le gouvernement a choisi ce calendrier pour pousser le projet de loi : il sait l’opposition fragilisée et divisée, et l’arrivée des vacances estivales défavorable à une mobilisation massive. En effet, ce n’est qu’au cours des trois premières semaines de septembre qu’une opposition efficace pourra se mobiliser. Autant dire que le défi est d’une grande complexité pour les adversaires de l’ouverture de la PMA.

KO, les élus LR sont pourtant les seuls à pouvoir faire obstacle avec efficacité aux vues gouvernementales dans les enceintes parlementaires. Du côté du Rassemblement National, la position est claire. On « ne peut pas dire à un enfant « tu es né de deux femmes » ou « tu es né de deux hommes » (…) Tout ce qui contribue à dissimuler cette vérité biologique utile pour la construction psychologique de l’enfant, je suis contre » a affirmé sa présidente, Marine Le Pen, interviewée sur BFMTV le 19 juin. Mais arrivé en tête des élections européennes avec près de 5,3 millions des voix, le RN ne pèse presque d’aucun poids à l’Assemblée Nationale et au Sénat, ce qui limite considérablement la portée de la voix de sa présidente sur la question de la PMA, non prioritaire dans son programme politique.

Dissonances à LREM

Paradoxalement, c’est peut-être des rangs de La République en Marche que pourraient surgir des oppositions inattendues. Agnès Thill est une des figures les plus en vue, mais sa convocation le 25 juin devant les instances disciplinaires du mouvement macroniste pourrait la réduire au silence au Palais Bourbon en cas d’exclusion. Mais la députée de l’Oise ne serait pas la seule chez les « marcheurs » à envisager avec réserve l’extension de la PMA.

Jean-François Mbaye, député LREM du Val d’Oise, préconise ainsi l’adjonction d’une clause de conscience dans le projet pour ne pas imposer aux médecins réticents de pratiquer des PMA non fondées sur des raisons médicales. D’autres inquiétudes se seraient manifestées concernant par exemple le risque de fonder des foyers monoparentaux avec les risques de précarité que cela suppose. Mais, pointe Le Monde, « il y a quelques mois, ceux qui exprimaient leurs doutes le faisaient publiquement. Ils requièrent aujourd’hui l’anonymat ».

Malgré les appels de la majorité à bâtir une « loi d’apaisement » (Agnès Buzyn), au refus d’un « débat clivant » (Edouard Philippe), au respect de la « liberté de vote » et au rejet de toute « police de pensée » (Stanislas Guerini), il semble difficile d’imaginer que le pays puisse échapper à de nouvelles divisions, comme le souligne Gérard Leclerc dans son éditorial du 20 juin.