Les protestants sauvent l’Église catholique - France Catholique
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Les protestants sauvent l’Église catholique

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Les relations entre protestants et catholiques ont été instables, c’est le moins qu’on puisse dire, tout au long de l’histoire Américaine. Mais dans les dernières décennies, il y a eu de bonnes raisons pour une collaboration amicale. Les croyants reconnaissent le laïcisme athée comme leur ennemi commun. L’hostilité envers la religion s’est accélérée. Avec le confinement dû au Covid 19, les autorités civiques dans de nombreuses localités ont ciblé les églises pour qu’elles soient fermées, mais pas, par exemple, les magasins d’alcool. Où est la réaction des chefs catholiques ?

Avec l’évêque Peter Baldacchino de Las Cruces, le Nouveau Mexique est peut-être la seule exception. Les catholiques doivent maintenant une dette de gratitude à leurs frères protestants, qui avec courage, mènent le combat pour redonner à la pratique religieuse son statut d’ « essentiel ».

Les catholiques ont déjà une dette envers les pères fondateurs protestants (pour la plupart) qui nous ont donné la constitution et la déclaration des droits de l’homme (bien que la constitution soit également fondée sur la Magna Carta de l’Angleterre catholique.)

C’est de là que vient le fait que le premier amendement nivelle le terrain de jeu religieux sur la place publique : « Le Congrès ne fera aucune loi qui établisse une religion d’État ou interdise le libre exercice d’une religion ; ou limite la liberté de parole ou de la presse ; ou le droit de rassemblement pacifique, ou d’adresser une pétition au gouvernement pour redresser des maux. »

Les américains, indépendamment de leurs croyances, partagent le terrain commun de la liberté religieuse.

Mais les différences entre les religions, et les structures institutionnelles sont instructives. Au 19° siècle, Alexis de Tocqueville fit un commentaire sur les relations entre protestants et catholiques dans son livre La démocratie en Amérique. Il observa que, vus de l’extérieur, les protestants (peut-être à tort) considéraient l’Église catholique comme le point culminant de la foi chrétienne. Mais vue de l’intérieur, l’Église apparait très faible en fait :

Actuellement, plus que n’importe quand dans le passé, les catholiques romains sont considérés comme tombés dans l’infidélité, et les protestants comme s’étant convertis au catholicisme romain. Si la foi catholique romaine peut être considérée à l’intérieur de la zone de l’Église, il semblerait qu’elle perd du terrain ; à l’extérieur de cette zone, elle en gagnerait plutôt. Et il n’est pas difficile d’expliquer ces circonstances. Nos contemporains sont naturellement peu disposés à croire ; mais dès qu’ils ont un peu de religion, aussitôt, ils se trouvent une propension latente qui les pousse inconsciemment vers le catholicisme. Beaucoup des doctrines et des pratiques de l’Église romaine les stupéfie ; mais ils éprouvent une admiration secrète pour leur discipline, et leur grande unité les attire.

Les nombreux exemples d’infidélités de l’Ancien Testament rendent difficile pour n’importe quel catholique de s’appuyer sur des lauriers présumés ou du triomphalisme. Les récents scandales d’abus sexuels au sein de l’Église ont défiguré la splendeur de la mission de l’Église. (Pour être juste, mais ce n’est pas une excuse, le taux de méfaits sexuels est le même dans toutes les organisations religieuses.)

La crise des abus sexuels au sein de l’Église, en même temps qu’une bureaucratie de plus en plus écrasante, ont provoqué – à juste titre – une sorte de paralysie des institutions (un Tocqueville contemporain pourrait hésiter à citer avec une telle confiance la « discipline » de l’Eglise et l’efficacité qu’une telle discipline provoque.)

Autrement, comment pouvons-nous expliquer l’échec général de l’institution à garder la liberté religieuse lors de la pandémie ? Les historiens discuteront toujours pour savoir si c’est par respect du bien commun, la crainte de poursuites judiciaires, ou une peur servile, qui a motivé les autorités ecclésiastiques à se plier docilement aux édits du gouvernement. Néanmoins, le monstre bureaucratique de l’Eglise – et virtuellement de chaque paroisse et entité catholique – s’est soumis.

Ce n’est pas le cas en ce qui concerne les églises protestantes indépendantes du Texas, de Floride et, depuis peu, du Kentucky.

L’église des « Chrétiens en feu » – une église protestante évangélique de Louisville au Kentucky – a déposé une injonction restrictive temporaire contre le maire. La déclaration a pour but de bloquer son interdiction aux églises de célébrer des offices en drive-in pendant la pandémie du Covid 19.

Une réaction aussi rapide serait impossible de nos jours, du fait de la forte centralisation de l’Église catholique. Le Samedi Saint, l’honorable Justin R. Walker, juge de district de la cour occidentale des États Unis au Kentucky a fait droit à la requête d’injonction restrictive temporaire.

Avec un raisonnement éloquent, incisif et d’un légalisme sardonique, le juge Walker commence ainsi :

Le jeudi saint, un maire américain a rendu criminelle la célébration en communauté de la fête de Pâques. Cette décision est quelque chose que cette Cour ne s’était jamais attendue à voir en dehors des pages d’un roman dystopique ou peut-être dans les pages de l’Oignon. Mais il y a deux jours, en citant la nécessité de distance sociale pendant la pandémie actuelle, le maire de Louisville, Greg Fisher, a ordonné aux chrétiens de ne plus assister aux offices du dimanche, même en restant dans leurs voitures pour les suivre – et ceci alors même que c’était le jour de Pâques. La décision du maire est stupéfiante. Et elle est « au-delà de tout raisonnement » inconstitutionnelle.

À la suite d’une étude érudite de l’histoire américaine et de la quête de notre nation pour la liberté religieuse, le juge Walker conclut ainsi : « La cour n’a pas l’intention de contester la parfaite légalité du métier de vente d’alcool, ni celle de l’activité largement appréciée de la boire. Mais si la bière est « essentielle », Pâques l’est aussi.

La défense éloquente qu’a faite le juge de la liberté religieuse me rappelle une merveilleuse affiche œcuménique de Norman Rockwell (de nos jours politiquement incorrecte), pour promouvoir l’effort de guerre de l’Amérique pendant la seconde guerre mondiale. Il fut un temps en Amérique, où défendre la liberté religieuse justifiait de prendre les armes. L’affiche montre les visages de nombreux américains ordinaires en prière, dont une femme avec un chapelet enroulé sur les mains.

Aussi, pour cette tournée de relations œcuméniques entre catholiques et protestants, comme la bureaucratie catholique fait traîner les choses, les lauriers reviennent aux églises indépendantes, telle celle de « Chrétiens en feu » qui combattent le bon combat pour la liberté religieuse.

« La douceur du Seigneur notre Dieu soit sur nous : confirme l’ouvrage de nos mains » (Psaume 90 : 16 – 17, KJV)

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[(À propos de l’auteur

Le père Jerry J. Pokorsky est prêtre du diocèse d’Arlington. Il est le curé de la paroisse Sainte-Catherine de Sienne à Great Falls, en Virginie.)]