Léon Harmel précurseur oublié - France Catholique
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L'amour du travail bien fait avec saint Joseph artisan
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Léon Harmel précurseur oublié

Premier volet de notre série sur les renouveaux spirituels au XIXe siècle, après la Révolution française. À travers la figure de Léon Harmel (1829-1915), industriel et catholique fervent, c’est tout un courant d’apôtres de la doctrine sociale de l’église qui a émergé en France. Et continue de rayonner jusqu’à aujourd’hui.

Série « Les renouveaux au XIXe siècle »

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Léon Harmel. Apôtre de la doctrine sociale (BD), par Dominique Bar et Guy Lehideux, éd. du Triomphe - Institut politique Léon Harmel, 2015, 40 p., 15,90 €. (Ici avec Léon XIII).

Léon Harmel. Apôtre de la doctrine sociale (BD), par Dominique Bar et Guy Lehideux, éd. du Triomphe - Institut politique Léon Harmel, 2015, 40 p., 15,90 €. (Ici avec Léon XIII).

Le grand Lyautey, maréchal de France et résident général du protectorat français au Maroc, disait de lui : « J’ai eu ma jeunesse élevée dans l’admiration de Léon Harmel que, autour d’Albert de Mun, nous regardions comme le “réalisateur ”… Et c’est la tradition du Val-des-Bois à laquelle je cherche de loin et bien indignement à me rattacher dans mes modestes tentatives d’action morale. » Son charisme a étonné son époque, sa méthode est trop oubliée et ses réalisations sont encore sous nos yeux.

L’ami de Léon XIII

Né en 1829, il verra passer les trois couronnes de la Restauration, l’arrivée de la IIe République, le Second Empire et les guerres franco-italiennes puis franco-allemande, la IIIe République avec l’expansion coloniale, industrielle, économique et démographique qui aboutit à la Première Guerre mondiale. Cinq papes se partagent le gouvernement de l’Église de cette époque, Pie VIII, Grégoire XVI, Pie IX, Léon XIII et Benoît XV. Il sera l’ami de Léon XIII qui dira de lui : « Ce cher fils m’a procuré les meilleurs jours de mon pontificat. » Il prend la direction de l’usine familiale de filature du Val-des-Bois près de Reims en 1825. Il a 25 ans. Il prolonge l’action de son père et fait de son usine un lieu de travail et de vie où la communion des personnes rejoint le projet évangélique. Elle fait l’admiration de Léon XIII : « Nous exhortons tous les maîtres et tous les travailleurs de grandes usines, dans l’intérêt de la religion et de la patrie, aussi bien que pour leurs avantages, à fixer les yeux sur l’ordre, la paix et l’amour mutuel qui règnent dans les ateliers du Val-des-Bois, et à s’efforcer de suivre un si bel exemple. »

Albert de Mun en trace un portrait singulier : « Un homme extraordinaire, dont les dehors modestes et la simplicité rustique cachent une âme de feu, une intelligence déliée, une indomptable ténacité. » Léon Harmel est un priant du Tiers-Ordre franciscain dont il sera l’acteur de la rénovation en 1893. La nuit, il se lève et rejoint la chapelle attenante à sa maison. L’usine du Val-des-Bois est placée sous la protection de Notre-Dame de l’Usine. Le feu qui ravage l’usine en 1874 s’arrête au pied de la Vierge. Léon n’impose aucune pratique religieuse mais il propose la foi sans ostentation ni complexe. Il opère dans ce lieu de travail « presque des miracles, miracles d’amour, d’union, de foi, miracles de fusion ».

Il aura huit enfants d’une épouse qui meurt bien vite. Il n’a alors que 41 ans. Mais déjà il est porté par l’unité de vie entre sa foi vivante, sa famille, ses responsabilités professionnelles et de fils de l’Église.

Grands pèlerinages à Rome

Sa vie publique démarre avec les cercles ouvriers de Maurice Maignen, qu’il relance avec Albert de Mun et René de la Tour du Pin. Son action déborde très vite le cadre de son entreprise. Il organise des grands pèlerinages ouvriers à Rome, dont Léon XIII dira que l’encyclique Rerum novarum (1891) en est le fruit. Il donne l’exemple d’un catholique qui s’affranchit de toutes les idéologies et les opportunismes politiques, sociaux et économiques pour suivre le Christ. Il traverse la France irréconciliée de son époque comme Jonas avait traversé Ninive. Celle des régimes, monarchistes opposés aux démocrates ; celle des gallicans contre les ultramontains ; celle des anti-dreyfusards contre les dreyfusards ; celle de l’Action française contre le Sillon ; celle des libéraux contre les socialistes ; celle du capital contre le travail ; enfin celle des croyants contre les athées.

Gagner les cœurs plutôt que les élections

La méthode de Léon Harmel, c’est de gagner les cœurs plutôt que les élections. Il précède la pensée de René Girard sur cet objectif d’éduquer à la sainteté, et non à l’héroïsme. Il est prophète pour défendre la dignité de l’homme, soutenir son initiative et nourrir son aspiration spirituelle. Il est l’expérimentateur de l’Esprit Saint dans l’usine du Val-des-Bois, et précède ainsi l’expérience des Focolari de l’économie de communion. Il est apôtre de la solidarité humaine dans le travail, en imaginant des structures participatives et d’entraide au sein de son usine. Et enfin il est le défenseur de la pensée de l’Église dans la société française.

Citons ici quelques fruits de son action. En particulier, c’est lui qui est l’initiateur et le fervent défenseur du syndicat, fondé et dirigé par les ouvriers. Ainsi, il est indirectement le père de la CFTC et de la CFDT. Comme formateur de patrons chrétiens, il est l’initiateur des Entrepreneurs et dirigeants chrétiens (EDC). Pédagogue, il est aussi à l’origine d’écoles d’ingénieurs, l’ICAM et HEI à Lille. Enfin, il est l’un des fondateurs des Semaines sociales de France. Peu de ces institutions s’en souviennent !