Le procès de Jésus - France Catholique
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L'amour du travail bien fait avec saint Joseph artisan
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Le procès de Jésus

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Jésus devant le Grand prêtre, Gerrit van Honthorst, 1617

Jésus devant le Grand prêtre, Gerrit van Honthorst, 1617

[National Gallery, London]

Joseph H.H. Weiler, professeur de droit à l’université de New York, est un homme curieux. Né en Afrique du Sud, il a fait son service dans l’armée israélienne et a fait ses études en Europe avant de venir aux Etats Unis. Il est expert à la fois en droit commercial et constitutionnel, et a défendu avec succès devant la cour européenne des droits de l’homme, le droit de l’Italie à mettre un crucifix dans les salles de classe.

La première fois que je suis allé à son bureau, il y a des années, j’ai eu immédiatement l’œil attiré par la photo de sa famille reçue par le pape (devenu saint) Jean Paul II. Pas absolument typique de la part d’un Juif pratiquant. Mais très vite dans la conversation avec lui, on se rend compte quel esprit généreux et quel grand cœur Jean Paul II a pu aimer et chérir. Le mot qui le désigne est mensch.

Weiler a étudié avec assiduité le Nouveau Testament et en particulier du procès de Jésus. Pendant des années, il a fait un cours sur le procès à la faculté de droit de l’université de New York, qui attirait des étudiants juifs, catholiques et protestants.

En 2010, il a prononcé le discours prestigieux du parcours Erasmus sur le procès, et a résumé son argumentation dans un Essai sur les commencements. Cet essai se termine par la vraie question : « N’est-il alors pas possible que dans ce double procès, celui de Jésus, et celui des Juifs, tout le monde ait été en train de suivre la voie de Dieu ? »

Comment est-ce possible ? Comment les autorités juives, en condamnant Jésus et en demandant à l’occupant romain de le crucifier, pouvaient-elles faire la volonté du Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, et, dans la foi chrétienne, du Dieu fait homme qui lui-même allait mourir et ressusciter ?

Il y a des aspects étranges dans le procès tel qu’il est décrit par les Évangiles. Le fait que les chefs juifs aient choisi de faire un procès, cela déjà est curieux. En l’absence de toute insupportable media d’investigation dans les environs, pourquoi n’auraient-ils pas choisi l’option plus simple de « faire disparaître » Jésus ? Ainsi, le Christ aurait pu échapper à leur tentative d’assassinat, comme lorsqu’il s’était éclipsé à travers une foule furieuse, mais le grand conseil juif ne pouvait pas être au courant de cela.

Au procès, ils ont appelé des témoins, mais les témoins se contredisaient. N’auraient-ils pas pu trouver facilement quelques témoins qui moyennant un petit « encouragement » se seraient mis d’accord sur une accusation ? Les officiels pensaient apparemment qu’ils avaient besoin au moins d’une apparence de procès juste.

Et ce ne sont pas des témoins, honnêtes ou pas, mais le témoignage même de Jésus, qui amena le verdict de culpabilité.

Weiler remarque une « dualité » dans les paroles de Jésus à travers tous les évangiles. Il dit qu’il est venu non pas pour changer un seul iota de la loi, mais pour l’accomplir. Quand les chefs des juifs ont entendu cela, ils se sont sûrement demandé de quel « accomplissement » il s’agissait. Jésus affirmait-il être lui-même l’accomplissement, comme il l’avait dit un jour où il enseignait dans la synagogue ?

La plupart des affirmations controversées de Jésus selon Weiler, restaient dans les limites d’un débat acceptable. Discuter pour savoir s’il était permis de cueillir des grains de blé le jour du Sabbat n’était pas une offense capitale. Mais déclarer être maître du Sabbat pouvait avoir franchi la ligne. Les scribes et les docteurs de la loi juifs pouvaient avoir entendu ces paroles et perçu que Jésus, de façon ambigüe, avait des prétentions à la divinité ce qui en effet, aurait été un blasphème pour n’importe quel mortel.

Le procès voudrait alors chercher à clarifier cette ambiguïté. Mais Jésus parle peu au cours du procès, ne nie rien, et laisse la cour toujours incertaine quant à son « statut ». On prend ses paroles pour confirmer sa présentation blasphématoire de lui-même comme Dieu.

Weiler trouve dans le Deutéronome XIII 1-5 un motif possible au comportement de la cour.

S’il surgit parmi vous un prophète ou un visionnaire – même s’il t’annonce un signe ou un prodige et que le signe ou le prodige se réalise – s’il dit :  « suivons et servons d’autres dieux, des dieux que tu ne connais pas » tu n’écouteras pas les paroles de ce prophète….car c’est le Seigneur votre Dieu qui vous éprouvera de cette manière pour savoir si vous êtes des gens qui aimez le Seigneur de tout votre cœur….Mais ce prophète, ce visionnaire, il sera mis à mort… ..Tu ôteras le mal du milieu de toi.

Les autorités juives étaient responsables de prendre les décisions qui feraient respecter, ou non, le devoir sacré des juifs dans leur alliance avec Dieu. Ils voyaient Jésus comme quelqu’un qui les attaquait dans leur respect du commandement du Deutéronome.

Ils ont demandé à Jésus s’il était le prophète dont parlait le Deutéronome du chapitre 13 ? Ses miracles étaient vraiment réels, comme c’est prévu dans ce passage – ce n’était pas un spectacle de magie. Si l’on n’avait pas connaissance de la Trinité, ses paroles pouvaient être prises comme une incitation pour les juifs à suivre un dieu différent : lui-même avec ses prétentions à être le chemin, la vérité et la vie, et le fils de l’Homme.

Selon les Ecritures, il semble indéniable que le Christ a dit à ses disciples que sa mort serait nécessaire pour accomplir sa mission de salut. L’effort de Pierre pour empêcher cette mort a suscité une des réprimandes les plus sévères du Christ, « retire-toi de moi Satan ». Le Christ leur dit également qu’il est meilleur pour eux qu’Il s’en aille, pour que l’avocat leur soit envoyé à la Pentecôte.

Ainsi, en condamnant Jésus et en réclamant son exécution, les chefs des juifs ne se faisaient-ils pas involontairement les acteurs de la volonté de Dieu : que le Christ soit mis à mort, ce qui ouvrait la voie à la Résurrection et à la venue de l’Esprit Saint pour tous les peuples ?

Et n’accomplissaient-ils pas en même temps le commandement que leur imposait le Deutéronome, eux, le peuple choisi pour faire alliance avec Dieu ?

Weiler ne prétend pas que son explication soit une solution incontestable qui résoudrait toutes les questions. Mais tout au moins est-ce théologiquement un sujet de débat possible.

Mais il me semble à moi que la thèse de Weiler, inspirée par les écritures, n’est pas plus difficile à accepter que l’idée qu’avec le Christ, la mort soit la vie, ou qu’une Vierge puisse donner naissance à un home qui est Dieu. Le Dieu tout puissant ne se contredit pas, mais il œuvre suivant des voies mystérieuses.