Les évêques français confondent morale et politique - France Catholique
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Les évêques français confondent morale et politique

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Dans un texte récent, Dans un monde qui change, retrouver le sens du politique, l’épiscopat français déclare s’adresser « aux habitants de ce pays » et veut refonder le contrat social. On peut s’interroger sur la nature de ce texte. Est-ce de la science politique ? De la philosophie politique, de la théologie politique ? Le texte de nature hybride suscite des interrogations d’autant plus que dans le même temps la revue jésuite : Projet, appuyée par le journal La Croix publie un dossier destiné à mettre en garde contre le Front national.

Concernant le texte de l’épiscopat, on peut à tout le moins se poser quatre questions :

1/ Le texte est adressé « Aux habitants de ce pays ». Puisqu’il s’agit de faire réfléchir les lec­teurs sur la situation politique, sociale et culturelle de la France, on aurait pu s’attendre à ce qu’il soit adressé aux Fran­çais, en tant qu’électeurs en 2017 ou aux catholiques dont les évêques ont la charge pastorale. Manifestement les évêques ont voulu s’adresser à des gens qui ne sont pas citoyens pour certains d’entre eux. Il s’agit là d’une prise de position très contestable. Quand on prétend refonder le contrat social, on commence par respecter les critères de la citoyenneté en France.

2/ On peut ensuite se demander quelle est véritablement la compétence de l’épiscopat sur la question politique en France. Concernant la compétence qu’on peut appeler technique, on aimerait savoir quels sont les politologues qui conseillent l’épiscopat. Concernant la compétence statutaire, on peut considérer que les évêques peuvent nous donner une approche de théologie morale mais il faut dans ce cas faire véritablement de la théologie et se référer à la révélation chrétienne, ce qui n’est pas le cas présentement.

3/ La déclaration qui nous semble la plus contestable revient à énoncer que la France est une société multiculturelle sans que les données sociologiques soient présentées. Cette affirmation non étayée semble indiquer que les évêques désirent que la France soit une société de nature multiculturelle. Dans ce cas, on est en présence d’une position qui relève de la philosophie politique et qui est donc éminemment discutable dans tous les sens du terme.

4/ La meilleure preuve vient de nous en être donnée par le rapporteur du Conseil d’État qui déclare que les crèches installées dans les lieux publics (mairies, Conseils départementaux) ne portent pas atteinte à la laïcité car elles traduisent un donné culturel en France. Cela revient à dire que le christianisme appartient à la culture française qui donc n’est pas multiculturelle. On aurait attendu des évêques qu’ils s’inscrivent résolument dans cette ligne et défendent l’identité qui relève du judeo-christianisme.
Concluons par une re­marque qui concerne le document de la revue Projet, diffusé avec le n° de La Croix du 6 oc­tobre. Ce quotidien et ce mensuel, tous deux explicitement catholiques, adressent une mise en garde contre le Front national. S’il s’agit d’une prise de position fondée sur ce qu’un chrétien peut accepter ou non, on aurait pu s’attendre à ce que le refus de l’extrême gauche soit également énoncé puisque cette galaxie attend de la révolution, le salut de l’humanité. Si on veut condamner les religions séculières, il faut les condamner toutes.

* théologien et politologue (dernier ouvrage : Le libéralisme et ses ennemis, DDB, 2012.).


Jacques Rollet, ancien prêtre, enseigne la science politique à l’université de Rouen. Docteur d’Etat en science politique, docteur en théologie, il est également chargé de cours à la Faculté des sciences sociales et économiques de l’Institut catholique à Paris. Il a publié, entre autres ouvrages : Le cardinal Ratzinger et la théologie contemporaine (Cerf), en 1987. Il collabore à la revue Esprit.

http://www.affress.fr/index.php/l-association/qui-est-qui/le-conseil-scientifique/242-pr-jacques-rollet.html