Liban : renaître de ses cendres - France Catholique
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Liban : renaître de ses cendres

La terrible explosion sur le port de Beyrouth n'a fait qu'exacerber de profondes tensions au Liban, qui fait face à un «extrême danger » selon le Pape.
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Les explosions du 4 août dernier, que chacun garde en mémoire, ont détruit Beyrouth, son port et ses quartiers Est, précisément les quartiers chrétiens de Gemayzeh et Achrafieh, véritable cœur battant de la ville, sorte de Quartier latin de la capitale.

Une catastrophe nationale : trois évêchés détériorés, dix hôpitaux chrétiens gravement touchés dont cinq détruits, 100 écoles chrétiennes sinistrées, 50 églises endommagées, trois paroisses maronites détruites, 200 000 maisons et appartements anéantis, 300 000 personnes sans-abri, 3 000 sociétés et restaurants touchés et qui ont déposé le bilan…

Il aura fallu 6 000 ans pour que Beyrouth soit détruite sept fois, et 40 ans pour qu’elle le soit deux fois de plus.

Consoler mon peuple

Les évêques et mes confrères prêtres accomplissent actuellement un travail extraordinaire : ils visitent les familles sinistrées pour fortifier leur foi en réveillant l’espérance que Beyrouth se relèvera. Mais un scénario du pire reste à craindre, qui est celui de voir les fidèles émigrer définitivement en vendant tous leurs biens. Or les maisons des chrétiens de Gemayzeh et d’Achrafieh sont particulièrement convoitées, car elles figurent parmi les plus anciennes de Beyrouth.

En ce moment même, nous voyons les oligarques immobiliers, surtout ceux appartenant à d’autres communautés, profiter de la misère des personnes sinistrées et leur proposer l’achat de leurs biens, bien sûr pour une bouchée de pain…

Le président Macron, seul président au monde venu réconforter mon peuple, a transmis un message du peuple français au peuple libanais : « Paris dit à Beyrouth que son cœur bat avec elle et la France tout entière chante aujourd’hui « Bhebbak ya Loubnan » » – Liban ! je t’aime, un refrain célèbre de la Diva de l’Orient, Fayrouz.

Jours de colère

Si les médias nationaux et internationaux ont montré des Libanais unis après le désastre, ils ont aussi montré leur demande du respect de la Constitution, laquelle est fondée, depuis sa création il y a cent ans, sur la liberté, le dialogue, le respect de l’homme et la justice sociale.

Aujourd’hui, ce n’est plus le courage du peuple libanais mais sa colère qui m’interpelle : un seul mot d’ordre dans la rue : « Déraciner les forces négatives qui (nous) ont nui. »

Cette colère est exacerbée par l’obstination des responsables à continuer à occuper leurs sièges et à en profiter de la même manière criminelle et corrompue que ces cinquante dernières années. Le peuple hurle inlassablement ses mêmes slogans depuis des mois : « Le temps est venu pour que vous dégagiez », et aussi : « Hezbollah tu es impliqué dans la destruction de Beyrouth ».

L’imam chiite opposant, Sobhi al-Toufaili, est encore plus explicite : « Que le monde comprenne ! Le Hezbollah et les chefs qui l’appuient n’ont aucune place dans la République libanaise de demain. S’ils résistent contre leur peuple, tôt ou tard, ils seront écrasés et anéantis. »

L’espérance qui renaît

Le combat semble long et douloureux pour vaincre un Hezbollah chiite scindé en deux ailes : l’une politique, représentée au Parlement, l’autre militaire, très puissante. Il est aussi soutenu par ses mentors extérieurs – les mollahs d’Iran – et servi par ses collaborateurs intérieurs – parmi les dirigeants politiques corrompus.

Au vu de la complexité de cette situation nationale et régionale, et compte tenu du principe de non-ingérence, la France et les autres puissances amies du Liban sont actuellement incapables d’offrir une solution efficace. Mais les Libanais espèrent toujours : cette énième « occupation interne » du pays, cet état dans l’État, sera vaincue un jour.

Après tout, l’histoire entière du Liban n’est-elle pas qu’une succession d’occupations et de libérations, celle de l’hégémonie sumérienne pour commencer, et celles des armées israélienne et syrienne pour la période récente ?

Une oasis de liberté

Si pour le Patriarche maronite, le cardinal Bechara Raï, en communion avec Rome, il y a urgence à sauver le Liban, dernière oasis de liberté et de dialogue en Orient, ce salut ne peut être réalisé que si la communauté internationale adopte, comme pour le cas de la Suisse, le principe de la neutralité « militante » du Liban. C’est-à-dire l’absence d’ingérence d’un autre État – la Syrie par exemple – dans ses affaires intérieures, ainsi que le refus d’entrer dans des alliances ou des conflits régionaux ou internationaux. Pour notre Patriarche, notre petit pays ne peut vivre son message que s’il est protégé des influences extérieures.

Les Libanais veulent croire qu’ils sont dans une phase de transition. Pour cela, les multiples groupes de réflexion s’intensifient avec l’ambition de réaliser une relecture de l’histoire récente du pays ; de trouver un pacte national capable de générer une paix durable ; et de déterminer les articles constitutionnels qui doivent évoluer.

Le message d’un pays

Le pape Jean-Paul II a consacré ma patrie en affirmant que le Liban est plus qu’un pays, c’est un message de liberté et de dialogue. Contrairement au Liban de ces politiciens qui créent sans cesse la zizanie entre les citoyens des différentes communautés, au point que le vocable libanisation est devenu synonyme de morcellement et de mésentente, il est un autre Liban dont on ne parle pas assez.

C’est celui que le terrain révèle, celui d’un peuple qui adhère à la fraternité humaine malgré ses meurtrissures et ses différences. Car c’est la conviction de la majorité des citoyens libanais que nous ne pouvons rendre gloire à Dieu que par l’amour que nous portons à notre prochain dans le respect de l’expérience religieuse de chacun.

Aujourd’hui, le peuple libanais vit sa Passion, à l’image du Fils de Dieu, dans l’assurance que les forces maléfiques qui veulent compromettre ses raisons d’être seront vaincues et que cette Terre sainte foulée par le Christ, finira par refleurir un jour. Car la force des Libanais est précisément leur foi en cette Terre créée pour demeurer et triompher : les Grecs ne l’ont-ils pas appelée « Phénicie », de Phénix, cet oiseau de feu qui ne meurt jamais et qui renaît toujours de ses cendres ?