Lhassa, Pékin et Taipeh - France Catholique
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Lhassa, Pékin et Taipeh

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par Jean-Gabriel Delacour (agence ACIP)

Tout se passe du côté de Pékin comme si on avait voulu crever l’abcès tibétain bien avant le déroulement des Jeux olympiques. En effet, alors que ceux-ci sont prévus dans cinq mois, des manifestations ont opportunément éclaté au Tibet et dans d’autres régions où vivent des Tibétains, ce qui permet aux autorités chinoises de faire efficacement le ménage et de reprendre en main cette « région autonome ». Une fois de plus sont mis en cause le dalaï-lama et sa « clique », tandis que sont pourchassés sans ménagement — et, pour certains d’entre eux, abattus — des bonzes et autres contestataires apparemment bien attendus.

De cette manière, les autorités chinoises espèrent avoir obligé les éventuels trublions, non seulement au Tibet mais dans tout le pays, à se découvrir suffisamment tôt pour être éliminés avant le mois d’août et pour que les retombées internationales se dissolvent dans les longues semaines qui restent avant l’ouverture des Jo. Mieux vaut pour elles d’avoir à interrompre la diffusion de la cérémonie de la flamme à Olympie en raison de l’action de quelques journalistes que d’être confrontées au dernier moment à une action imprévue. D’ici là, les sensibilités devraient s’être émoussées et l’efficacité du dispositif policier devrait, sur le moment, permettre de contrecarrer tout mouvement imprévu. Car il s’avère extrêmement important, dans la grande tradition asiatique, de ne pas merdre la face lors de cette rencontre internationale qui devrait assurer le rayonnement mondial de la République populaire.

Il ne faut pas non plus oublier que le président Hu Jintao a lui-même dirigé le Tibet et que son actuel successeur à Lhassa, Zhang Qingli, est à tout le moins un homme à poigne et qu’il figure parmi ses fidèles. Le jeu des relations humaines étant certainement aussi important que celui des connivences idéologiques, économiques et sociales censées régenter le pays, cet aspect ne peut être négligé : ils sont nombreux, sans doute, à jouer leur avenir sur la maîtrise de la question tibétaine. D’où une politique à deux niveaux : quelques bonnes paroles aux Occidentaux — le Premier ministre Gordon Brown vient d’en faire les frais, auquel on a fait croire à une possible rencontre entre le président chinois et le dalaï-lama — mais, sur le terrain, une reprise en main sans aucune concession, doublée d’un véritable nettoyage.

Accessoirement se pose le problème récurrent de Taiwan. L’« île rebelle » vient de connaître plusieurs élections, qui se sont soldées par la défaite des indépendantistes du président Chen Shui-bian, bête noire de Pékin depuis huit ans qu’il se trouvait au pouvoir. N’avait-il en effet pas eu l’idée incongrue de proposer que son pays abandonne toute idée de réunification avec le continent et se considère comme totalement indépendant ? Aussi ses adversaires du Kuomintang — qui dirigèrent l’île en tant que parti unique durant quarante ans en justifiant leur action par la menace communiste — se sont-ils rapprochés de leurs vieux ennemis de Pékin, où ils ont même été officiellement reçus. Voilà pourquoi leur victoire du 22 mars a été accueillie avec plus que du soulagement à Pékin : les risques de tension s’éloignent opportunément.

En fait, les Taiwanais reprochaient surtout à l’équipe sortante de freiner le rapprochement économique avec un régime dont la place est devenue primordiale dans leur propre développement. Ce qui n’empêche pas — rien n’est jamais simple là-bas — le nouveau chef de l’État de s’affirmer farouchement anticommuniste et de soutenir les manifestants tibétains, bien que, pour tout Chinois normalement constitué, le Tibet fasse partie de l’Empire du Milieu.