Pour Saint Louis, ils étaient comme « la prunelle de ses yeux ». Cette expression médiévale, usitée dans certains psaumes et proverbes bibliques, qualifie la sollicitude de Louis IX envers les convertis du Proche-Orient. Mais qui étaient ces femmes et ces hommes prêts à quitter l’islam pour une religion et un royaume de France si loin de leur terre natale ? Et surtout pourquoi un tel projet né au cœur des croisades ?
La conversion des Sarrasins
Au XIIIe siècle, l’hypothétique avènement de l’Apocalypse tourmente les esprits. Louis IX, comme nombre de chrétiens en Europe, se préoccupe sérieusement de la manière dont cela va se produire. En 1244, les Turcs envahissent Jérusalem, profanent les lieux saints chrétiens et les tombes des rois latins. Le retentissement des exactions trouble l’Occident. Par ailleurs, le conflit épuisant entre Frédéric II et la papauté inquiète. L’empereur exerce une pression permanente sur les États pontificaux et a été excommunié pour ne pas avoir lancé la sixième croisade. N’est-il pas un signe de la fin des temps ? Le pape Grégoire IX surnomme l’empereur du Saint-Empire l’antéchrist ! Dans ce contexte, lancer une croisade semble la réaction idoine pour faire face aux troubles et défis de ce temps, tout en s’en remettant à la miséricorde de Dieu. Et comment plaire à Dieu si ce n’est en lui gagnant toutes les âmes, surtout celles des infidèles ? Ainsi naquit l’idée de l’impérative conversion des Sarrasins. Un peu rapidement, les chevaliers francs rêvaient de voir les commandants musulmans vaincus se rendre spontanément aux fonts baptismaux, puis inciter leur peuple à faire de même. Pourquoi ne pas y croire ? Dans l’Europe du Haut Moyen Âge, les conversions des Anglo-Saxons, des Goths, des Scandinaves, des Slaves s’étaient en grande partie déroulées de cette manière. Non seulement la conversion de l’ennemi musulman était une composante de l’imaginaire du chevalier occidental, mais ce scénario était redouté par les musulmans eux-mêmes quand ils combattaient les croisés.
Dans cette optique, Louis IX se révèle en roi stratège. Il ordonne de capturer les musulmans, et non de les tuer, et de laisser la vie sauve à leurs femmes et à leurs enfants. Ce sera pour lui la première étape menant à la conversion de familles musulmanes entières.