Le virus – et autres dangers moraux - France Catholique
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Le virus – et autres dangers moraux

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Danse macabre, La Chaise-Dieu

Danse macabre, La Chaise-Dieu

© Jean-Pol GRANDMONT / CC by-sa

Je me considère comme l’un de ces dévots, travaillant dans le vignoble du droit naturel, qui ne trouve pas son travail parmi les « théories ». Je suis attiré, avec d’autres membres de mon club, par ces préceptes de « bon sens » que les gens ordinaires saisissent régulièrement pour se lancer dans les affaires de la vie – les choses qu’ils doivent savoir avant d’être capables de pratiquer la traite des théories. Avant que quiconque se moque de David Hume sur le sens de « causalité », il connaît – même sans se rendre compte qu’il la connaît – sa propre énergie active qui est la cause de ce que ses propres actes se font.

Le philosophe britannique John Finnis soulignerait dans ce sens les nombreuses façons dont les gens élaborent chaque jour dans leurs actes un point d’ancrage sur la bonté de préserver la vie humaine. Dans les exemples de Finnis, nous regardons des deux côtés du trottoir avant de traverser la rue ; nous organisons des campagnes pour sauver les gens de la famine dans des pays lointains. Nous n’avons pas encore exactement constitué un hôpital ou un service d’urgence, partant du principe que la mission principale dans le traitement d’une personne blessée est de la liquider plus rapidement afin de soulager sa famille de décisions difficiles. À partir d’une hypothèse qu’ils ne pensent jamais à remettre en question, ces services considèrent leur mission comme étant de sauver des vies.

Nous pouvons imaginer une enseignante au troisième étage d’une école, alertée qu’il y a un incendie et chargée de faire sortir ses élèves du bâtiment. Et alors supposons qu’elle agisse dans ce but en les jetant par la fenêtre. L’affaire est inimaginable parce que, comme nous le disons, nous « nous attendons à ce qu’elle sache ». Savoir quoi ? Que sa mission est bien de faire sortir les enfants du bâtiment, mais d’une manière qui assure leur sécurité et leur vie.

Ce qui amène tout cela maintenant, c’est que, depuis deux semaines, le pays est aux prises avec la crise du virus COVID-19. Le principe dominant, régnant, qui traverse tous les pays et toutes les « cultures » – et tous les types de médias – est que notre mission est de protéger la vie humaine, toutes les vies humaines. Et pour atteindre cet objectif, nous sommes prêts à bouleverser presque tout ce qui est devenu normal, et même nécessaire, dans nos vies.

Les restaurants et les bars ont fermé; les grands événements sportifs ont été annulés et certaines parties de la saison de jeu ont été annulées. Les petites entreprises ont été bouclées, menaçant leur solvabilité ainsi que le soutien matériel des familles qui dépendent de ces entreprises.

Dans cette conviction inébranlable de sauver des vies humaines, il n’y a pas eu le moindre doute, même parmi les chefs de file des médias de gauche. Ils ne semblent pas douter que l’objectif primordial est de sauver des vies, des jeunes et des personnes en bonne santé, ainsi que des personnes plus âgées et à la limite de leur vie.

Les commentateurs sont apparemment prêts à sauver la vie de personnes qu’ils ne connaissent pas, et ils ne peuvent donc pas savoir que toutes ces personnes méritent également leur inquiétude. Le mandat de protéger la vie humaine est évidemment imposé pout tout le monde, même les personnes que les médias trouvent répugnantes, et la seule justification peut être que ce sont des vies d’êtres humains.

Beaucoup de mes lecteurs savent maintenant vers où je les emmène : si l’engagement primordial est de protéger la vie humaine, dans toutes les conditions et à tous les âges, comment les mêmes commentateurs libéraux pourraient-ils ne pas montrer la moindre préoccupation pour le meurtre chaque année dans ce pays d’environ 860 000 petits êtres humains innocents par avortement ?

Là, ils prennent du recul non seulement avec indifférence, mais avec une célébration enthousiaste du « droit » de tuer de cette manière pour leur propre intérêt.

Le fait que la contradiction ne les ait pas brisés est le reflet de quelque chose qui est devenu profondément dysfonctionnel dans ce qui était auparavant considéré comme un aliment de base de l’éducation libérale : une pratique élémentaire du raisonnement sur les questions qui ont des conséquences morales, sur la base de principes reconnus.

Aristote comprenait bien que ce genre d’exercice pourrait avoir peu d’attrait pour les gens qui sont plus intéressés par le faire que par le savoir. Mais comme il l’a reconnu dans l’Éthique, « le défaut n’est pas dû au manque d’années mais au fait de vivre un genre de vie qui est une succession d’expériences émotionnelles sans rapport entre elles. »

Cette éducation au raisonnement moral ne peut avoir d’attrait que pour les personnes qui craignent qu’il existe un principe qui relie les choses qu’elles ont faites dans le passé avec les choses d’aujourd’hui et celles des jours à venir. Ce qui est décourageant dans notre vie publique aujourd’hui, c’est le sentiment de la disparition de ces formations de l’esprit dans les médias et dans une grande partie de la classe politique.

Dans ma dernière chronique, j’ai rappelé la question de la loi sur les survivants nés après un avortement, qui est finalement arrivée au Sénat. En s’opposant à ce projet de loi, le sénateur Dick Durbin de l’Illinois a exprimé avec passion sa préoccupation du taux plus élevé de « mortalité infantile » chez les nouveau-nés noirs. Et pourtant, il devait sûrement savoir que dans des villes comme Chicago et New York, les avortements d’enfants noirs ont souvent été plus nombreux que les naissances de vivants.

Durbin a reflété la même stupidité que j’ai notée ici pour la classe politique de gauche dans la crise du virus. Cette rencontre au Sénat avait d’autres leçons à révéler, et j’y reviendrai après que nous nous serons mussés pendant deux semaines de plus.

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[(À propos de l’auteur

Hadley Arkes est le professeur émérite de la chaire Ney de Jurisprudence à Amherst College. Il est également fondateur et directeur de l’Institut James Wilson sur les droits naturels et la fondation de l’Amérique. Son livre le plus récent est Constitutional Illusions & Anchoring Truths: The Touchstone of the Natural Law (« Illusions constitutionnelles et vérités fondamentales ; la pierre angulaire de la loi naturelle »). Le Volume II de ses conférences audio sur The Modern Scholar, First Principles and Natural Law (« Le savant moderne. Premiers principes et loi naturelle ») est à présent téléchargeable.)]