Le sang du pauvre - France Catholique
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Van Eyxk, l'art de la dévotion
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Le sang du pauvre

PANAMA PAPERS

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Quel commentaire peut-être digne du scandale du jour ? Un scandale que je serais bien en peine d’expliquer en détail, n’entendant strictement rien aux mécanismes des paradis fiscaux. Il y a un nouveau scandale de Panama, sans aucun doute plus scandaleux que celui qui fit frémir nos aïeux sous la Troisième République. Alors, la presse dénonçait les chéquards, ceux qui avaient touché des chèques frauduleux dans les opérations financières autour du creusement du fameux canal. D’abord, il s’agit d’un scandale international qui touche une bonne partie de la planète, dans ce qu’il est convenu d’appeler les élites. Les élites qui vivent sur des monceaux d’or, qui spéculent et font tout ce qui est possible pour grossir un capital, dont ils sont insatiables.

On objectera à cela que l’argent est à l’origine du prodigieux développement économique de la planète, singulièrement à l’heure de la mondialisation. Rien de décisif ne peut se faire sans investissements et donc sans accumulation du capital. Il serait donc irresponsable de vitupérer contre l’argent, qui est non seulement le nerf de la guerre mais surtout l’agent indispensable de la création d’entreprises et d’emplois. Indiscutable, certes ! Mais il y a un autre aspect du problème, celui de la fausse fécondité de l’argent en lui-même. C’est le travail investi dans l’œuvre qui confère la fécondité, nullement l’argent en lui-même, qui, lorsqu’il est livré à sa logique autiste, devient un terrible prédateur.

Péguy avait très bien compris cela, et avant lui notre terrible Léon Bloy. Je dis terrible, car cet écrivain supérieur a écrit le pamphlet le plus impitoyable qui ait jamais été publié. Le sang du pauvre ! Je l’ai repris dans ma bibliothèque et c’est à peine que j’oserais en reprendre des citations, tant elles sont brûlantes : « Le sang du pauvre, c’est l’argent. On en vit et on en meurt depuis des siècles. Il résume expressément toute souffrance. » On sait notre pape François grand lecteur de Léon Bloy et l’on conçoit qu’il ait quelques raisons de maudire régulièrement l’argent quand il s’agit de l’argent volé. L’argent volé aux pauvres.

Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 5 avril 2016.